La commission des lois du Sénat examine l'expérience canadienne et québécoise de réforme de l'Etat

Le rapport fait au nom de la commission des lois par MM. Bernard Saugey, vice-président (UMP - Isère), Jean-Claude Peyronnet, vice-président (SOC - Haute-Vienne), Philippe Arnaud (UC/UDF - Charente), Christian Cointat (UMP - Français établis hors de France), Bernard Frimat (SOC - Nord) et Nicolas Alfonsi (RDSE - Corse du Sud), membres de la délégation de la commission qui a rencontré entre le 15 et le 20 septembre 2005 des acteurs de la réforme de l'Etat à Ottawa et à Québec, présente des éléments de comparaison avec l'action conduite en France dans ce domaine.

La mission d'information de la commission des lois, présidée par M. Bernard Saugey, relève que la réforme de l'Etat au Canada et au Québec a d'abord été conçue comme un facteur de redressement des finances publiques, en voie de dégradation accélérée au début des années 1990. Ainsi, la situation financière du pays a conduit le Gouvernement de M. Jean Chrétien à supprimer près de 66.000 emplois dans la fonction publique fédérale entre 1994 et 1999, soit plus d'un fonctionnaire sur six.

Les responsables politiques et administratifs rencontrés par la délégation ont témoigné du climat de consensus politique et syndical dans lequel cette réforme avait été conduite. Au cours de la même période, le Gouvernement canadien a procédé à la révision des programmes ministériels, soumettant les ministères à une baisse moyenne de 20 % de leurs crédits afin de réduire les déficits publics. Les membres de la délégation ont souligné que si le travail pédagogique réalisé par le Gouvernement et les hauts fonctionnaires dans l'ensemble du pays avait fortement contribué au succès de la réforme, le strict encadrement du droit de grève par la loi avait par ailleurs incité à privilégier la conciliation en amont, favorisant l'aboutissement du dialogue avec les syndicats.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, a indiqué que toute appréciation de la réforme de l'Etat conduite au Canada devait par conséquent prendre en compte d'importantes différences avec notre pays en matière de statut de la fonction publique.

Soulignant que la réduction des effectifs de la fonction publique, imposée dans un souci de maîtrise budgétaire, s'était traduite dans un premier temps par une dégradation des conditions de travail des fonctionnaires et par un déficit d'expertise, les membres de la délégation indiquent que l'administration fédérale a en conséquence procédé à de nouveaux recrutements dans les années 2000/2004 (augmentation de 9,34 % du nombre de fonctionnaires sur cette période). Aussi, fort de l'expérience fédérale, le Gouvernement québécois privilégie-t-il aujourd'hui une approche plus progressive, mettant à profit les départs à la retraite attendus au sein de la fonction publique.

Le rapport de la mission d'information relève que les résultats obtenus font aujourd'hui du Canada un modèle de maîtrise budgétaire, puisqu'il est le seul pays du G7 dont les comptes publics affichent un excédent pour la huitième année consécutive.

Si le redressement des finances publiques canadiennes coïncide avec une situation économique plus favorable depuis la fin des années 90, le mouvement de réforme de l'Etat semble avoir toutefois révélé une aptitude durable à l'évolution des structures administratives sur laquelle se fonde une action soutenue de modernisation.

Bénéficiant de la culture du changement, acquise dans les années 1990, les administrations publiques canadiennes et québécoises poursuivent actuellement leur mouvement de rationalisation et de modernisation. Ainsi, le nouveau cadre général de la fonction publique, instauré par une loi du 7 novembre 2003, responsabilise davantage les fonctionnaires, y compris les secrétaires généraux des ministères dont la gestion est soumise à une évaluation approfondie. Cette évaluation a des conséquences directes sur leurs rémunérations, puisque 20 % de leurs traitements dépendent des résultats obtenus.

En outre, la réforme de l'Etat au Canada a modifié l'architecture budgétaire afin d'améliorer l'efficacité des programmes gouvernementaux, dans une perspective similaire à la logique de performance mise en oeuvre par la loi organique du 1er août 2001, dite LOLF, en France.

Les membres de la mission d'information estiment que l'oeuvre de réforme de l'Etat conduite dans notre pays peut être encore approfondie en s'inspirant en particulier des évolutions initiées par le Canada afin de réaliser des économies d'échelle dans le domaine des services aux administrations. Ainsi, le ministère des travaux publics et des services gouvernementaux du Canada exerce une mission générale et transversale de services aux administrations, en réalisant l'ensemble des achats publics fédéraux et en gérant notamment les services immobiliers de l'Etat. Ce ministère entend réaliser 2,5 milliards de dollars canadiens (1,7 milliards d'euros) d'économie grâce à la centralisation des approvisionnements.

Enfin, soulignant l'efficacité du système canadien de contrôle de l'emploi des fonds publics, et plus particulièrement le rôle essentiel du bureau du vérificateur général du Canada, les membres de la délégation considèrent que l'évaluation des politiques publiques doit jouer un rôle de premier plan dans la réforme de l'Etat.

Ce rapport est consultable sur le site du Sénat :
 http://www.senat.fr/rap/r05-152/r05-152.html

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