Question de M. MARINI Philippe (Oise - RPR) publiée le 01/10/1997

M. Philippe Marini appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur la vive émotion suscitée par la mise en application de la nouvelle prestation spécifique dépendance chez les personnes de plus de soixante ans souffrant de déficience visuelle ou de cécité. En effet, ces personnes recevaient, jusqu'à la création de la prestation spécifique dépendance, l'allocation compensatrice de tierce personne (ACTP). Or les dispositions contenues dans la loi no 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale concernant le contrôle de l'usage de l'ACTP et dans les décrets d'application no 97-426 et no 97-427 du 28 avril 1997 de la loi créant une prestation spécifique dépendance au profit de certaines catégories de personnes âgées traitent globalement l'ensemble des personnes handicapées sans tenir compte de la spécificité des besoins des personnes handicapées de la vue. Il est pourtant évident que les aveugles et les malvoyants profonds n'ont pas tous le même type de dépendance, même après soixante ans, que les personnes du quatrième âge, désorientées ou grabataires. Ils ont à faire face durant toute leur vie à une grave déficience sensorielle qui rend difficile leur vie quotidienne, affective et sociale. Si le montant de l'ACTP ou de la prestation spécifique dépendance est entièrement affecté à la rémunération d'une aide ménagère, cela prive les déficients visuels d'autres services pour lesquels le plus souvent l'aide ménagère n'offre pas suffisamment de garanties de compétence et de confidentialité, tels que, par exemple la lecture et l'écriture du courrier, la surveillance du compte bancaire ou le règlement des factures. Ainsi et par manque de moyens financiers, les déficients visuels renonceraient à certains services complémentaires comme l'usage très fréquent du téléphone, du taxi ou le recours habituel à des professionnels pour de petites interventions que tout voyant effectuerait lui-même. Celles-ci, dont la nécessité est liée directement au déficit visuel sont des demandes de confiance, de compétence et d'équipements, dont les fréquences et les durées sont très variables, qui ne peuvent manifestement être couvertes par une prestation en nature. En conséquence, il lui demande si elle envisage à court terme de réexaminer les décrets d'application des deux lois susvisées afin : que les déficients visuels de tout âge conservent s'ils le souhaitent leur allocation compensatrice pour tierce personne et ne soient pas concernés par la prestation spécifique dépendance ; que le contrôle de l'effectivité de l'ACTP ne s'exerce que sur 60 % du montant, les 40 % restant étant forfaitairement attribués à la rémunération des aides diversifiées ; que les aveugles complets, quel que soit leur âge, continuent d'être dispensés de justifier de l'effectivité de l'aide d'une tierce personne.

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Réponse du ministère : Santé publiée le 14/01/1998

Réponse apportée en séance publique le 13/01/1998

M. Philippe Marini. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question porte sur un sujet voisin de celui qui a été
opportunément soulevé, voilà un instant, par notre collègue M. Charles Revet.
En effet, je souhaitais vous interroger sur certaines conditions particulières que doivent remplir les personnes malvoyantes
pour bénéficier soit de l'allocation compensatrice pour tierce personne, soit de la prestation spécifique dépendance.
J'ai été, au sein de la commission des affaires sociales du Sénat, l'un de ceux qui, à l'époque, autour de M. le président
Fourcade et de M. Jean Chérioux, ont oeuvré pour que l'on mette en place une prestation spécifique dépendance.
Cependant, je ne prétends pas que ce texte résolve tous les problèmes, et sans doute existe-t-il des situations de
transition qu'il faudrait mieux prendre en compte, afin que nos concitoyens s'y retrouvent dans ce qui constitue, il faut bien
en convenir, un maquis de textes et de réglementations.
En ce qui concerne plus particulièrement les handicapés visuels, il me semble important que vous précisiez, monsieur le
secrétaire d'Etat, quel régime spécifique peut leur être réservé, notamment si ces personnes étaient jusque-là bénéficiaires,
avant l'âge de soixante ans, de l'allocation compensatrice pour tierce personne, l'ACTP.
En outre, il serait important pour les associations qui regroupent les déficients visuels que vous puissiez nous dire quel est
le régime applicable en matière d'effectivité de l'aide ménagère ou, plus exactement, de contrôle de l'effectivité de la
rémunération versée à un tiers.
On me fait valoir, en effet, que, pour nombre de déficients visuels ou de personnes ayant totalement perdu la vue, il est
fréquent qu'une partie de la somme versée au titre de l'ACTP soit consacrée à des petites aides de la vie quotidienne,
s'agissant de lecture, de déplacements ou d'autres prestations du même type, qui peuvent nécessiter le recours, non pas à
une seule personne, mais à un certain nombre de services souvent assurés dans le cadre des relations de voisinage ou des
relations familiales.
C'est pourquoi les associations regroupant les personnes intéressées souhaitent que l'administration fasse preuve d'une
certaine souplesse dans le contrôle de l'effectivité de l'allocation compensatrice pour tierce personne.
Je serais donc heureux, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous puissiez apporter, dans la situation législative et
réglementaire complexe que nous connaissons, les éléments d'information et les précisions qu'attendent ces personnes, qui
sont des accidentés de la vie lourdement touchés par le handicap et qui ont assurément besoin d'être rassurées.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le sénateur, vous avez eu raison de rappeler dans
quelles circonstances - il s'agit de la loi du 24 janvier 1997 - la prestation spécifique dépendance a été instituée. Vous
avez eu raison de rappeler qu'elle n'était pas parfaite car lorsque des décrets d'application vous ont été soumis les
corrections, sans doute nécessaires, n'ont pas été apportées ; peut-être était-ce dans le feu de l'action et en raison de la
difficulté du débat législatif ?
Je sais les difficultés particulières que les personnes souffrant de déficience visuelle ou de cécité rencontrent. Cependant,
je ne suis pas certain que le besoin d'aide d'une personne handicapée âgée puisse être déterminé en se référant
exclusivement au type de handicap qui l'affecte. Nous connaissons tous des personnes atteintes de cécité tôt dans la vie
dont la perte d'autonomie est beaucoup moins importante que celle de personnes qui sont atteintes d'autres types de
handicap.
En revanche, les personnes qui sont atteintes de cécité après l'âge de soixante ans éprouvent plus de difficultés à
compenser ce handicap, en toute hypothèse, de façon très partielle, par une certaine adaptation à l'accomplissement des
actes essentiels de l'existence, et leur besoin d'assistance d'une tierce personne en est donc accru.
Tel est le sens, vous pourrez sans doute me le confirmer, monsieur le sénateur, des dispositions qui ont été retenues pour
la prestation spécifique dépendance et que je voudrais rappeler.
La loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 instituant la PSD, la prestation spécifique dépendance, distingue le cas des personnes
ayant bénéficié de l'ACTP, l'allocation compensatrice pour tierce personne, avant l'âge de soixante ans de celui des
personnes qui ont obtenu cette prestation après cet âge.
Les premières peuvent choisir lorsqu'elles atteignent cet âge, et à chaque renouvellement de l'attribution de cette
allocation, le maintien de celle-ci ou le bénéfice de la prestation spécifique dépendance. Cela vaut notamment pour les
personnes atteintes de cécité, auxquelles l'ACTP est attribuée systématiquement au taux maximal de 80 % de la
majoration pour aide constante d'une tierce personne, ainsi que cela est mentionné à l'article L. 355-1 du code de la
sécurité sociale. Les droits de ces personnes-là sont donc en tout état de cause préservés.
Le régime juridique de la PSD ne s'applique obligatoirement et sans exclusive, aux termes de la loi que vous avez votée,
qu'aux secondes, c'est-à-dire aux personnes âgées de plus de soixante ans n'ayant pas jusque-là bénéficié de l'ACTP. Je
reconnais que tout cela est d'une complexité pour le moins rébarbative.
M. Charles Revet. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le montant de la PSD attribuée - qui peut être supérieur au montant maximal
de l'ACTP - est déterminé principalement en fonction du besoin d'aide de la personne, besoin évalué par une équipe
médico-sociale, compte tenu notamment de l'environnement de la personne et des aides publiques ou à titre gracieux dont
elle disposera, c'est-à-dire compte tenu notamment de l'aide des bénévoles qui n'auront pas souhaité être salariés au titre
du plan d'aide. Aussi, la prestation accordée devrait théoriquement être adaptée aux besoins d'aide réels de la personne.
Ainsi, le montant de la prestation accordée, qui tient compte du besoin de surveillance et d'aide requis par l'état de
dépendance de la personne, permettra de financer les services qui sont liés à la spécificité de son handicap tels qu'ils
auront été définis par cette équipe médico-sociale pour le plan d'aide.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, la PSD peut servir à financer des dépenses autres que les dépenses de
personnel, pour 10 % au maximum du plafond de cette prestation, soit, par exemple, 560 francs par mois dans un
département ayant fixé ce plafond au niveau de la MTP, la majoration pour tierce personne. Ainsi peuvent être pris en
charge les frais de téléphone ou de taxi que vous évoquez. L'autre partie de la prestation doit être consacrée à la
rémunération de personnel. Mais la loi permet de rémunérer tous types de personnels et non les seules aides ménagères,
contrairement à ce que vous semblez indiquer dans votre question. Je me permets d'insister sur le fait que la profession
d'aide ménagère inclut l'obligation de confidentialité et, d'une manière générale, offre des garanties de professionnalisme
qui paraissent indéniables.
Je vous rappellerai également que l'institution de la PSD vise, dans l'esprit de ses promoteurs, à mettre fin à des pratiques,
jugées trop fréquentes, de thésaurisation de l'ACTP qui ne profitaient pas toujours à la personne la plus concernée,
c'est-à-dire l'allocataire.
Ce nouveau dispositif juridique qui est entré en vigueur au milieu de l'année 1997 fera l'objet, comme Mme Aubry l'a
indiqué lors de l'installation du comité national de la coordination gérontologique, le CNCG, d'une analyse très
approfondie de sa première année d'application. Au vu des dysfonctionnements qui, selon moi, ne manqueront pas d'être
relevés, le Gouvernement prendra par voie réglementaire ou proposera au Parlement les modifications jugées nécessaires.
J'ai d'ailleurs demandé aux départements, représentés au CNCG, de faire en sorte que les anomalies qui seront
constatées dans la fixation des montants de la prestation spécifique dépendance en établissement par certains d'entre eux
soient corrigées d'ici au début du printemps.
Pardonnez-moi d'avoir été aussi long mais, en cette matière, nous avions besoin de ces précisions, qui n'éclaircissent
d'ailleurs pas complètement la question.
M. Philippe Marini. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de ces précisions. Si l'éclaircissement n'est pas
complet, néanmoins c'est un bon début ; c'est en tout cas un exposé de méthode qui sera certainement utile pour les
concertations futures.
J'ai, en effet, compris que, au terme d'une année d'application de la loi sur la PSD, vous alliez prendre l'initiative de
rencontrer des acteurs de terrain, les associations représentatives des différentes catégories d'utilisateurs tant de l'ACTP,
loi de 1975, que de la PSD, loi de 1997.
J'ai également cru comprendre que, à la suite de cet examen, vous alliez tâcher d'identifier les aspects les plus délicats qui
nécessiteraient des évolutions réglementaires ou législatives. Cette clarification sera en tout état de cause utile. Il me
semble, en effet, que le Parlement, lorsqu'il a souhaité l'instauration de la PSD, n'a pu régler du premier coup toutes les
difficultés susceptibles d'apparaître, en particulier dans les situations transitoires existant entre le handicap et la vieillesse
ou la grande vieillesse : le handicap non lié à la vieillesse qui est aggravé par cette dernière et le handicap qui n'apparaît
que du fait du grand ou du très grand âge.
Ce sont évidemment des sujets sociaux, thérapeutiques, voire moraux, qui sont très délicats et extrêmement importants
dans notre société.
J'attends donc avec intérêt, monsieur le secrétaire d'Etat, les résultats des concertations auxquelles il sera procédé et les
mesures nouvelles que vous envisageriez de présenter dans l'esprit de ce que vous avez annoncé, c'est-à-dire dans un
esprit de clarification : d'un côté, le régime spécifique du handicap, de l'autre, le régime d'aide à la personne nécessitée par
l'état de grande dépendance propre à la vieillesse ou à la grande vieillesse avec, bien évidemment, des phases transitoires
ou des situations qu'il faut gérer au mieux et dans l'esprit le plus empirique.

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