Question de M. MERCIER Louis (Loire - UC) publiée le 12/05/1994

M. Louis Mercier attire l'attention de M. le ministre des entreprises et du développement économique, chargé des petites et moyennes entreprises et du commerce et de l'artisanat, sur les préoccupations exprimées par de nombreuses entreprises du secteur textiles - habillement à l'égard des conditions d'application du titre IV de l'ordonnance de 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence. Celui-ci édicte des interdictions spécifiques au droit français et exige que soient justifiés, dans les relations entre industriels et distributeurs, bon nombre de comportements laissés dans les autres pays européens à la liberté contractuelle des acteurs économiques : l'interdiction du refus de vente, l'obligation de communication des barèmes, le droit limité en matière de " discrimination ". Après huit années d'application, il apparaît clairement que certains secteurs d'activité industrielle sont soumis à une vive pression concurrentielle, de court terme par les prix, et se plaignent des pratiques quelquefois déloyales qu'exercerait sur eux une partie de la distribution. L'industrie se trouve alors menacée dans sa logique de développement à long terme (investissements, innovation,...) et dans son rôle socio-économique de création d'emplois qualifiés. Il lui demande en conséquence de bien vouloir envisager une modification du titre IV de l'ordonnance de 1986 autour de deux principes, fidèles à son esprit libéral d'origine, à savoir l'égalité contractuelle qui se traduirait par la suppression de l'interdiction du refus de vente et des frais de référencements sans contrepartie d'achat et la confiance dans la capacité des acteurs économiques à s'organiser eux-mêmes pour définir les modalités de la collaboration contractuelle entre industriels et commerçants. Dès lors, le recours aux pratiques tarifaires différenciées pourrait ne plus être interdit, de même que l'ensemble des interdictions per se pourraient être remplacées par la seule sanction de certaines pratiques illicites, abusives (abus de dépendance économique) et/ou opportunistes (pratique de prix d'appel et de prix anormalement bas).

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Réponse du ministère : Entreprises publiée le 04/08/1994

Réponse. - Le titre IV de l'ordonnance du 1er décembre 1986 a pour finalité de garantir la loyauté des relations commerciales en permettant aux entreprises victimes de certaines pratiques d'engager des actions contentieuses pour obtenir réparation de leur préjudice. L'article 36 de l'ordonnance de 1986 a dépénalisé les pratiques de refus de vente et de discrimination qui relèvent désormais d'un régime de responsabilité civile, ce qui suppose que soient démontrés l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice. Ce texte est donc loin d'énoncer une interdiction absolue. Le refus de vente n'est condamnable que s'il est abusif, c'est-à-dire opposé à une demande normale et faite de bonne foi. On peut d'ailleurs considérer, sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux, qu'un fournisseur est en droit de refuser de contracter avec un client dont la demande s'écarte de ses conditions générales, puisque la demande ne porte pas alors sur un objet proposé à la vente. L'ordonnance de 1986 n'interdit pas davantage le traitement différencié de la clientèle. L'article 36-1 consacre au contraire cette possibilité en limitant le contrôle du juge aux seules discriminations abusives, c'est-à-dire dénuées de contrepartie réelle et procurant un avantage ou un désavantage injustifié dans la concurrence pour le partenaire économique. Des frais de référencement sans contrepartie d'achat entrent précisément dans ce dernier cadre. Enfin, le dispositif législatif de l'ordonnance du 1er décembre 1986 prend déjà en compte les pratiques illicites évoquées d'abus de dépendance économique, de prix d'appel et de prix anormalement bas à travers les articles 36-2 et 8-2 de ce texte. En particulier, et au terme de l'article 36-2, alinéa 2, de l'ordonnance telle que modifiée par la loi no 92-1442 du 31 décembre 1992 relative aux délais de paiement entre entreprises, " la demande d'un acheteur est présumée présenter un caractère anormal (...) lorsqu'il est établi que cet acheteur procède à l'une ou l'autre des pratiques déloyales visées par les articles 32 à 37 du présent titre ". Aux termes de ce texte donc, un fournisseur est en droit de refuser la vente à un acheteur qui se serait rendu coupable de revente à perte, de dépassement des délais de paiement réglementés ou de pratiques discriminatoires abusives. Il apparaît donc que les textes en vigueur, non seulement ne constituent pas un obstacle à une défense efficace par les industriels de leurs intérêts, mais permettraient, si les entreprises victimes y recouraient davantage, de dissuader les comportements déloyaux.

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