Question de M. AUTAIN François (Loire-Atlantique - SOC) publiée le 23/01/1998

M. François Autain souhaite attirer l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur la situation des médecins à diplôme étranger. En effet, après avoir passé avec succès l'examen d'équivalence du diplôme français de docteur en médecine selon les dispositions de l'article L. 356 (2) du code de la santé publique, complété par l'article 1er de la loi no 72-661 du 13 juillet 1972, leur situation est encore aujourd'hui précaire. Le statut de praticien adjoint contractuel (PAC) ne résout en rien les discriminations dont sont victimes ces médecins, en dépit des services rendus et du nombre d'années exercées au sein de l'hôpital public (ils assurent la majorité des gardes délaissées et désertées par leurs collègues français de souche). Le comité des médecins à diplôme étranger proteste contre le statut actuel accordé à ces médecins et il lui demande si l'adoption d'un texte réglementaire qui les intégrera complètement et définitivement dans le système médical français est prochainement envisagée.

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Réponse du ministère : Santé publiée le 25/02/1998

Réponse apportée en séance publique le 24/02/1998

M. François Autain. Je voudrais, une nouvelle fois, appeler l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur la situation
des quelque 8 000 médecins titulaires d'un diplôme non européen qui exercent actuellement dans le service public
hospitalier. Ils représentent environ le quart des effectifs totaux, ce qui, vous en conviendrez, monsieur le secrétaire d'Etat,
n'est pas négligeable.
Ces médecins qui, paradoxalement, sont en majorité français posent un problème récurrent que les gouvernements
successifs ne sont pas encore parvenus à résoudre de façon satisfaisante.
Depuis des années, ces médecins font l'objet d'une discrimination salariale et statutaire injustifiée, qui me semble
particulièrement choquante.
Ils sont, le plus souvent, affectés à des tâches que leurs collègues diplômés en France ne veulent pas effectuer, soit parce
qu'elles s'accompagnent de trop grandes sujétions, soit parce qu'elles leur apparaissent dévalorisantes. De plus, à tâches
égales, ces médecins titulaires d'un diplôme non européen perçoivent un salaire inférieur à celui que perçoivent leurs
collègues diplômés en France. Si cette disparité a des effets bénéfiques sur le budget de fonctionnement des hôpitaux, elle
n'en demeure pas moins difficile à admettre.
Devant cette situation, qui n'est pas nouvelle, comme je viens de le rappeler, il ne serait pas conforme à la vérité de dire
que les gouvernements successifs sont restés inertes.
En effet, en 1995, un statut spécifique de « praticien adjoint contractuel », ou PAC, a été créé à l'intention de ces
médecins. Un millier seulement d'entre eux ont pu en bénéficier en raison de conditions d'accès au concours
particulièrement restrictives.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez cherché à assouplir cette législation - je vous en
remercie - par un décret pris en juillet dernier et permettant à un plus grand nombre de médecins titulaires d'un diplôme
étranger de se présenter à ce concours de praticien.
Malheureusement, s'il y a un progrès, il est insuffisant, car un certain nombre de questions restent en suspens.
Que vont devenir les médecins titulaires d'un diplôme européen qui n'auront pas été reçus à ce concours après l'échéance
du 31 décembre 1999 ? Au-delà de cette date, ils ne pourront en effet conserver le poste qu'ils occupent actuellement,
alors qu'aucun médecin français ne sera en mesure de les remplacer et que, de surcroît, on dénombre au moins 2 500
postes vacants dans les hôpitaux.
Doit-on alors envisager de permettre à tous ces médecins sans exception de se présenter aux épreuves d'aptitude à la
fonction de praticien contractuel ? Doit-on retenir la proposition faite par le docteur Amiel dans le rapport que lui a
demandé votre prédécesseur et qui consiste à instituer une commission d'experts chargée d'examiner les dossiers litigieux
? Avez-vous, dans le même temps, l'intention de mettre fin à la discrimination salariale dont ils font l'objet ?
Se pose aussi le problème du conseil de l'Ordre. Pourquoi ces médecins qui, pour la plupart, comme je l'ai dit voilà un
instant, sont français ne peuvent-ils s'y incrire ? En effet, puisqu'ils occupent des places laissées vacantes par les médecins
français, ils ne concurrencent pas ces derniers et ne peuvent être accusés d'accroître la pléthore des effectifs. Par ailleurs,
pourquoi ne peuvent-ils participer à l'élection des conseils médicaux des établissements ? Enfin, pourquoi ne peuvent-ils
postuler aux différents concours de la fonction publique, qu'il s'agisse de la médecine scolaire ou des médecins-conseils
de la sécurité sociale ?
Bref, monsieur le secrétaire d'Etat, êtes-vous décidé à faire enfin de ces médecins marginalisés et dont le statut est
précaire, qui sont en quelque sorte des « médecins de seconde zone », des praticiens à part entière disposant d'un statut
de plein exercice ? En effet, à brève échéance, vous risquez, s'il n'est pas répondu convenablement à ce problème, de
vous trouver devant une situation très préoccupante, ne serait-ce qu'au regard du respect des droits de l'homme. Comme
vous êtes très sensible à ce problème, je ne doute pas que vous chercherez à y apporter rapidement une solution.
M. Charles Descours. Bon courage, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le sénateur, je partage votre indignation, mesurée par
votre courtoisie. Comme vous et comme tous les sénateurs présents dans cet hémicycle, j'ai eu l'occasion de me rendre
compte de l'apport considérable de ces praticiens étrangers dans les hôpitaux. Je dirai même, et vous le savez, que, sans
eux, de très nombreux hôpitaux ne fonctionneraient pas.
Comme vous, je suis indigné de constater le caractère ambigu, voire restrictif et humiliant, de leur statut et la différence de
rétribution qui leur est accordée, souvent du bout des doigts, par rapport à leurs collègues français pour un service rendu
équivalent.
M. Michel Charasse. Elle est inférieure à celle des éboueurs du métro !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je ne le savais pas, mais en tout cas elle est inférieure à celle que perçoivent
les praticiens de plein statut.
Comme chacun d'entre vous, peut-être un peu plus que vous, je fréquente les hôpitaux. Dans un hôpital important de la
région parisienne, dans lequel je me suis rendu à l'improviste voilà quelques jours, j'ai trouvé dans le secteur des urgences,
qui prend en charge de nombreuses personnes et des pathologies très lourdes, quatre médecins tous étrangers ayant, pour
certains, le statut de praticiens adjoints contractuels, statut sur lequel je reviendrai tout à l'heure. Or ces médecins
étrangers interviennent dans les domaines de l'anesthésie, de la chirurgie, de la psychiatrie et de la pédiatrie.
Que faire ? Cette situation existe depuis très longtemps, vous le savez, monsieur Autain, je vous rappelle quelques réalités.
Il y a évidemment, derrière ces diplômes, des statuts et des réalités humaines différents.
Premièrement, il existe des médecins en cours de formation chez nous. C'est le cas, en particulier, des médecins inscrits
en diplôme interuniversitaire spécialisé - le DIS - c'est-à-dire en spécialité, mais qui doivent s'engager à retourner dans
leur pays d'origine.
En réalité, cet engagement est très peu respecté et nombre de médecins qui, aujourd'hui, réclament une intégration sont
d'anciens DIS qui sont restés, après leurs années de formation, dans les hôpitaux français.
Aujourd'hui, si je suis ô combien favorable à la poursuite d'une filière de formation, en particulier pour les pays
francophones d'Afrique - il me paraît désastreux que l'on vienne moins se former en France qu'auparavant, en particulier
dans le domaine médical - je pense qu'il est urgent d'y répondre par des formations courtes, de six mois à deux ans, après
le cursus des spécialités. En effet, la filière des DIS ne correspond plus aux réalités de ces pays.
Je dois vous dire, monsieur le sénateur, que la filière a d'ailleurs beaucoup diminué. Nous accueillons environ deux cent
cinquante médecins par an à ce titre, qui viennent pour quatre ou cinq ans. Il nous faut donc envisager, avec les différents
ministères concernés, en particulier avec le ministère des affaires étrangères puisque la coopération en relève désormais,
l'arrêt de cette filière de formation. Il doit s'agir d'une filière naturelle comme dans d'autres pays.
Deuxièmement, et c'est plus important, il existe des médecins qui, à des titres divers, ont été embauchés depuis plusieurs
années par nos hôpitaux - j'y ai fait allusion tout à l'heure - qui ont été naturalisés français et qui sont aujourd'hui
totalement intégrés dans notre société.
C'est pour ces médecins qu'a été créée la filière des praticiens adjoints contractuels, les PAC. Actuellement, 2 000
médecins ont été inscrits sur la liste des PAC et nous avons créé presque autant de postes, en majorité dans les hôpitaux
généraux où nous connaissons une pénurie de médecins.
Si nous devons faire face à une telle situation, c'est parce que la formation universitaire n'est pas suffisante et parce que
certains praticiens se détournent du service public pour aller s'installer dans le privé, et on ne peut pas les en blâmer car
leur salaire est quatre à sept fois plus important.
Il faut donc reconsidérer - je le dis très fermement - le statut de praticien hospitalier dans notre pays, sinon un certain
nombre de carrières seront abandonnées et de nombreux praticiens se détourneront du service public !
M. Charles Descours. Faites-le !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je suis en train de le dire, c'est déjà pas mal ! Après, j'essaierai de le faire.
Mais je constate que vous qui ne l'avez pas fait pendant des années, vous me poussez à le faire, et j'en suis d'accord.
M. Charles Descours. Le problème n'est pas nouveau !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Certes ! Mais ce qui sera peut-être nouveau, c'est que j'arrive à le régler !
M. Charles Descours. La réforme hospitalière date de 1991 !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. C'est vrai ! Mais, encore une fois, tout le monde dit à la fois que ce n'est pas
nouveau et que c'est facile !
M. Charles Descours. Ah non ! Ce n'est pas facile !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Monsieur Descours, je viens de parler de 2 000 médecins, mais près de 8
000 médecins sont concernés. Le problème est donc vraiment très difficile à régler.
Je suis persuadé, comme vous, je le sais, que la filière des praticiens adjoints contractuels n'a de sens que si elle
représente une passerelle vers un statut habituel, c'est-à-dire vers le statut de praticien hospitalier. Il faut donc établir cette
passerelle.
Tel est le sens des propositions que nous présenterons dans le prochain projet de loi portant diverses mesures d'ordre
social.
Je vous rappelle enfin que la loi de 1972 a ouvert pour tout médecin à diplôme étranger une possibilité, après validation
de ses compétences par un examen écrit et oral, d'obtenir le plein exercice.
Mais, comme vous le savez, les délais d'attente sont extrêmement longs, même si je les ai raccourcis tant bien que mal,
compte tenu du nombre de médecins qui tentent d'obtenir, par cette commission, l'autorisation de plein exercice.
Monsieur le sénateur, vous avez fait allusion à la commission Amiel, à laquelle j'ai demandé de faire des propositions
d'ordre réglementaire et législatif qui devraient nous permettre d'intégrer définitivement ces médecins.
J'attends ces propositions pour la fin de ce mois, voire, au plus tard, pour le début du mois de mars. J'en tiendrai compte
dans le cadre du prochain projet de loi portant diverses mesures d'ordre social.
Près de 8 000 médecins sont concernés, disais-je. La majorité d'entre eux sont Français. Pour me résumer, je dirai qu'il
faut savoir à un moment donné trouver des solutions prenant en compte les bonnes possibilités d'intégration, les besoins
des hôpitaux et la qualité des soins, ces trois critères étant évidemment liés à la compétence des praticiens dont nous
parlons.
Si ces praticiens deviennent praticiens de plein exercice, ce que je souhaite infiniment, il faudra non pas les obliger, mais
les inciter fortement à s'installer dans les hôpitaux où leur présence est nécessaire. En effet, les praticiens adjoints
contractuels sont souvent groupés dans les centres hospitaliers et universitaires, et les hôpitaux généraux n'en disposent
pas. Si même un praticien adjoint contractuel accepte de s'établir dans un hôpital général, il faut un « référent » qui se
situe, lui, dans un centre hospitalier et universitaire. Tout cela est horriblement compliqué et très insupportable, j'en
conviens.
Telle est, monsieur le sénateur, la ligne de travail que je me suis fixée, l'objectif étant de définir des règles claires pour
l'avenir, car la situation actuelle ne peut plus durer. On ne peut laisser de côté des hommes et des femmes qui peuvent
apporter beaucoup aux hôpitaux, en particulier aux petits établissements hospitaliers.
Il s'agit - j'en termine par là - d'hommes et de femmes qui vivent très souvent des situations personnelles dramatiques.
Cet examen, dont j'ai étendu les possibilités d'accès, a permis l'intégration, cette année, d'environ 250 praticiens. Sur ce
contingent, j'ai eu pour ma part sept cas à sélectionner. J'ai donc examiné des dossiers, comportant tous des
recommandations émanant des plus hautes instances de cet Etat, dont les vôtres, en particulier, et visant des personnes
connaissant des situations absolument dramatiques et insupportables : des gens vivant dans notre pays depuis dix ou
quinze ans, dont les femmes ne travaillent pas et qui ont une famille à charge.
Ce n'est pas tolérable, et je vous remercie donc d'avoir posé cette question, monsieur Autain.
M. François Autain. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de cette réponse.
J'attends maintenant de connaître la disposition qui sera incluse dans le prochain projet de loi portant diverses dispositions
d'ordre social. Nous aurons, à l'occasion de la discussion de ce texte, la possibilité de reparler de ce problème.

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