Propos introductifs de M. le Président du Sénat
Conférence économique
« Défis Opportunités – Collectivités françaises des Amériques »
Jeudi 19 mai 2016 - Palais du Luxembourg - Salle Clémenceau


Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Madame l’Ambassadrice déléguée à la coopération régionale Antilles-Guyane,
Monsieur le Directeur général des outre-mer,
Mesdames, Messieurs, Chers amis,

Je suis très heureux de vous accueillir ce matin, au Sénat, et de vous souhaiter la bienvenue, dans cette maison des collectivités territoriales, de toutes les collectivités territoriales de la République, qu’elles soient de métropole ou des outre-mer, à l’occasion de cette deuxième Conférence économique organisée par notre Délégation à l’outre-mer, présidée par notre collègue Michel Magras qui a succédé à Serge Larcher, et conférence consacrée cette année aux cinq collectivités françaises des Amériques.

Permettez-moi de vous rappeler que cette Délégation est composée de tous les sénateurs ultramarins et d’un nombre équivalent de membres désignés par le Sénat de manière à assurer la représentation proportionnelle de tous les groupes politiques.

Grâce à sa Délégation, notre Haute assemblée bénéficie pour éclairer sa réflexion et ses prises de décisions sur les sujets qui touchent aux outre-mer, d’une expertise de haut niveau. La qualité des rapports d’information qu’elle rédige est unanimement reconnue.

Une fois de plus, vous avez répondu nombreux à l’invitation du Président Magras et de ses dynamiques partenaires :
- la Fédération des Entreprises des Outre-Mer [qui fête demain le 30ème anniversaire de sa création],
- les Chambres de Commerce et d’Industrie de Guyane, de Guadeloupe, de Martinique et de Saint Martin,
- la Chambre d’Agriculture, de Commerce, de l’Industrie, des Métiers et de l’Artisanat de Saint Pierre et Miquelon,
- et enfin la Chambre Économique Multi professionnelle de Saint-Barthélemy,

Partenaires qui témoignent de la diversité de vos territoires, de vos entreprises et de leurs atouts. Mais aussi des défis à relever, vous pourrez ainsi, au cours de cette journée, largement évoquer les dynamiques sectorielles et les réels potentiels de vos économies. Notre Assemblée sait le rôle essentiel que vous jouez à travers vos entreprises dans le développement économique de vos territoires.

Vos témoignages nous seront donc précieux et contribueront à une meilleure appréhension des défis et des opportunités de chacune de vos collectivités. Les réalités économiques des outre-mer sont encore peu ou mal connues de nos concitoyens de Métropole.

Il est vrai que les médias nationaux s’y intéressent trop peu, ou ne s’y intéressent le plus souvent que lorsque nous devons faire face à des catastrophes naturelles, des épidémies ou des conflits sociaux comme ceux de l’hiver 2008-2009 contre la vie chère ou encore à des manifestations liées à des questions d’insécurité, comme très récemment à Mayotte.

La France est pourtant bien présente au sein du bassin économique « Atlantique » :
- dans l’arc antillais avec la région monodépartementale de la Guadeloupe, la collectivité territoriale de la Martinique ainsi que les deux collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin ;
- aux portes de l’Amérique du Sud avec la collectivité territoriale de la Guyane, dont le territoire est aussi étendu que celui du Portugal ;
- et enfin, dans la partie septentrionale de l’océan Atlantique avec la collectivité de Saint Pierre et Miquelon, dont nous fêtons cette année le bicentenaire du rattachement de cet archipel à la France.
Si chaque territoire est une entité spécifique où il est important de faire vivre les différences en privilégiant autant que faire se peut des politiques publiques sur mesure, il n’en demeure pas moins qu’ils partagent tous un certain nombre de caractéristiques :
- éloignement de la métropole ;
- insularité, mis à part la Guyane, mais qui connaît toutefois des contraintes similaires en raison de son isolement sur le continent ;
- exposition importante aux risques naturels ;
- taux de chômage  largement supérieur à celui de la métropole, (à l’exception de Saint-Barthélemy et Saint Pierre et Miquelon), en particulier chez les jeunes ;
- vie chère avec un niveau des prix à la consommation en particulier pour les produits alimentaires nettement plus élevés qu’en France métropolitaine ;
- faible insertion dans leur environnement régional, héritage du système économique colonial, alors que, par exemple, les Etats partageant la même façade maritime, à savoir la mer des Caraïbes, représentent un marché potentiel de plus de 250 millions d’habitants, avec de belles perspectives pour nos entreprises en raison de l’ouverture économique engagée à Cuba.

Aussi, je me réjouis de l’actualité récente. Actualité parlementaire d’abord, avec l’adoption par l’Assemblée nationale d’une proposition de loi relative à l’action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération de l’outre-mer dans son environnement régional qui vise à développer davantage les échanges avec les pays de leur bassin géographique.

Actualité diplomatique ensuite, avec l’intégration de la Martinique en qualité de 10ème membre de l’Organisation Économique de la Caraïbe Orientale.

La coopération régionale doit être au cœur des stratégies de développement des outre-mer. On le dit depuis de nombreuses années et il faut maintenant dépasser le stade des discours.

De même, nous devons transformer certaines contraintes en avantages. Ainsi, comme la plupart des économies insulaires, les économies des outre mer ont massivement recours à l’importation pour leurs approvisionnements en biens et en matières premières, par le biais du fret maritime, ce qui confère aux ports ultramarins, comme l’a souligné Rémy-Louis Budoc, dans un avis du Conseil Économique Social et Environnemental, une place centrale dans le développement de ces territoires.

Nous devons donc profiter du formidable atout que représentent les ports ultramarins, et veiller au dynamisme de ces derniers en lien avec leur environnement régional, car ils sont un élément majeur de la diversification des économies locales.

Nous devons également tous avoir conscience de l’importance et de la diversité des potentiels de croissance durable et du rayonnement portés par les espaces maritimes ultramarins, comme l’a clairement montré le solide rapport d’information de notre Délégation à l’outre-mer sur les zones économiques exclusives ultramarines.

En effet, ces dernières représentent de réelles opportunités en matière d’énergie marine renouvelable, de pêche et d’aquaculture, de recherche médicale ou encore de développement de technologies de pointe. Elles permettent en outre à la France de se prévaloir d’une dimension mondiale exceptionnelle.

La France doit, pour cela, aider ses outre-mer à se saisir de cette chance et miser sur l’économie bleue tout en veillant à la protection des ressources. Je pense en particulier à la pêche illicite sur les côtes guyanaises souvent accompagnée d’actes de violence.


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C’est une réelle chance pour les outre-mer bien sûr, et pour la France, mais aussi pour l’Europe. Toutefois, l’Europe ne semble pas en avoir totalement conscience.

La vision européenne semble davantage dominée par un souci d’ouverture au libre-échange sans borne, qui constitue, au contraire, une menace pour certaines de nos productions ultramarines.

Nous l’avons encore vu récemment avec les négociations commerciales Union européenne/Vietnam qui mettent en danger la production sucrière des régions ultrapériphériques et par là même déstabilisent des territoires déjà fragiles.

Nos collègues Gisèle Jourda et Michel Magras, dans un récent rapport, montrent clairement les méfaits d’une politique commerciale européenne par trop dogmatique, et la nécessité d’éviter, à l’avenir, que ne s’empilent des accords commerciaux conclus sans vision d’ensemble de leurs répercussions sur les économies ultramarines et la prise en compte de son « ultra périphérie ».

Cette politique européenne est d’autant moins compréhensible que si l’on prend l’exemple du « sucre », c’est l’Europe qui a financé grâce à la PAC et à sa politique régionale, la modernisation industrielle de cette filière.

De plus, il est important de rappeler inlassablement que les régions ultrapériphériques portent les valeurs européennes en matière de normes sanitaires, sociales et environnementales, normes par ailleurs malheureusement édictées sans tenir compte de leurs caractéristiques propres.

Si la France doit encore changer son regard sur les outre-mer, elle doit aussi contribuer à faire évoluer celui des institutions européennes à moins de condamner les outre-mer à être en permanence la variable d’ajustement des négociations commerciales entre l’Union européenne et les pays tiers.

Le programme thématique de cette journée vous donnera l’occasion d’aborder cette ambivalence de l’action européenne à l’égard des outre-mer.
Je vous souhaite donc de riches débats et remercie par avance les nombreux intervenants pour leur apport à cette journée qui permettra d’enrichir notre réflexion commune et participer à la définition de ce que doit être la vision économique de la France dans le bassin Atlantique.

Je vous remercie.