Les membres de la commission de la culture regrettent que les contrats d’objectifs et de moyens (COM) des sociétés de l’audiovisuel public transmis au Sénat par le Gouvernement ne respectent ni la lettre ni l’esprit de la loi du 30 septembre 1986. Annoncés comme portant sur la période 2020-2022, ils ne couvrent en réalité que les années 2021 et 2022 et ne sont donc pas conformes à la loi qui prévoit une durée de trois ans minimum. Les COM ne répondent pas non plus à l’esprit de la loi qui leur fixe pour mission de tracer une perspective de moyen terme qui ne saurait se limiter aux échéances électorales. Le rapporteur Jean-Raymond Hugonet rappelle que : "Le Gouvernement n’a d’ailleurs pas hésité à se projeter en 2025 pour sa loi de programmation militaire et à 2030 pour sa loi de programmation pour la recherche. L’actuelle Charte royale de la BBC entrée en vigueur le 1er janvier 2017 cessera pour sa part de produire ses effets le 31 décembre 2027."

Ces COM créent surtout une inquiétude forte dans chaque entreprise de l’audiovisuel public sur l’après 2022 compte tenu de l’absence de perspectives financières. L’absence de réforme de la contribution de l’audiovisuel public (CAP) se traduit ainsi dans les COM de Radio France et de France Télévisions par une réaffirmation de la publicité comme seule véritable marge de manœuvre des entreprises concernées, en contradiction avec l’objectif de renforcement de l’identité de service public.

Les synergies prévues par les COM sont également plus modestes qu’attendu ce qui réduit la portée des objectifs communs et l’intérêt de la synchronisation des calendriers. Le seul véritable apport de ces COM tient à la confirmation de la trajectoire budgétaire de 2018 qui a eu pour mérite de placer l’objectif de rigueur dans la gestion en tête des préoccupations des dirigeants de l’audiovisuel public mais nul n’était besoin de rédiger ces COM pour réaffirmer cette trajectoire qui s’applique depuis trois ans sans discontinuer.

La commission de la culture s’inquiète tout particulièrement des cinq dispositions suivantes propres aux COM de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l’INA qui les rendent à ses yeux inacceptables en l’état :

  1.  la suppression de France 4 confirmée par le COM de France Télévisions est contradictoire avec l’objectif d’adresser à la jeunesse des programmes éducatifs et porteurs des valeurs républicaines alors même qu’elle ne constitue pas une source d’économies significative pour l’entreprise ;
  2. la disparition du plafond de 42 M€ de recettes publicitaires dans le COM de Radio France rompt les engagements pris envers les radios privées qui seront directement impactées et place le groupe public dans une dépendance accrue à l’audience qui affaiblira à la fois son identité de service public et son indépendance éditoriale ;
  3. l’absence de précisions et de calendrier concernant la création d’une offre numérique « partagée » entre France 3 et France Bleu contredit à la fois la priorité accordée à la proximité et la nécessité de poursuivre la transformation numérique ;
  4. la diminution de 20 journalistes de Monte Carlo Doualiya et le rapprochement avec la rédaction de France 24 arabophone ne peuvent viser d’abord des économies de postes sur des zones de diffusion stratégiques. L’affaiblissement de la radio arabophone française apparaît ainsi contradictoire avec la priorité donnée du développement de l’audiovisuel extérieur dans le monde arabo-musulman ;
  5. l’absence de reconnaissance officielle du rôle de l’INA comme pôle de formation à destination des 15 000 personnels de l’audiovisuel public illustre les difficultés de l’actionnaire à faire prévaloir l’intérêt commun de l’audiovisuel public sur les habitudes et les forces centrifuges.

Compte tenu de ces réserves, la commission a donné un avis défavorable à l’adoption des COM de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l’INA pour la période 2020-2022. Pour Jean-Raymond Hugonet : "Ces avis négatifs visent d’abord l’actionnaire de ces entreprises qui aura échoué depuis 2017 à créer les conditions favorables au développement des entreprises de l’audiovisuel public en les plaçant dans la situation périlleuse de devoir renoncer à certains aspects importants de leur offre lorsqu’elles ne peuvent recourir à des ressources propres qui dénaturent souvent leur identité de service public."

A contrario, la commission de la culture a donné un avis favorable à l’adoption du COM d’ARTE France. Du fait de son statut international, la commission a pris acte que cette société n’était pas soumise aux mêmes incertitudes que les autres entreprises de l’audiovisuel public national, le COM d’ARTE France étant d’ailleurs subordonné au projet du groupe ARTE. Le financement d’ARTE France s’inscrit par ailleurs dans le cadre du budget pluriannuel négocié en 2019 par le groupe ARTE avec ses tutelles française et allemande.

Pour Laurent Lafon, président de la commission : "Le rejet des COM de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l’INA par la commission sanctionne le manque d’ambition affiché par le Gouvernement concernant les modalités de financement et de développement des sociétés de l’audiovisuel public national. ARTE constitue quant à elle une exception puisqu’elle dispose d’une visibilité financière et stratégique à moyen terme qui lui permet de mener à bien son projet d’entreprise en toute indépendance avec des résultats inégalés en termes de qualité et de diversité des programmes."

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La commission de la culture, de l’éducation et de la communication est présidée
par Laurent Lafon (UC – Val-de-Marne).

Jean-Raymond Hugonet (LR – Essonne) est rapporteur des projets de contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, ARTE France et de l’INA.


 

Jean-Christian LABIALLE
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