Question de M. DEMUYNCK Christian (Seine-Saint-Denis - RPR) publiée le 21/02/1997

M. Christian Demuynck attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le niveau trop faible des classes des quartiers sensibles de banlieue. Trop d'élèves à leur arrivée en 6e ne maîtrisent ni la lecture ni les règles élémentaires de calcul, ce qui constitue un handicap presque impossible à rattraper pour la suite de leur scolarité. En Seine-Saint-Denis, à l'entrée en sixième, seulement 59 % des élèves réussissent les tests d'évaluation en français, et 55 % en mathématiques. Ces chiffres alarmants placent toute une catégorie de jeunes essentiellement issus de familles en difficulté ou d'origine étrangère, dans une situation où ils ne pourront plus s'intégrer socialement. Il est en fait difficile d'évaluer de manière précise les retards scolaires dans tous les départements au vu de ce seul critère de réussite aux tests. D'autre part, il est malheureusement impossible de connaître le taux d'accès d'une classe au baccalauréat en Seine-Saint-Denis, le ministère de l'éducation nationale ne disposant d'information qu'au niveau académique ou national. Malgré les efforts des ministères de l'Education nationale et de la ville, la baisse du niveau des élèves tend à se généraliser tant dans les banlieues que dans les secteurs moins difficiles. Il lui demande s'il est envisageable de rendre publics l'évolution et le détail des tests d'évaluation, ainsi que le taux d'accès d'une classe d'âge au baccalauréat. Il lui demande également quelles mesures il compte prendre afin de remédier rapidement à cette situation préoccupante.

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Réponse du ministère : Recherche publiée le 12/03/1997

Réponse apportée en séance publique le 11/03/1997

M. Christian Demuynck. Monsieur le secrétaire d'Etat, hier soir, le Président de la République a répondu en quelque
sorte par avance à la question que je vais vous poser puisqu'il a déclaré que, à la fin de son septennat, tous les enfants
devraient maîtriser les connaissances de base.
Mais je voudrais évoquer ici plus particulièrement les quartiers difficiles.
Dans bien des établissements élémentaires et dans les collèges des quartiers sensibles, le niveau des élèves est bien en
dessous de la moyenne nationale.
En Seine-Saint-Denis, département où je suis élu, les élèves réussissent moins bien à l'école et accusent des retards
scolaires préoccupants. A l'entrée en sixième, seulement 59 % des jeunes satisfont aux tests d'évaluation en français et 55
% en mathématiques. C'est évidemment dans ces deux matières de base qu'il y a donc lieu d'être inquiet.
De plus, le retard scolaire des élèves de quinze ans et plus en troisième est de 46 % en Seine-Saint-Denis contre 29 % en
France. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes. Ils montrent que toute une catégorie de jeunes est dans une situation où ils ne
pourront plus s'intégrer socialement.
Il est en fait difficile d'évaluer la gravité des retards scolaires dans tous les départements au vu des seuls tests d'évaluation.
En ce qui concerne le Seine-Saint-Denis, il est malheureusement impossible de connaître le taux d'accès d'une classe
d'âge au baccalauréat, le ministère de l'éducation nationale ne disposant, a priori, que d'informations au niveau
académique.
Nous connaissons, monsieur le secrétaire d'Etat, la volonté du Gouvernement de réformer et d'adapter l'école et
l'université dans notre pays. Nous savons également que les mesures décidées dans le cadre du pacte de relance pour la
ville prévoient le renforcement de l'encadrement ainsi qu'une amélioration des conditions dans les établissements les plus
difficiles.
Malgré les efforts annoncés, les difficultés imposent la prudence, d'autant que la baisse du niveau des élèves commence à
toucher des secteurs qui semblaient jusque-là épargnés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous semble-t-il envisageable de rendre publics l'évolution et le détail des tests d'évaluation
en réaffirmant votre priorité de combattre l'échec scolaire ? Est-il également possible pour l'académie de Créteil de
prévoir la comptabilisation par département du taux d'accès d'une classe d'âge au baccalauréat ?
Enfin, pourriez-vous préciser quelles mesures vous envisagez de mettre en oeuvre pour réduire les retards en français et
en mathématiques de nos jeunes élèves ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François d'Aubert, secrétaire d'Etat à la recherche. Monsieur le sénateur, je vous indique tout d'abord que le taux
de bacheliers parmi une génération est connu par département : il est publié dans Géographie de l'Ecole, document que
je tiens à votre disposition. Pour la dernière session et pour la Seine-Saint-Denis, ce taux était de 46 %.
Certes, cette proportion place la Seine-Saint-Denis parmi les derniers départements français, mais, d'abord, elle est plus
élevée - c'est réconfortant - qu'il y a quelques années, ensuite, le classement serait différent si l'on tenait compte de la
structure sociale de chaque département et, enfin, les différences entre académies et départements sont aujourd'hui moins
prononcées que précédemment, illustrant non pas un accroissement des disparités géographiques mais une réduction, ce
qui est heureux.
A l'entrée en sixième, et non plus à la fin du secondaire, les évaluations de masse faites par le ministère de l'éducation
nationale permettent d'évaluer les élèves en français et en mathématiques. Les protocoles sur lesquels elles se fondent
sont, bien entendu, publics puisqu'ils sont diffusés par centaines de milliers d'exemplaires, soit un par élève. Les résultats
de ces tests sont publiés par académie, et non par département. Il n'est pas prévu de les publier au niveau départemental,
même s'ils sont disponibles certaines années pour certains départements comme la Seine-Saint-Denis.
Dans l'académie de Créteil, les résultats sont moyens, parmi les plus faibles de France, et plutôt inférieurs à ce que la
structure sociale permettrait d'espérer. Cependant, là encore, on ne peut pas conclure à une baisse du niveau au cours
des dernières années, et l'écart des résultats de l'académie par rapport aux résultats moyens de la France ne s'est pas
accru mais est plutôt stable. De même, l'écart entre la Seine-Saint-Denis et la France ne s'est pas accentué au cours de
ces dernières années.
En outre, pour votre département, une analyse détaillée est menée par les services de l'inspection académique. Les
résultats sont communiqués aux instances de concertation, le comité technique paritaire départemental et le conseil
départemental de l'éducation nationale, et donnent lieu à une mise en perspective de l'action éducatrice de l'Etat et de la
participation des services départementaux de l'éducation nationale à la politique de la ville.
Une politique pédagogique et éducative dynamique est mise en place, dans le département, afin d'aider les élèves et leurs
parents, ainsi que les établissements.
Pour faciliter la lecture complexe des réalités, et pour induire la nécessaire dynamique de progrès, l'inspecteur d'académie
du département, M. Bottin, a réalisé et publié, après concertation, un document intitulé Politique pédagogique et
éducative pour les écoles et les collèges de la Seine-Saint-Denis, contribution au projet académique, programme
pluriannuel d'actions. Ce document, destiné à assurer la cohérence des démarches et la cohésion entre les équipes
enseignantes des écoles et des collèges, a été adressé à tous les établissements scolaires, comme à tous les élus du
département - je peux vous en donner un exemplaire, monsieur le sénateur - de manière à favoriser la meilleure synergie
possible entre les compétences qui relèvent de l'Etat et celles qui relèvent des collectivités territoriales.
Une lecture attentive de ce document, très complet, permet aisément de constater que le niveau des élèves, loin de
baisser, progresse, bien que lentement. Les moyens supplémentaires dont a bénéficié la Seine-Saint-Denis et les aides
obtenues au titre de la politique de la ville - dix-neuf communes sur quarante en sont attributaires - concourent à améliorer
les résultats scolaires des élèves et leur orientation, ce qui est l'objectif unique du riche programme d'action axé sur trois
actions pédagogiques prioritaires que je vous rappelle : la maîtrise de la langue, l'éducation à la citoyenneté, l'aide à
l'émergence du projet personnel de l'élève.
Les objectifs quantitatifs quant à eux sont d'amener, en cinq ans, la moyenne des résultats départementaux au niveau des
moyennes nationales. En outre, ce programme est conduit selon trois entrées privilégiées : le rattrapage des retards, déjà
bien avancé, et le recentrage des moyens sur les priorités affichées ; l'aide aux écoles et établissements en difficulté par la
dotation de moyens supplémentaires ; la prévention des phénomènes de violence et de délinquance en milieu scolaire. Les
premiers résultats sont encourageants.
Vous avez reçu, comme tous les élus de la Seine-Saint-Denis, le document réalisé et publié par l'inspecteur d'académie
dans lequel sont exposées, de manière explicite et approfondie, toutes les démarches et actions qui répondent à vos
interrogations.
Il reste que, même si l'echec scolaire a, au total, diminué au cours des dernières décennies, la nécessité de le réduire
encore est d'autant plus grande que les conséquences en sont plus graves, puisque les exigences de notre économie et de
notre société se sont accrues. Le nouveau contrat pour l'école a, pour ce motif, placé la maîtrise de la langue française
comme principal objectif du système éducatif, ce qui explique nombre des mesures prises récemment : nouveaux
programmes de l'école primaire et du collège, études dirigées, études surveillées, rénovation du collège, où figure un
dispositif de consolidation pour les élèves en grande difficulté.
M. Christian Demuynck. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Je vous remercie de ces réponses, monsieur le secrétaire d'Etat : j'obtiens dans cette
assemblée bien plus d'informations sur ce qui se passe en Seine-Saint-Denis que dans mon département ! C'est d'ailleurs
après avoir interrogé l'inspecteur d'académie que j'ai décidé de m'adresser directement à vous ici. Je suis donc preneur de
tous les documents que vous avez mentionnés, monsieur le secrétaire d'Etat.
J'insiste cependant sur le fait que nous ne disposons pas dans notre département du résultat des évaluations à l'entrée en
sixième. Nous ne connaissons pas davantage le nombre d'élèves de Seine-Saint-Denis accédant au baccalauréat.
Ces indications seraient pourtant utiles aux maires - qui sont, évidemment, comptables devant la population de la situation
dans leur ville - pour prendre éventuellement les mesures de nature à aider les enseignants à assumer leurs tâches.

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