Question de M. PAGÈS Robert (Seine-Maritime - C) publiée le 14/09/1995

M. Robert Pagès attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation de très grande instabilité qui perdure au Rwanda. En effet, un an après le génocide qui a ensanglanté ce pays, des crimes et massacres continuent d'être perpétrés, notamment dans les camps de réfugiés. Les nouvelles autorités rwandaises souhaitent que des mesures immédiates soient prises pour que justice soit rendue pour les victimes des violations des droits de l'homme passées et présentes. Cela nécessite pour ce pays un appareil judiciaire indépendant, impartial et compétent. Malheureusement, tel n'est pas le cas. Les juges sont trop peu nombreux et manquent de moyens. Il en résulte des arrestations arbitraires, un entassement dans les prisons, un report des jugements. Si chaque gouvernement est responsable du respect des droits de l'homme sur son territoire, force est de constater que le Rwanda, après la dévastation et le traumatisme qu'il a subis, ne peut remettre sur pied à lui seul des institutions judiciaires. C'est la raison pour laquelle il lui demande quelles mesures il compte prendre pour qu'une aide financière et logistique soit accordée au gouvernement rwandais afin que celui-ci entreprenne : d'ériger un système et des structures capables de traiter rapidement et efficacement les cas de milliers de personnes accusées de participation au génocide en respectant les normes internationales de justice ; de rebâtir un appareil judiciaire permanent pour traiter des autres cas en toute indépendance et impartialité.

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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 19/10/1995

Réponse. - La situation du système judiciaire au Rwanda est préoccupante. Les arrestations arbitraires se sont multipliées, et la population carcérale s'élève aujourd'hui à 53 000 personnes, dont 1 100 mineurs. La communauté internationale s'est rapidement mobilisée pour aider les autorités rwandaises à pallier les carences d'un système qui a très lourdement souffert des événements dramatiques de 1994. A l'heure actuelle, il ne resterait, selon le ministère de la justice rwandais, que 20 p. 100 du personnel judiciaire en exercice avant la crise. En outre, la quasi-totalité de l'infrastructure a été pillée ou endommagée. Ce constat a conduit la communauté internationale à rechercher les moyens de soutenir la réhabilitation du système judiciaire, dans le cadre d'un programme établi en accord avec les autorités rwandaises et coordonné par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Evalué à 5 millions de dollars, il prévoit notamment le recrutement et le déploiement de 50 personnels judiciaires expatriés, la formation du personnel judiciaire et administratif rwandais ainsi que la remise en état de l'infrastructure. Compte tenu de l'ampleur de la tâche, la France coordonne ses efforts en liaison avec les organisations intergouvernementales et non gouvernementales pour pouvoir répondre au mieux aux besoins urgents de restauration du système judiciaire rwandais. Dès le mois de novembre 1994, elle est intervenue à hauteur de 4 millions de francs par le canal de l'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), qui participe au programme coordonné par le PNUD, et a défini une série d'actions articulées notamment autour de l'envoi de magistrats et de personnels auxiliaires de justice francophones, la formation et le perfectionnement de magistrats et d'auxiliaires de justice rwandais, la formation aux droits de l'homme et le concours à la création d'un centre d'information, de consultation et d'aide juridique pour les femmes. En outre, la France participe, dans le cadre de l'Union européenne, à l'envoi d'observateurs des droits de l'homme. Enfin, à la demande des autorités rwandaises, elle participe, à hauteur de 1 million de francs, à la remise en état du tribunal de Kigali qui a été gravement endommagé par la guerre. Par ailleurs, la France a soutenu très activement la création, par le Conseil de sécurité des Nations Unies, du tribunal international du Rwanda, qui devra juger les responsables présumés d'actes de génocide et de violation grave du droit humanitaire international. Ce tribunal, dont le siège a été fixé à Arusha en Tanzanie, est composé de juges de toutes nationalités. Entré en fonction à la fin du mois de juin 1995, il devrait être en mesure de juger en toute impartialité. La France, pour sa part, lui apportera toute la coopération nécessaire.

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