Question de M. AUTAIN François (Loire-Atlantique - SOC) publiée le 04/11/1993

M. François Autain attire l'attention de M. le Premier ministre sur les nombreuses nominations intervenues dans la haute fonction publique depuis le mois d'avril 1993. La lecture régulière du Journal officiel nous apprend qu'il est procédé à de très nombreux changements de postes dans la haute fonction publique, dont il apparaît, à première vue, que les raisons retenues ne sont pas professionnelles mais politiques. A ce jour, un poste de préfet sur deux a été renouvelé. Il est communément admis que ces postes sont à l'entière discrétion du Gouvernement. On note cependant, à titre d'exemple, que sur quatre nominations décidées lors du conseil des ministres du 13 octobre, l'un des nouveaux préfets a été directeur de campagne du maire de Paris, lors des élections présidentielles de 1988, le second membre d'un cabinet ministériel de 1966 à 1973 (et responsable du club Perspectives et Réalités), un troisième directeur de cabinet du ministre de la défense de 1986 à 1988, fonctions toutes éminemment politiques. Un quotidien du matin signale des " nominations en série au Quai d'Orsay ", notant qu'en quelques mois le ministre des affaires étrangères aura fait en douceur le ménage dans sa nouvelle maison... Un hebdomadaire économique titre sur " Sorcières : le balai de l'alternance ". Tel autre quotidien du soir note que le directeur central de la police judiciaire est relevé de ses fonctions dans des conditions inhabituelles. Depuis, d'ailleurs, la quasi-totalité des postes de direction du ministère de l'intérieur ont changé de titulaire. C'est le cas également au ministère de la justice où les directeurs de l'administration pénitentiaire, des affaires criminelles et des grâces et des services judiciaires ont tous été remplacés. Le ministère de la défense n'a pas été épargné puisque, de façon jugée prématurée par certains spécialistes, le délégué général à l'armement, le directeur général de la sécurité extérieure, le secrétaire général de la défense nationale ont été changés. Au ministère de l'éducation nationale, les postes de directeur des écoles, des personnels de l'enseignement, des lycées et des collèges, des personnels de l'inspection et de direction, de l'enseignement supérieur, de l'administration des ressources humaines et des affaires financières, de l'information scientifique et technique, des bibliothèques, ont été changés de titulaire, ainsi que treize postes de recteur sur vingt-sept à ce jour. Tous ces changements de poste ont-ils été uniquement motivés par des critères de compétences ? On peut en douter lorsque l'on sait qu'aucun reproche d'ordre professionnel ne pouvait être adressé à l'ancien directeur du livre " remerciée " par le ministre de la culture. Ces quelques exemples : le directeur de la musique et de la danse, le directeur de la Caisse nationale d'assurance-maladie, auxquels il conviendrait d'ajouter les nombreuses démissions-limogeages, notamment dans l'audiovisuel public, laissent supposer qu'en réalité les critères politiques sont prioritaires dans les choix de la haute administration. En conséquence, il lui demande quelles sont les raisons qui l'ont conduit à remettre en cause les orientations définies lors de son discours de politique générale, où il semblait se situer dans la tradition républicaine en invoquant l'impartialité de l'Etat. En outre, en s'engageant dans ce même discours à ne procéder à aucune nouvelle nomination dans les trois mois précédant une élection nationale, laissait-il entendre que la haute administration aurait déjà été remaniée dans son ensemble ? Enfin, il ; lui demande si le Gouvernement de la République française, en adoptant le système américain, a décidé d'abandonner " l'exception française ", dans le choix des hauts fonctionnaires.

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Réponse du ministère : Premier ministre publiée le 23/12/1993

Réponse. - Les orientations définies par le Premier ministre dans le discours de politique générale qu'il a prononcé devant le Parlement ne sont aucunement remises en cause. Au contraire, un projet de loi relatif à certaines modalités de nomination dans la fonction publique de l'Etat vient d'être déposé auprès de l'Assemblée nationale afin de mettre fin aux errements constatés ces dernières années dans les nominations à des emplois importants non concernés par le champ du décret no 85-779 du 24 juillet 1985 portant application de l'article 25 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 fixant les emplois supérieurs pour lesquels la nomination est laissée à la décision du Gouvernement. L'impartialité et le sérieux des nominations au tour extérieur dans les grades de conseillers d'Etat, de conseiller maître à la Cour des comptes et d'inspecteur général de toutes les inspections générales seront désormais garantis par la publicité de l'avis rendu par une commission composée de magistrats et de membres des corps concernés. Tel n'était pas le cas jusqu'à présent. Il n'y a pas lieu, en outre, de craindre d'une quelconque façon l'adoption d'un système comparable à la pratique américaine pour les choix des hauts fonctionnaires. Le décret no 85-779 mentionné ci-dessus limite précisément la liste des emplois laissés à la décision du Gouvernement en ce qui concerne tant la nomination que la cessation de fonctions. On y trouve, notamment, les directeurs d'administration centrale, les préfets, les ambassadeurs et les recteurs. A cet égard, la pratique suivie par le Gouvernement s'inscrit dans le strict respect de la réglementation en vigueur pour ces emplois qui, faisant l'objet d'une nomination en conseil des ministres, se font par décret contresigné par le Président de la République. C'est ainsi que, entre le 1er avril et le 23 novembre 1993, on a pu constater les nominations de vingt-neuf ambassadeurs, dont vingt-cinq par changement de poste, selon le déroulement normal de la carrière, alors qu'entre le 1er septembre 1992 et le 29 mars 1993 il y avait eu soixante-deux nominations. Pour le corps préfectoral, soixante et un postes territoriaux, sur un total de cent dix sept, ont eu un nouveau titulaire entre le 1er avril et le 5 novembre 1993. Sur ces soixante et un postes, quarante-deux ont concerné des changements d'affectation de préfets en poste territorial, deux des préfets auparavant directeurs d'administration centrale au ministère de l'intérieur et dix-sept des sous-préfets, administrateurs civils, sous-directeurs ou directeurs du ministère de l'intérieur. Le mouvement global est un peu plus important que ceux constatés les années précédentes, compris entre quarante-cinq et cinquante. Cette augmentation est pour l'essentiel due à la nomination de plusieurs préfets dans des cabinets ministériels, notamment auprès du Premier ministre, du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, et du ministre du travail, ou au cabinet du président de l'Assemblée nationale.

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