Question de M. MÉLENCHON Jean-Luc (Essonne - SOC) publiée le 09/07/1987

M.Jean-Luc Mélenchon attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la question des centres éducatifs. En effet, la décision prise par les services du ministre d'habiliter à l'accueil de mineurs relevant de mesures judiciaires (jusque-là confiés au service public de l'éducation surveillée) des associations dont le projet est de les rassembler en internat suscite une réelle inquiétude. L'idée de ces centres éducatifs à encadrement renforcé a prouvé son inefficacité dans le passé. Ce constat n'est-il pas à l'origine de l'abandon des colonies pénitentiaires et de la fondation de l'éducation surveillée ? N'était-elle pas confirmée lorsque le directeur du dernier centre fermé (Juvisy) convainquait M. Peyrefitte, alors garde des sceaux, de mettre fin au fonctionnement de son établissement. Ce directeur expliquait en effet que l'idée de rassembler, certains diraient de parquer, en des lieux déterminés des mineurs difficiles (...) entraîne obligatoirement la création de pourrissoirs (...). La concentration en un lieu si déterminé de jeunes si semblables dans leurs troubles faisait ressembler l'établissement à une énorme " cocotte-minute " toujours sous pression, prête à exploser à tout instant. Le ministère de la justice a cependant, malgré cela, permis une concentration de ce type en habilitant le centre " Le Gîte " dans le Nord-Pas-de-Calais. Pourtant, la direction des houillères aurait clairement signifié l'échec de l'expérience annoncée il y a quelques mois avec tant de publicité. Cette direction a en effet déclaré : " L'expérience actuelle nous a montré que la formule consistant à rassembler une dizaine de jeunes de comportement difficile n'est pas la bonne de notre point de vue car les effets d'entraînement se font dans le mauvais sens (...). Nous avons dû renforcer l'encadrement des jeunes de sorte que l'opération sera de l'ordre d'un million de francs. Dans ce contexte, il s'inquiète des suites que le ministère compte donner à la demande d'habilitation qui est présentée par l'association J.E.T. (jeunes en équipe de travail) qui s'appuie sur une expérience, d'ailleurs limitée, réalisée avec des jeunes mineurs délinquants placés sur décision judiciaire ou à des jeunes tout simplement " en danger " au sens de l'article 375 du code civil. L'amiral Brac de La Perrière qui dirige cette association se propose de garder en internat en " tenue de travail uniforme " six jours sur sept des jeunes qui ne seront d'ailleurs autorisés le dimanche à quitter l'établissement que dans les limites géographiques fixées par la direction. Ces mêmes jeunes qui ne font l'objet d'aucune condamnation, rappelons-le, ne pourront bénéficier que toutes les trois semaines d'une permission, du vendredi soir au dimanche soir sous réserve de l'accord de leur famille ou de leur tutelle. Pourrait-on admettre un tel régime sachant de surcroît que " l'emploi du temps journalier est conçu de telle manière que l'activité en équipe soit variée et intense pendant environ dix heures par jour " ce qui, selon le projet, " réserve ainsi quatre à cinq heures pour les repas, la détente et les activités personnelles ". Il aimerait donc savoir comment on doit comprendre les critères discriminatoires du recrutement de tels centres réservés notamment aux seuls jeunes garçons de nationalité française ? Il indique son hostilité au rétablissement de centres fermés et souhaite connaître les intentions du Gouvernement devant de tels projets.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 26/11/1987

Réponse. -Le garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur de faire connaître à M. Mélenchon que les textes en vigueur confient à l'éducation surveillée la prise en charge éducative des jeunes délinquants ou en situation de danger relevant de décisions judiciaires. Afin d'accomplir cette mission, près de 1 150 établissements et services du secteur public et du secteur associatif habilité accueillent annuellement près de 200 000 jeunes auxquels ils s'efforcent d'offrir des prestations destinées à permettre leur insertion sociale. En particulier, la situation des mineurs délinquants les plus difficiles fait l'objet d'un effort de recherche constant. Il s'agit de déterminer les modalités de traitement les plus adaptées afin de prévenir leur incarcération dans le respect des textes existants. Dans cet esprit, l'association " Le Gîte " qui gère déjà plusieurs centres d'hébergement dans la région Nord - Pas-de-Calais propose aux mineurs délinquants, pour lesquels il n'existe aucune autre solution satisfaisante, une nouvelle structure d'accueil en internat où l'encadrement est assuré par des personnels d'éducation spécialisée. Le projet pédagogique de cet établissement concerne une prise en charge éducative non coercitive et ne fait nullement appel à la notion d'enfermement. La finalité n'est pas de " parquer " des jeunes mais de les éduquer en vue de les réinsérer dans la société. La création et l'habilitation de cet établissement ont été soumises aux procédures habituelles, en accord avec les autorités judiciaires locales et les municipalités concernées. Par ailleurs, l'association " Jeunes en équipes de travail " a élaboré un projet dont l'objet serait de recevoir des mineurs placés par des magistrats de la jeunesse. Aucune demande d'habilitation n'a été déposée à ce jour, mais le cas échéant, elle serait instruite selon la procédure légale avec un contrôle de l'éducation surveillée sur un projet qui devra compoter suffisamment de garanties éducatives, et être remanié en ce sens, si cela s'avérait nécessaire. Plus généralement, les mineurs délinquants, quelle que soit la nature de leur placement, peuvent bénéficier, aux conditions normales, de l'important dispositif mis en place par les pouvoirs publics pour la formation et l'insertion des jeunes sans emploi, dispositif auquel l'éducation surveillée participe activement. A ce titre, les houillères du bassin Nord - Pas-de-Calais ont organisé deux stages de " préparation à l'emploi " pour des jeunes relevant de l'éducation surveillée qui a assuré parallèlement leur suivi éducatif. Il est vrai que la direction des houillères a pu estimer que cette opéraion se soldait par un échec financier, mais peut-on parler de rentabilité lorsqu'il s'agit d'une action en faveur de jeunes en difficulté ? Les résultats, malgré les difficultés rencontrées, ont été positifs pour la plupart des mineurs âgés de dix-sept à dix-huit ans qui jusqu'alors n'avaient été admis dans aucune filière d'insertion ou de formation professionnelle. Enfin, la complexité du problème posé par la prise en charge des adolescents les plus difficiles rend souhaitable la multiplication des expériences. Toutefois la finalité de ces nouvelles formules d'encadrement éducatif devra s'avérer strictement conforme aux principes qui déterminent la politique générale de l'éducation surveillée et devra s'intégrer dans le dispositif légal que constitue le cadre actuel de cette administration.

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