La commission des lois et la commission des affaires européennes du Sénat, réunies conjointement le 9 juillet 2020, ont adopté le rapport d’information de Sophie Joissains et Jacques Bigot, rapporteurs, sur la lutte contre la cybercriminalité.

La cybercriminalité est une délinquance protéiforme, dont l’actualité fournit des exemples quotidiens ("rançongiciels", contenus frauduleux et trafics divers en ligne, en particulier sur le dark web, "hameçonnage", etc.) qui concernent tant les entreprises ou les administrations que les particuliers. Son ampleur reste difficile à évaluer car les plaintes et signalements sont loin d’être systématiques. Elle représente néanmoins une menace croissante en raison de la place grandissante qu’occupe le numérique dans nos économies et nos sociétés.

Pour les deux commissions, l’arsenal législatif existant devrait permettre de lutter efficacement contre la cybercriminalité. En revanche, les poursuites restent insuffisantes. Si les services de police et de gendarmerie, ainsi que les services judiciaires, ont acquis une grande compétence technique, ils restent sous-dotés. La section compétente du parquet de Paris ne compte que trois magistrats. Il faut aussi renforcer la cybersécurité par des actions de prévention et de formation.

Les efforts entrepris à l’échelle nationale pour combattre la cybercriminalité se heurtent aussi à son caractère transnational : les victimes se trouvent en France, mais les cyberdélinquants sont souvent à l’étranger. Une coopération policière et judiciaire internationale est donc indispensable. Il y a cependant trop de lenteur et la commission rogatoire internationale n’a pas démontré sa pleine efficacité. La convention de Budapest du Conseil de l’Europe a néanmoins permis d’harmoniser les outils d’entraide judiciaire.

L’Union européenne a pris la mesure de la menace : la lutte contre la cybercriminalité figure parmi ses priorités. Celle-ci fait l’objet d’une réglementation qui s’est progressivement enrichie et fait partie du champ de compétences des agences Europol et Eurojust.

Pour aller plus loin, les deux commissions envisagent que la lutte contre la cybercriminalité fasse partie des missions du futur Parquet européen. La proposition de résolution européenne adoptée ce jour par la commission des affaires européennes invite ainsi à engager une réflexion sur l’intérêt et les modalités d’une telle extension de compétences du Parquet européen.

Liste des principales recommandations

  • Mieux connaître le phénomène de la cybercriminalité en modernisant les outils statistiques de la police et de la justice et en encourageant les signalements et dépôts de plainte
  • Renforcer les moyens des services enquêteurs spécialisés dans la lutte contre la cybercriminalité
  • Augmenter considérablement les moyens de la section du parquet de Paris spécialisée dans la lutte contre la cybercriminalité et consolider le réseau de référents cyber dans les parquets locaux
  • Approfondir les liens entre les services enquêteurs, l’autorité judiciaire et les acteurs privés du numérique afin de favoriser une meilleure connaissance mutuelle et de faciliter les investigations
  • Sensibiliser l’opinion publique, notamment les plus jeunes, aux enjeux de la cybersécurité, grâce à des campagnes d’information et en mobilisant l’éducation nationale
  • Élaborer dans les meilleurs délais un cadre réglementaire européen relatif à la preuve numérique (durée de conservation des données, accès aux preuves hébergées à l’étranger) compatible avec les règles relatives à la protection des données personnelles
  • Inviter l’ensemble des États membres de l’Union européenne à utiliser pleinement les outils de coopération policière et judiciaire Europol et Eurojust et renforcer l’implication d’Europol dans la lutte contre la cybercriminalité par de nouveaux outils techniques et par la création d’un laboratoire d’innovation
  • Inciter l’ensemble des États membres à ratifier la convention de Budapest sur la cybercriminalité et conclure les négociations sur le deuxième protocole additionnel à cette convention afin de rendre l’entraide judiciaire internationale plus efficace
  • Veiller à ce que le futur partenariat entre l’Union européenne et le Royaume-Uni instaure une coopération étroite dans les domaines de la cybersécurité et de la lutte contre la cybercriminalité
  • Poursuivre la réflexion sur un éventuel élargissement, à long terme, des compétences du Parquet européen à la lutte contre la cybercriminalité
Philippe Bas (Les Républicains - Manche) est président de la commission des lois du Sénat.Jean Bizet (Les Républicains - Manche) est président de la commission des affaires européennes du Sénat.Jacques Bigot (Socialiste et républicain – Bas-Rhin) et Mme Sophie Joissains (Union centriste – Bouches-du-Rhône) sont rapporteurs pour les deux commissions.

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Clothilde LABATIE
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