Question de M. PLASAIT Bernard (Paris - RI) publiée le 23/03/2000

M. Bernard Plasait attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la nécessité pour la France de renouveler ses exportations. En effet, comme la plupart des partenaires européens, la France a perdu des parts de marché mondiales depuis 1990, du fait du nouveau souffle américain, de la surévaluation des devises du SME par rapport au dollar, de la montée en puissance des économies émergentes favorisées à l'exportation par de bas coûts salariaux et certaines formes de concurrence anormale. Les exportateurs ont de ce fait perdu du terrain par rapport à leurs concurrents européens. A l'intérieur du bloc monétaire européen, l'éclatement de la grille des changes en 1992 et 1993 s'est initialement traduit par un renchérissement des monnaies du noyau dur du SME qui a fortement entamé la compétitivité des entreprises françaises. Même si la vigueur des exportations en 1997 a largement corrigé cet effet, il ne l'a pas fait totalement et les chiffres désignant l'évolution entre 1990 et 1997 indiquent que la part des exportations françaises dans le total des exportations mondiales a baissé de 1,2 point plaçant la France en avant-dernière position à l'échelle européenne. Il lui demande, par conséquent, les solutions qu'il préconise et envisage de suivre afin de pallier cette érosion des parts de marché françaises.

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Réponse du ministère : Économie publiée le 08/06/2000

Réponse. - Contrairement à une idée reçue, la part de la France dans le commerce mondial ne connaît pas de déclin significatif. La France demeure ainsi le quatrième exportateur mondial de marchandises. L'enjeu pour les entreprises françaises est toutefois de se positionner sur des secteurs d'avenir et d'augmenter leur présence sur certains marchés étrangers - les marchés émergents -, qui, grâce à leur propre spécialisation, disposent d'un fort potentiel de croissance. La part de marché de la France (en valeur) dans les exportations mondiales est en léger déclin. Cette part de marché en valeur s'est établie, selon l'Organisation mondiale du commerce (OMC), à 5,6 % en 1998. Bien que supérieure aux niveaux du milieu de la décennie 1980 (5 %), elle est en recul par rapport à 1990, où elle était de 6,3 %. Selon les premières estimations, la part de marché française reculerait à nouveau, en valeur, de 5,6 % en 1998 à 5,3 % en 1999. Les parts de marché en valeur de l'ensemble des grands pays européens - qu'ils aient ou non fait partie du " noyau dur " du système monétaire européen en 1992 - diminuent depuis 1990, tout comme celles du Japon, alors que les Etats-Unis gagnent un point sur cette période.( NOTA Voir tableau page 2075 ). Source : OMC ; sources nationales. L'évolution des parts de marché en valeur est toutefois un indicateur délicat à interpréter. En effet, l'évolution de la part de marché mondiale d'un pays reflète non seulement sa compétitivité intrinsèque, mais aussi la dynamique des marchés vers lesquels il exporte et celle des prix des marchandises échangées (l'" effet d'entraînement ") (1). Ainsi : une économie qui exporte principalement vers des régions à croissance faible voit mécaniquement diminuer sa part de marché mondiale ; l'augmentation du prix du baril accroît la part de marché mondiale des pays exportateurs de pétrole ; une appréciation du dollar réduit automatiquement l'importance dans le commerce mondial des échanges qui ne sont pas libellés en cette monnaie, notamment les échanges intra-européens. Dans ce contexte, le gain de compétitivité-prix des producteurs européens se traduit, ce qui est un paradoxe apparent, par une perte de leurs parts de marché. En particulier, deux effets faussent la lecture de nos parts de marché en 1999 : la hausse du cours du brut en 1999 a eu pour effet d'accroître le poids du pétrole dans le commerce mondial de 4 à 5,5 %, selon les premières estimations, d'où une baisse mécanique de près de 0,1 % de la part de marché française ; l'appréciation du dollar a réduit mécaniquement l'importance dans le commerce mondial des échanges de la France avec ses partenaires européens (échanges non libellés en dollars), d'où une nouvelle diminution de 0,05 % à 0,1 % de la part de marché mondiale de la France. Il est pour cela préférable d'employer des indicateurs de parts de marché en volume et non en valeur, même si celui-ci ne peut-être calculé que sur un nombre plus restreint de pays. En volume, la part de marché relative de la France reste stable depuis 1990, tandis que celles de ses concurrents européens baissent. Notre part de marché relative en volume (par rapport à 24 pays de l'OCDE) est stable depuis 1990. Elle se tasse très légèrement en 1999 (de 7,9 à 7,8 %). Elle se maintient ainsi à son niveau moyen des dix dernières années, contrairement à la grande majorité des principaux pays de l'OCDE (léger recul pour la Belgique, l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie et très fort dans le cas du Japon). En revanche, les parts de marché en volume des Etats-Unis n'ont cessé de progresser au cours des années 1990. Après un déclin très prononcé, les Etats-Unis ont récemment retrouvé des niveaux de parts de marché similaires à ceux du milieu des années 1970. Cette performance a pu être liée à une faiblesse conjoncturelle de la devise américaine par rapport aux monnaies européennes, faiblesse disparue aujourd'hui. Elle est surtout liée à la bonne spécialisation américaine sur des secteurs porteurs (nouvelles technologies), comme sur des régions géographiques dynamiques (Asie, Amérique Latine). Une faible érosion des parts de marché françaises, liée à l'émergence de certains pays en développement, pourrait néanmoins être décelée. Même s'il prend en compte le Corée et plusieurs pays d'Europe centrale et orientale, l'indicateur des parts de marché relative en volume de la France n'inclut pas certains pays émergents (Chine par exemple), qui prennent avec le temps un poids plus important dans le commerce mondial. Un hypothétique indicateur de part de marché en volume calculé sur l'ensemble du monde verrait de ce fait, très certainement, un léger déclin de la part de marché de la France, et un recul plus accentué de ses partenaires européens. L'émergence de nouveaux pays dans le commerce mondial est un phénomène bienvenu. Alors que l'on s'interroge sur le creusement des disparités de revenu entre économies au niveau mondial, il montre que certains pays en développement peuvent, en suivant des politiques appropriées, rejoindre le niveau de prospérité des pays industrialisés. Ceux-ci sont aujourd'hui de nouveaux débouchés pour nos exportateurs. Cette émergence a toutefois un impact sur nos parts de marché. En effet, la France exporte traditionnellement vers des pays qui ont été moins dynamiques que la moyenne mondiale sur les dernières années (Europe, qui reçoit près de 70 % de nos exportations, Afrique) : la faiblesse de notre présence industrielle et commerciale sur les marchés émergents d'Asie et d'Amérique Latine provque ainsi un recul mécanique de nos parts de marché au niveau mondial. Cet effet a pu être notable en 1999. Notre faible présence (part de marché de 2 %) avait été un atout durant la crise de 1997-1998 : la contraction des échanges asiatiques avait affecté de façon limitée nos exportations tout en conduisant à une augmentation marginale de notre part de marché mondiale. La reprise de l'Asie en développement (15 % du commerce mondial) a aujourd'hui l'effet inverse : elle profite avant tout aux pays d'Asie eux-mêmes, au Japon en particulier, ainsi qu'aux Etats-Unis. La légère baisse de nos parts de marché constatée au niveau global ne reflète pas un problème de compétitivité au sens traditionnel du terme. La performance de la France est, sur moyenne période, meilleure que celle de ses partenaires européens. La persistance de notre excédent commercial (plus de 116 milliards de francs en 1999) le corrobore. Cela ne signifie pas que l'appareil exportateur français ne doive pas s'adapter, en se positionnant, à l'instar des producteurs américains, sur les secteurs les plus porteurs et sur les marchés les plus dynamiques, en particulier d'Asie et d'Amérique Latine. L'ensemble du dispositif d'appui au commerce extérieur - appuis financiers, fourniture d'expertises par le réseau des postes d'expansion économique, négociations commerciales comme celle engagée avec la Chine pour son adhésion à l'OMC, soutiens spécifiques aux petites et moyennes entreprises - est orienté vers ce double objectif. (1) Cf. Note bleue " Comment interpréter l'évolution des parts de marché à l'exportation ? ", DREE, F. Benaroya, septembre 1997.

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