Le mercredi 6 juillet 2016, la commission des lois, présidée par M. Philippe Bas (Les Républicains - Manche), a autorisé la publication du rapport de la mission d’information sur la loi du 29 juillet 1881 à l’heure d’Internet, établi par MM. François Pillet (Les Républicains – Cher) et Thani Mohamed Soilihi (Socialiste et républicain - Mayotte).

L’équilibre initial de la loi du 29 juillet 1881 reposait sur deux éléments :

  • l’introduction d’un régime procédural très contraignant, caractérisé par des courts délais de prescription et des exigences élevées de formalisme à peine de nullité,
  • en contrepartie d’un mécanisme de responsabilité en cascade facilitant l’identification et donc la mise en cause d’un responsable : le directeur de publication, l’éditeur en premier lieu ; à défaut, l’auteur de l’écrit ou, en dernier ressort, l’imprimeur puis les distributeurs.

Force est de constater que cet équilibre est remis en cause par les technologies de l’Internet. La plupart des délits étant commis par des non-professionnels anonymes, leur responsabilité ne peut être recherchée. Or, contrairement au mécanisme applicable pour la presse écrite, il est particulièrement difficile de rechercher la responsabilité d’un "directeur de la publication". De plus, la loi pour la confiance dans l’économie numérique a posé le principe d’une irresponsabilité civile et pénale de l’hébergeur, sauf à démontrer un avertissement préalable à son égard concernant un contenu illicite.

Le rapport formule des recommandations pour adapter la loi du 29 juillet 1881 à l’ère du numérique afin que celle‑ci permette une répression plus effective des abus de la liberté d’expression sur Internet.

- Cet objectif de simplification des exigences procédurales justifie plusieurs propositions de modification de la loi du 29 juillet 1881, qui s’appliqueraient à l’ensemble des délits de presse.

À ce titre, le rapport recommande d’accorder au juge une plus grande maîtrise de l’instance en lui permettant notamment de requalifier les faits dont il est saisi. Il préconise également de permettre le recours à la reconnaissance préalable de culpabilité et à la composition pénale pour les délits de presse afin de limiter les délais de jugement.

- Le rapport propose également d’adapter le régime de prescription des délits de presse commis sur Internet. En effet, les abus de la liberté d’expression commis sur Internet disposent d’une audience sans commune mesure avec celle de la presse écrite et d’une persistance qui remet en cause le caractère présumé éphémère d’un délit de presse.

Afin de permettre la répression de tous les délits dont les effets perdurent, le rapport propose de fixer le point de départ de la prescription des délits de presse commis sur Internet à la date de la fin de la mise à disposition du public de ce message.

- Le rapport préconise également :

  • Une redéfinition du régime de responsabilité des acteurs de l’Internet afin de prendre en compte les évolutions intervenues, depuis la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ; 
  • Une adaptation du droit de réponse sur Internet et l’instauration d’une peine complémentaire de publicité sur le site Internet responsable d’une décision de condamnation ; 
  • Une meilleure articulation entre la loi du 29 juillet 1881 et la loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978 afin de rendre effectifs les droits de rectification et d’effacement et de permettre véritablement la reconnaissance d’un droit à l’oubli pouvant s’exercer devant le juge à tout moment.

- Enfin, le rapport recommande de permettre la réparation des préjudices nés d’un abus de la liberté d’expression sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun et de l’article 1382 du code civil. Il s’agirait de revenir sur la jurisprudence de la Cour de cassation qui a conduit à une éradication totale de la responsabilité civile de droit commun dans le champ de la liberté d’expression.

Mathilde Dubourg
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