Question de M. CARLE Jean-Claude (Haute-Savoie - RI) publiée le 06/11/1998

Question posée en séance publique le 05/11/1998

M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, vous êtes un éminent géophysicien. Comme les mathématiques, la
physique fait appel à de nombreuses équations. La force des mathématiciens est de résoudre ces équations. Or notre
système éducatif est marqué à la fois par le nombre des inconnues et par plusieurs inadéquations. Vous me permettrez
d'en relever trois.
Première inadéquation : nous sommes au monde le pays qui fait le plus pour la formation de ses jeunes, celui dont le
personnel est reconnu comme étant l'un des plus compétents, celui qui compte le plus grand nombre de grandes
écoles, celui aussi où les études sont les plus longues. C'est pourtant, dans le même temps, celui qui enregistre le
plus fort taux de chômage des jeunes.
Deuxième inadéquation : selon vos chiffres, on compte un enseignant pour douze élèves dans le secondaire. En tenant
compte des durées de présence différentes des enseignants et des élèves au sein des établissements, on peut
admettre que la moyenne est de un pour vingt ou vingt et un. Comment, dans ces conditions, expliquer que, dans
certaines classes, les effectifs dépassent parfois les trente-cinq élèves ? (M. le ministre lève les bras au ciel.)
M. Emmanuel Hamel. Bonne question !
M. Philippe François. Très bonne question !
M. Jean-Claude Carle. Troisième inadéquation : le budget de la nation est en augmentation constante depuis de
nombreuses années. Cette augmentation, qui a atteint en dix ans 140 milliards de francs, a été essentiellement
réservée à la revalorisation des salaires. Pour quel résultat, si l'on écoute les doléances des lycéens ?
On le voit bien, monsieur le ministre, dans ce domaine comme dans d'autres, et contrairement aux mathématiques, «
plus » multiplié par « plus » ne donne pas plus.
Monsieur le ministre, ma question est simple : comment allez-vous financer ces nouvelles mesures ? Le ferez-vous à
moyens constants ? Allez-vous, une fois encore, recourir à l'inflation budgétaire ? Ou alors, troisième hypothèse, vous
défausserez-vous à nouveau sur les régions et sur les autres collectivités ?
Monsieur le ministre, si la formation est le meilleur investissement que la nation puisse offrir à ses enfants, notre devoir
est aussi de préserver des équilibres. Alors même que le secteur public pèse très lourdement sur les finances de l'Etat,
le Gouvernement va-t-il céder aux corporatismes qui constituent, il est vrai, l'essentiel de sa base électorale, ou va-t-il
préserver ces équilibres ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous avez créé une commission d'enquête !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous n'avez pas la parole !

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Réponse du ministère : Éducation publiée le 06/11/1998

Réponse apportée en séance publique le 05/11/1998

M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous n'avez pas la parole !
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le sénateur, vous
êtes probablement le seul à vous demander si je vais céder aux corporatismes... Je crois que, à la lecture des
journaux, personne n'a de doute à ce sujet ! Soyez donc sans crainte.
Mme Hélène Luc. Ça, c'est vrai !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je peux prendre un
engagement : je ne demanderai pas d'efforts - vous pouvez le constater dans le projet de loi de finances - au budget de
l'Etat avant d'avoir remis de l'ordre dans l'ensemble du budget de l'éducation nationale, ce que je suis en train de faire.
M. Paul Masson. C'est un travail d'Hercule !
M. René-Pierre Signé. Oui, parce que cela n'avait pas été fait !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. C'est pour cela que j'ai mis
en place la déconcentration. A partir de l'an prochain, nous saurons exactement comment adapter les besoins aux
moyens.
Je ferai néanmoins une petite remarque. Je ne crois pas que notre budget de l'éducation nationale soit supérieur à celui
des grands pays développés. En particulier - peut-être vais-je vous l'apprendre - il est inférieur, et de beaucoup, au
budget de l'éducation nationale des Etats-Unis par habitant. Il est également très inférieur au budget de tous les pays
scandinaves. Toutefois, aux Etats-Unis, une partie de l'enseignement est privatisée et, par conséquent, elle n'est pas
prise en compte dans le budget public, mais elle existe néanmoins.
Je le dis très fermement : actuellement, nos établissements sont sous-équipés en personnels administratifs, en
personnels de service, en personnels médicaux, en surveillants, par rapport à ce qu'ils devraient être.
Je ne peux donc pas laisser dire que l'éducation nationale est surdotée. Soyez assuré, monsieur le sénateur, que le
budget de l'Etat sera géré au mieux. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)

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