Question de M. CALMÉJANE Robert (Seine-Saint-Denis - RPR) publiée le 26/11/1997

M. Robert Calmejane attire l'attention de Mme le ministre de la jeunesse et des sports sur les conditions dans lesquelles s'organisent les retransmissions des matches de la Coupe du monde de football 1998 dans le département de la Seine-Saint-Denis, qui aura l'honneur à coup sûr mais pas forcément l'avantage d'accueillir les principaux moments de cette manifestation sportive. Ainsi, grâce à votre intervention, les zones urbaines sensibles (ZUS) bénéficient de l'exonération des droits de diffusion mais cinquante-six quartiers seulement, répartis sur vingt-deux communes parmi les quarante que compte le département, sont concernés. Et encore, plusieurs grandes villes comme Bagnolet, La Courneuve, Noisy-le-Grand, Neuilly-sur-Marne et Noisy-le-Sec ne le sont que par un ou deux secteurs classés en ZUS, tandis que d'autres telles Livry-Gargan, Romainville, Rosny-sous-Bois, Saint-Ouen, Tremblay ou Villemomble ne sont pas accessibles du tout à ces dispositions et devront, si elles désirent faire profiter leur population d'une retransmission, payer des droits qui atteignent 500 000 francs par écran pour la totalité des épreuves. Il lui demande instamment de faire pression, au nom du Gouvernement français, sur le comité d'organisation et le groupement des radiodiffuseurs afin que les démarches engagées par le conseil général de la Seine-Saint-Denis pour le compte des communes séquano-dyonisiennes aboutissent à ce que l'ensemble de ce département bénéficie de l'exonération des droits de retransmission. En effet, les habitants du 93 ont largement contribué, par leurs impôts locaux, aux plus de 100 millions de francs investis par le département pour les infrastructures en périphérie du Grand Stade. De surcroît, plusieurs communes ont accepté, sur la suggestion de la Fédération française de football, d'accueillir des équipes étrangères de jeunes et de mettre leurs installations sportives à disposition. Par ailleurs, le morcellement géographique des sites actuellement autorisés à retransmettre les matches risque de poser d'insolubles problèmes de sécurité et d'ordre public, tant il paraît difficile de refuser à certains ce qui est offert à d'autres, sous le fallacieux prétexte que la cité qu'ils habitent est située à quelques mètres d'une ZUS. La conurbation séquano-dyonisienne peut, à juste titre, et doit être considérée comme une entité sociale globale où les interactions des populations ne permettent pas de traiter différemment chaque quartier selon sa localisation.

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Réponse du ministère : Jeunesse publiée le 17/12/1997

Réponse apportée en séance publique le 16/12/1997

M. Robert Calmejane. Ma question s'adresse à Mme le ministre de la jeunesse et des sports.
Il convient aujourd'hui, madame le ministre, de préciser les modalités pratiques dans lesquelles, à l'horizon de six mois,
l'ensemble des villes du département de Seine-Saint-Denis pourront être associées à la grande fête populaire promise à
l'occasion de la Coupe du monde de football.
De nombreuses municipalités ont manifesté le souhait d'offrir à leurs administrés la retransmission de tout ou partie des
matchs, répondant par là aussi bien à un besoin de convivialité des populations, notamment des jeunes, qu'à des raisons
pratiques relatives aux difficultés de transports, à l'effet de foule, susceptibles de dissuader bon nombre de familles.
Mais aussi, et surtout, les conditions de mise en vente des places, tirage au sort et tarifs permettront à bien peu de
Séquanodionysiens de fréquenter leur Grand Stade. Il faut en effet souligner ici l'effort consenti par notre département
pour équiper la périphérie dudit stade, chiffré au minimum à 100 millions de francs provenant des impôts locaux,
auxquels il faut ajouter la participation du budget de l'Etat pour quelque 3,6 milliards de francs à l'organisation générale
de cette manifestation.
Considérons également que les habitants de la Seine-Saint-Denis assumeront, par la force des choses, différentes
nuisances - circulation, délinquance - inhérentes à ce type d'événement, sans pour autant pouvoir espérer en tirer
vraiment de contreparties économiques. On nous annonce d'ores et déjà dans la presse un succès financier prévisible,
tous les billets disponibles ayant été vendus, ceux-ci couvrant moins du quart des demandes. L'aspect marchand ainsi
réglé, donnons libre cours au sport !
Que tous les banlieusards de l'Est parisien, trop souvent laissés pour compte, profitent directement de cette fête
annoncée - Dieu sait si l'on en parle, et c'est tant mieux ! -, et y soient physiquement associés, c'est ce que plusieurs
communes ont la volonté de faire, en liaison avec les clubs sportifs, les associations de prévention, les structures
socioculturelles.
A la demande des maires a été entreprise par le conseil général de Seine-Saint-Denis une action que vous avez bien
voulu relayer, madame le ministre, pour obtenir la gratuité des droits de retransmission pour les quarante communes du
département.
Mais, à ce jour, si nous nous félicitons de l'exonération accordée aux zones urbaines sensibles, les ZUS, sur l'ensemble
du territoire, aucune réponse ne nous a été fournie concernant la diffusion sur la ZUS 93, c'est-à-dire une globalité
sociologique qui ne peut se morceler géographiquement.
Que signifierait en effet d'autoriser une projection à Bondy nord, qui est classé en ZUS, et non à Bondy sud, ni à
Villemomble, commune limitrophe qui, tentant de préserver au prix d'efforts considérables son cadre de vie
pavillonnaire, ne compte pas moins de 32 % d'habitat social et connaît un couloir naturel de circulation entre les
Bosquets à Clichy et Montfermeil et les cités de Neuilly-sur-Marne, induisant des problèmes assimilables à ceux que
connaissent toutes les communes de notre département.
La fragmentation des autorisations de projection risque d'être très périlleuse à mettre en place et d'être à l'origine de
débordements, tant il sera difficile de canaliser les jeunes supporters, d'où qu'ils viennent, si les retransmissions gratuites
sont réservées aux seules ZUS.
La frustration d'une aussi grande quantité d'habitants qui n'auront pas eu la possibilité d'accéder au Stade de France,
implanté au coeur même de cet ensemble urbain éprouvé socialement, qui cherche difficilement une identité, peut
engendrer un regain de tension, une nouvelle flambée de désespérance parmi les éléments les plus fragiles.
La Rome antique avait coutume de satisfaire le peuple en lui assurant du pain et des jeux. Aujourd'hui, chaque
responsable politique, à son niveau, s'emploie à trouver des solutions au problème du travail, c'est-à-dire du pain
quotidien. Nous vous demandons, madame le ministre de la jeunesse et des sports, de mettre toute votre autorité dans la
négociation en cours pour que l'ensemble des habitants de Seine-Saint-Denis bénéficie des jeux organisés, pour une
large part, au coeur de leur vaste cité cosmopolite de 1 500 000 âmes.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, je
me suis efforcée, dès ma prise de fonction, d'oeuvrer pour que la Coupe du monde soit réellement une grande fête dont
personne ne se sente exclu.
Je l'ai fait avec d'autant plus de détermination que le coût total de la Coupe du monde représente plus de 9 milliards de
francs et que les fonds publics en assurent plus de la moitié.
Dans cet objectif, nous avons travaillé dans trois directions.
D'abord, nous avons organisé une grande campagne de promotion sur le thème « Bienvenue au monde », la France
accueillant des sportifs de toute la planète, ce qui peut être l'occasion d'échanges extrêmement forts, notamment entre les
jeunes d'origine différente.
Ensuite, nous voulons apporter une grande aide - ce que le précédent Gouvernement n'avait pas prévu - à tous les
projets d'animation dans les villes sites et, bien au-delà, dans toute la France : projets d'animation sportifs, culturels,
artistiques, festifs. A cet effet, ont été inscrits au budget de mon ministère 15 millions de francs.
Enfin, nous avons étudié la possibilité de faire bénéficier les villes sites d'abord, 800 zones urbaines sensibles ensuite,
d'une gratuité des droits de retransmission sur écran géant.
Etant donné les enjeux financiers que représentent les droits de retransmission, cela nous a demandé beaucoup d'efforts
et de nombreuses négociations. L'accord passé avec le regroupement des radiodiffuseurs français est, je crois, d'une
grande portée.
Le choix de ces 800 quartiers repose sur un critère social objectif. Il vise à associer à la Coupe du monde une
population modeste, des jeunes notamment, qui, vous l'avez souligné, n'ont pas eu accès à l'achat de billets, tout en
tenant compte des ressources des collectivités locales concernées.
Comme vous l'indiquez, pour la Seine-Saint-Denis, sont concernés cinquante-six quartiers et vingt-deux communes.
C'est tout à fait normal, puisqu'il s'agit d'un département phare dans cette Coupe du monde.
Il m'apparaît difficile d'aller plus loin dans cet accord, même si je vais tenter de le faire.
En revanche, il est tout à fait possible - je sais que de nombreux maires le souhaitent - que des communes se regroupent
pour organiser ensemble des retransmissions sur grand écran et pour partager les coûts techniques et d'animation.
Le contrat prévoit, je le précise, que ces retransmissions doivent être ouvertes à tous et à toutes, sans considération de
domicile, qu'elles doivent être gratuites et ne faire l'objet d'aucune exploitation à caractère commercial.
Monsieur le sénateur, ce dispositif, ajouté à d'autres initiatives particulières ou transversales, permettra à l'ensemble de la
population de Seine-Saint-Denis de participer à cette grande fête.
M. Robert Calmejane. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Calmejane.
M. Robert Calmejane. Je vous remercie de votre réponse, madame le ministre.
Je ne sous-estimais pas votre bonne volonté. Malheureusement, le résultat ne semble pas très positif. La bonne volonté
est une chose ; la réalité en est une autre.
Reconnaître les ZUS, c'est bien, mais il faut tenir compte des communes mitoyennes. C'est le cas des quartiers que j'ai
cités tout à l'heure. Ce qui est vrai à Bondy nord est également vrai à Bondy sud, commune limitrophe de Villemomble.
Il y a là un ensemble immobilier de plus de 1 000 logements qui abrite des populations sensibles.
La commune de Villemomble est bien placée pour le savoir. Elle vient en effet d'acquérir, après de longues démarches,
un stade qui appartenait à la SNCF pour un montant de 9,6 millions de francs, auxquels il faudra ajouter 9 millions de
francs de dépenses d'équipements et de modernisation. Les jeunes de ces quartiers ressentaient l'inoccupation de ce
stade comme une provocation. Ces quartiers ont besoin des mêmes facilités que celles qui sont accordées aux ZUS.
Vous êtes vous-même issue de Seine-Saint-Denis, dont vous avez été l'élue, et, si mes renseignements sont bons, vous
serez tête de liste aux élections régionales. Je pense donc que vous pouvez faire encore un petit effort. Quand on veut,
on peut. Je vous en remercie d'avance, madame le ministre.

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