Question de M. de VILLEPIN Xavier (Français établis hors de France - UC) publiée le 29/12/1988

M. Xavier de Villepin attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères, chargé de la francophonie, sur l'avenir de la langue française dans l'Europe 1992. Il souhaiterait savoir si la diversité linguistique sera respectée, et plus particulièrement si la loi de 1975 exigeant le français pour la publicité, et la consommation dans notre pays sera maintenue. Il demande quelles mesures sont envisagées pour assurer la présence du français dans la Communauté européenne.

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Réponse du ministère : Francophonie publiée le 01/06/1989

Réponse. - La sauvegarde du français à la veille de la réalisation du grand marché européen est une question préoccupante dont la réponse dépend en grande partie de la fermeté avec laquelle notre pays saura défendre ses prérogatives linguistiques et culturelles. En ce qui concerne d'abord le statut du français au sein des institutions de la C.E.E., malgré le règlement portant fixation du régime linguistique de la Communauté européenne qui prescrit que " les textes adressés par les institutions à un Etat membre ou à une personne relevant de la périodicité d'un Etat membre sont rédigés dans la langue de cet Etat ", il est arrivé récemment que la Commission de Bruxelles se permette d'adresser à des administrations françaises des documents rédigés en anglais, ce qui a nécessité un rappel à l'ordre adressé par le ministère des affaires étrangères à notre représentation permanente auprès des communautés européennes. Cela témoigne d'une certaine tendance à privilégier une langue d'un Etat membre alors même que le français n'est pas seulement langue officielle en France mais aussi, à parité avec d'autres, dans deux autres Etats de la Communauté, la Belgique et le Luxembourg. A cet état de fait s'ajoutent les principes concernant la hiérarchie des normes juridiques qui accordent aux dispositions des traités une force juridique supérieure à celle d'une loi interne. Ainsi, l'article 30 du traité du Rome, qui interdit les restrictions quantitatives à l'importation " ainsi que toutes mesures d'effet équivalent ", est susceptible de faire échec aux mesures législatives ou réglementaires prises par les Etats pour préserver leur patrimoine linguistique, ou, tout au moins, pour en restreindre considérablement la portée. C'est en invoquant cette disposition que la Commission des Communautés européennes a, par exemple, engagé une procédure précontentieuse contre la France, au motif que la législation dont elle s'est dotée, en 1975, à l'unanimité de son Parlement, en imposant la traduction de tous les documents fournis lors de la présentation ou la vente d'un bien ou d'un service, la mettait en infraction avec le traité de Rome. C'est aux termes de ce même article que le laboratoire national français de la santé s'est vu refuser le droit de demander la traduction du dossier d'agrément qu'une société italienne lui avait adressée en anglais, avant la mise sur le marché d'un réactif de laboratoire. Le fait, en outre, pour un pays membre de la Communauté, d'exiger que les ressortissants d'un autre Etat membre désirant s'établir sur son territoire fassent la preuve d'une connaissance suffisante de sa langue nationale a été considéré par la Commission des Communautés européennes, dans le cadre notamment de l'application de sa directive sur le droit d'établissement des médecins et des pharmaciens, comme constituant une entrave à la libre circulation des personnes. L'affirmation par la France que la c onstruction européenne ne doit pas entraîner le renoncement à notre identité culturelle représente non seulement un intérêt national évident, mais aussi l'occasion d'une sensibilisation de nos partenaires. Tous sont, en effet, concernés par la menace d'uniformisation que ferait peser sur eux l'application d'un traité à vocation économique qui méconnaîtrait la nécessaire portée culturelle de l'entreprise commune. C'est dans cet esprit que j'ai pris l'initiative de demander, auprès de tous les membres de la Communauté européenne, une enquête sur les projets de chacun d'entre eux en matière linguistique pour l'Europe de 1993. La mission désignée à cet effet vient de déposer son rapport qui, d'ores et déjà, constitue un document de travail pour la réflexion du Gouvernement français. Celui-ci compte prendre bientôt à cet égard des initiatives et proposer à ses partenaires de la Communauté un dialogue qui devrait s'attacher à favoriser la prise de conscience de la nécessité d'une politique globale et commune sur le plan européen en faveur de l'enseignement des grandes langues de l'Europe. Il s'agit d'encourager leur apprentissage comme première langue, à tous les niveaux de l'école et de l'Université, puis dans tous les cycles postuniversitaires. Grâce à la réciprocité qu'on peut attendre de semblables actions, pourraient s'instaurer les conditions de relations mieux équilibrées entre les diverses langues européennes. ; et déjà, constitue un document de travail pour la réflexion du Gouvernement français. Celui-ci compte prendre bientôt à cet égard des initiatives et proposer à ses partenaires de la Communauté un dialogue qui devrait s'attacher à favoriser la prise de conscience de la nécessité d'une politique globale et commune sur le plan européen en faveur de l'enseignement des grandes langues de l'Europe. Il s'agit d'encourager leur apprentissage comme première langue, à tous les niveaux de l'école et de l'Université, puis dans tous les cycles postuniversitaires. Grâce à la réciprocité qu'on peut attendre de semblables actions, pourraient s'instaurer les conditions de relations mieux équilibrées entre les diverses langues européennes.

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