Question de M. SÉRUSCLAT Franck (Rhône - SOC) publiée le 22/04/1998

M. Franck Sérusclat souhaite interroger M. le secrétaire d'Etat à la santé sur les informations qui sont en sa possession concernant une possible sécrétion endogène de la nandrolone par l'homme. Une controverse actuelle concerne la nécessité, ou non, de réviser le seuil de nandrolone au-delà duquel un sportif est puni, parce que jugé positif. Or, certains travaux scientifiques tendent à montrer que l'organisme humain, dans certaines conditions de stress particulières, ou en fonction de la saison climatique, pourrait sécréter ces métabolites. Pour l'instant, on ne dispose pas encore de données scientifiques suffisantes permettant de porter un jugement sur cette présence normale ou non de nandrolone. Sa présence dans les urines du cheval ou d'autres animaux ne permet pas une extrapolation de l'animal à l'homme. Il aimerait connaître son avis sur la question.

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Réponse du ministère : Emploi publiée le 20/05/1998

Réponse apportée en séance publique le 19/05/1998

M. le président. La parole est à M. Sérusclat, auteur de la question n° 244, adressée à M. le secrétaire d'Etat à la
santé.
M. Franck Sérusclat. Madame la ministre, je me permets de vous interroger sur la nandrolone, qui est identifiée par
deux métabolistes apparaissant dans les urines après le catabolisme de la 19-nortestostérone.
Aujoud'hui, cette substance fait débat dans le milieu sportif et nous reviendrons certainement sur ce point ici même,
lors de l'examen du projet de loi relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage.
J'aimerais que vous me donniez des précisions sur son usage, ses effets et ses conséquences, et surtout ce que l'on
peut retenir de sa mise en évidence dans les urines des sportifs, hommes ou femmes.
La situation a évolué. Voilà encore peu de temps - six mois à un an - on considérait qu'il n'y avait pas de sécrétion
endogène de nandrolone. Aujourd'hui, le Comité international olympique, CIO, et les laboratoires qui ont la
responsabilité de rechercher les produits dopants estiment que, en-dessous de deux nanogrammes par millilitre, il faut
admettre une sécrétion endogène et que, au-delà de ce chiffre, et surtout au-delà de cinq nanogrammes, il y a eu un
apport exogène.
Des études récentes laisseraient supposer - mais, pour l'instant, elles n'ont été menées que sur des urines de jument -
qu'il serait plus intéressant de connaître le rapport entre les deux métabolites : s'il est supérieur à un nanogramme, il
traduirait une présence exogène.
Face à ces incertitudes, d'une part, et à la nécessité d'améliorer nos connaissances en la matière, d'autre part, je
souhaiterais connaître la position de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur ce sujet. Peut-être serait-il intéressant, en
cas de découverte de nandrolone, d'en débattre éventuellement comme le font les avocats, voire la presse, et d'essayer
de déceler dans les mois qui suivent les incidences, assez classiques après un excès d'apport, de l'effondrement de
certains taux dont celui de testostérone ou celui de la gonadotrophine, ce qui suppose une attente, ces substances ne
se révélant que deux à trois mois après l'apport exogène de nandrolone.
Telles sont les questions que je souhaitais poser. Pour conclure - peut-être cette question relève-t-elle du sexe des
anges - alors qu'un individu ayant une hyperglycémie n'en est pas fautif puisque c'est pathologique, celui qui aura une
hypersécrétion endogène de nandrolone se verra-t-il interdit la pratique d'activités sportives ?
Telles sont les questions que je me pose alors que nous allons examiner prochainement le projet de loi relatif à la
protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage. Je serais heureux d'obtenir des réponses précises de
votre part puisque le ministère dont vous avez la charge a des responsabilités en ce domaine.
M. le président. Vous avez la parole, madame le ministre. Vous préparez votre entrée à l'Académie de médecine.
(Sourires.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, je n'entrerai bien évidemment pas
dans la controverse actuelle, qui touche douloureusement des sportifs. Certains d'entre eux ont été contrôlés et on a
trouvé dans leurs urines un taux de nandrolone supérieur à deux nanogrammes par millilitre, ce qui est aujourd'hui la
norme retenue. Mais je vais essayer de vous donner, en l'état actuel de nos connaissances, quelques éléments sur les
données relatives au métabolisme de la nandrolone.
Dans le cadre des règles en vigueur, qui résultent non seulement de la réglementation nationale mais aussi du Comité
international olympique, la déclaration des cas positifs à la nandrolone, notamment celui du sportif auquel nous
pensons tous, est fondée sur la présence dans l'urine de ses deux métabolites, la 19-norandrostérone et la
19-norétiocholanolone.
M. Charles Descours. Bravo !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous voyez comme j'ai appris sur ce sujet grâce à M.
Sérusclat.
M. Charles Descours. L'ENA mène à tout ! (Sourires.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ce critère de positivité a été modulé en 1996 par une
recommandation du Comité international olympique aux directeurs des laboratoires antidopage, qui a abouti à retenir un
seuil de précaution de deux nanogrammes par millilitre.
Ce seuil a pour objet d'éviter toute confusion avec une production endogène des métabolites de la nandrolone par
l'organisme humain.
Le seuil de deux nanogrammes par millilitre peut-il être atteint par une production endogène, ou un apport exogène
est-il nécessaire pour ce faire ? Telle est la question qui se pose.
De nombreuses équipes ont travaillé sur ce sujet précis depuis plusieurs années. L'expérience acquise et leurs travaux
confirment que ce seuil de positivité de deux nanogrammes par millilitre est suffisant pour distinguer les deux cas.
Certains experts mondialement reconnus, notamment ceux du laboratoire de contrôle du dopage de Montréal, ont
même proposé de retenir comme seuil du dopage un nanogramme par millilitre, considérant que la production endogène
n'atteignait jamais ce niveau.
Par ailleurs, de nombreux travaux sur la présence des métabolites de la nandrolone dans l'urine ont été publiés
récemment. Ils montrent que la présence d'un des métabolites, lorsqu'elle est avérée, est inférieure à 0,6 nanogramme
par millilitre, s'agissant de la norandrostérone, et inférieure à 0,1 nanogramme par millilitre, en ce qui concerne la
norétiocholanolone, soit vingt fois moins que le seuil de positivité retenu.
Les facteurs extérieurs de stimulation qui seraient susceptibles d'entraîner une production endogène plus importante de
nandrolone - des conditions de stress particulières ou des facteurs saisonniers - ne semblent pas justifier, aujourd'hui,
une remise en cause du seuil en vigueur.
Monsieur le sénateur, dans l'état actuel des connaissances scientifiques, rien ne permet de penser qu'une production
endogène pourrait atteindre ce seuil considéré aujourd'hui comme positif de deux nanogrammes par millilitre, et le
risque d'une fausse positivité semble infime.
Tels sont les éléments d'information que je peux vous apporter sur une affaire que l'on doit replacer, comme vous l'avez
fait, dans le problème du dopage, problème qui sera examiné par votre assemblée prochainement.
Il me paraît très important de réunir sur ces sujets le maximum d'informations scientifiques pour éviter des échos par
rapport à certaines positivités qui, souvent, nuisent à la carrière et même à l'image de certains sportifs.
M. Franck Sérusclat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Madame la ministre, je tiens à vous remercier de votre réponse, qui est aussi claire que le
permet l'état des connaissances actuelles. Certes, des découvertes peuvent entraîner une modification de
l'interprétation des analyses et des décisions prises. Mais votre propos me conforte dans la position que je souhaite
adopter lors de la discussion du projet de loi relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage
: si un certain seuil de sécrétion endogène de la nandrolone est acceptable, on ne peut cependant pas extrapoler et
considérer qu'il est anormal de punir ceux qui dépassent ce seuil.
Il est pour moi important, madame la ministre, que votre ministère conforte cette position à un moment où des
interprétations permettent à certains de tenter de masquer une très probable tricherie.

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