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N° 484

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 27 juin 1996

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 juillet 1996

PROPOSITION DE LOI

renforçant les compétences du Conseil supérieur de l'audiovisuel

en matière de télévision diffusée par satellite,

PRÉSENTÉE

par M. Jean CLUZEL,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Affaires culturelles sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement)

Audiovisuel. -Conseil supérieur de l'audiovisuel-Télévision par satellite.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

L'audiovisuel entre dans l'ère de la diffusion des programmes par satellite et en mode numérique.

La diffusion numérique va permettre de multiplier l'offre de programmes qui seront diffusés, de façon croissante, par des satellites.

La loi du 30 septembre 1986 n'a toutefois pas anticipé le développement de la télévision à partir de satellites de télécommunications.

En outre, l'application de la directive « Télévision sans Frontières » du 3 octobre 1989 a donné lieu à des délocalisations de chaînes, d'une part, en permettant aux États d'adopter des règles plus strictes que celles qu'elle prévoit -la directive n'est, en effet, qu'un texte de coordination minimale des dispositions nationales et non pas d'harmonisation de celles-ci-, d'autre part, en ne définissant pas les critères de rattachement d'un diffuseur à la loi de son État.

La constitution de bouquets de chaînes numériques va accroître les risques qui résultent de ce vide juridique.

Le Gouvernement a annoncé son intention de déposer prochainement un projet de loi afin de combler ce vide juridique, de rapprocher les régimes juridiques du câble et du satellite, d'adapter les règles de concentration aux nouvelles modalités commerciales et techniques et enfin de garantir le pluralisme et l'accès des éditeurs aux nouveaux supports de diffusion.

Cette proposition de loi apporte une contribution à la réflexion sur cette nécessaire évolution législative.

La loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication s'applique aux services de communication audiovisuelle dès lors qu'ils sont diffusés par des supports qui relèvent des autorités françaises, qu'il s'agisse de fréquences hertziennes terrestres ou satellitaires ou de réseaux câblés ou téléphoniques.

En revanche, un vide juridique existe lorsque les services sont émis depuis l'étranger.

Cette lacune soulève deux séries de difficultés :

- La France n'est pas en mesure de veiller au respect des dispositions de la directive « Télévision sans frontières » du 3 octobre 1989 par les organismes de radiodiffusion télévisuelle qui relèvent de sa compétence au regard du droit communautaire, du fait notamment de leur installation et de l'exercice de leur activité en France, mais qui émettent depuis l'étranger.

Ainsi, une chaîne pornographique française, dont le programme est assemblé à Issy-les-Moulineaux, transmet-elle son signal à partir de la Suède vers le satellite EUTELSAT, lequel rediffuse les programmes sur le territoire national, notamment, sans qu'aucun contrôle des autorités nationales de régulation ne soit juridiquement possible.

- La France n'a pas les moyens de faire respecter des obligations minimales, notamment en matière de protection de l'enfance et de l'adolescence et de respect de la personne humaine, lorsque des services, bien que pouvant être reçus en France, sont émis depuis l'étranger.

Ce vide juridique doit être comblé le plus rapidement possible.


• L'objet de l'article premier de cette proposition de loi est donc de soumettre à conventionnement avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel les chaînes qui, bien que n'utilisant pas de support de diffusion français, ont leur siège et exercent leurs activités en France.

Cette disposition permettrait à la France d'assumer ses obligations communautaires en transposant correctement la directive « Télévision sans frontières » .

Par ailleurs, et dans la perspective de la diffusion de bouquets numériques ( ( * )1) , le Conseil supérieur de l'audiovisuel pourra définir globalement certaines obligations en tenant compte de la nature particulière de chaque service.

Au demeurant, une telle mutualisation des obligations des services audiovisuels bénéficiant d'une convention a été prévue, à titre dérogatoire, par le dernier alinéa de l'article 3 de la loi n°96-299 du 10 avril 1996 relative aux expérimentations dans le domaine des technologies et services de l'information.

Cette mutualisation pourrait notamment bénéficier aux quotas de production et de diffusion ainsi qu'aux contributions au développement de la production et aux dépenses minimales consacrées à l'acquisition de droits de diffusion.


L'article 2 supprime, par cohérence, l'article 24 et l'article 31 de la loi du 30 septembre 1986 et procède à certains ajustements de coordination.

Il met fin, par ailleurs, à la distinction obsolète entre satellites de communication et satellites de diffusion directe.

La mise à disposition directe du public de services audiovisuels par les satellites de télécommunications, reçus aussi bien par des exploitants de réseaux câblés que par des particuliers, et l'évolution des matériels de réception ont, en effet, très fortement estompé les différences existant entre les deux types de satellites et ont rendu obsolète la différenciation juridique sur laquelle repose la loi du 30 septembre 1986, qui distingue, en l'espèce :

- l'usage des fréquences afférentes à la télévision par satellite de télévision directe, qui est soumise à autorisation du Conseil supérieur de l'audiovisuel en vertu de l'article 31,

- l'utilisation de fréquences relevant du ministre des Télécommunication, c'est à dire diffusées par des satellites de télécommunication, qui impose la délivrance d'un agrément par le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la signature d'une convention avec ce dernier, en vertu de l'article 24.

Ce dernier article prévoyait, de surcroît, un décret en Conseil d'État qui n'a jamais été publié, ainsi que l'a relevé le rapport annuel du Conseil supérieur de l'audiovisuel pour 1994, ce qui a empêché celui-ci de délivrer des agréments et de conclure des conventions avec des services de télévision diffusés par satellite de télécommunications.

En outre, et dans le souci de rétablir un équilibre plus concurrentiel entre le câble et le satellite, les dispositions de l'article 33 de la loi du 30 septembre 1986 seraient alignées sur celles qui sont proposées pour la diffusion par satellite, ce qui permettrait aux services diffusés sur le câble de bénéficier de la mutualisation ci-dessus évoquée.


L'article 3 prévoit des dispositions à caractère pénal permettant de sanctionner le non-conventionnement d'une chaîne qui, bien que n'utilisant pas de support de diffusion français, a son siège et exerce ses activités en France.


L'article 4 permet au Conseil supérieur de l'audiovisuel d'intervenir lors de la commercialisation de services de communication audiovisuelle, qui, bien que pouvant être reçus en France, sont exploités par des personnes établies hors de France et émis depuis l'étranger.

Pour ce faire, il est possible de s'inspirer d'une disposition du Broadcasting Act britannique, qui permet à 1' Indépendant Télécommunication Commission, autorité de régulation de l'audiovisuel, de s'opposer à la réception d'un service étranger dont les programmes « comportent régulièrement des scènes qui sont contraires au bon goût et à la décence, sont susceptibles d'inciter à la violence, de provoquer des troubles ou de constituer un outrage aux bonnes moeurs » .

Au demeurant, une telle proposition a été soutenue par M. le Ministre de la Culture dans un article publié par Le Monde, le 9 février 1996 :

« Pour la diffusion par satellite, nous pourrions utilement nous inspirer de dispositions analogues à celles prévues par le Broadcasting Act anglais. Ce qui nous permettrait de poursuivre toute personne morale ou physique ayant contribué à la commercialisation de services payants qui tenteraient de détourner les réglementations françaises ou européennes » .

L'article 4 propose, à cet effet, d'adopter les dispositions permettant de sanctionner pénalement la commercialisation de services offrant de façon habituelle des programmes, images ou messages de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, notamment par leur caractère violent ou pornographique (pédophilie, zoophilie...).

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous propose, Mesdames et Messieurs, de renforcer les compétences du Conseil supérieur de l'audiovisuel en matière de télévision diffusée par satellite.

PROPOSITION DE LOI

Article premier

Après l'article 43 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V

Dispositions relatives aux services de communication audiovisuelle diffusés par satellite

« Article 43-1. - I - Les services de radiodiffusion sonore et de télévision diffusés par satellite et exploités par des personnes physiques ou morales établies sur le territoire français où elles disposent d'une installation stable et exercent une activité économique effective, alors même qu'ils n'utilisent pas de fréquence dont l'attribution ou l'assignation relève de la France et ne sont pas distribués sur un réseau établi en France, doivent conclure une convention avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

« II - Un décret en Conseil d'État, pris après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel, définit, pour chaque catégorie de service soumis à convention, dans le respect de l'égalité de traitement entre les différents services et des engagements internationaux souscrits par la France, les règles générales définissant les obligations concernant :

« - la production et la diffusion des programmes ;

« - la publicité et le parrainage ;

« - la protection des mineurs ;

« - le droit de réponse ;

« - la sauvegarde du pluralisme ;

« - le respect de la langue française et le rayonnement de la francophonie.

« Les dispositions de l'articles 27 sont applicables aux conventions visées au paragraphe I.

« III - Conformément à ces règles, la convention définit les obligations particulières au service considéré ainsi que les prérogatives et les pénalités contractuelles dont dispose le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour assurer le respect des obligations conventionnelles.

« IV - Lorsque plusieurs services font l'objet d'une offre commerciale commune au public, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut, en tenant compte de la nature particulière de chaque service, définir globalement certaines obligations visées au paragraphe II du présent article. Il peut notamment définir globalement, pour tout ou partie des services diffusés sur un même canal, les obligations prévues à l'article 27 de la présente loi, lorsqu'elles sont formulées en termes de pourcentages du temps de diffusion ou du chiffre d'affaires annuels.

« V - Les dispositions des paragraphes précédents ne s'appliquent pas aux services consistant exclusivement en la reprise intégrale et simultanée des programmes des sociétés visées à l'article 44, 45 ou 45-1 de la présente loi, de la chaîne culturelle européenne issue du traité du 2 octobre 1990, aux services autorisés en vertu des articles 29, 30 et 65 de la présente loi, ou aux services ayant fait l'objet d'une convention en application de l'article 34-1 de la présente loi.

« VI - Les services ainsi conventionnés sont regardés comme des services autorisés au sens de la présente loi. »

Art. 2.

I - A la fin du deuxième alinéa (1°) de l'article 10 de la loi précitée, les mots : « aux articles 25 et 31 » sont remplacés par les mots : « à l'article 25 ».

II. - Au second alinéa de l'article 12 de la loi précitée, les mots : « aux articles 24, 25 et 31 » sont remplacés par les mots : « aux articles 25 et 43-1 ».

III. - L'article 24 et l'article 31 de la loi précitée sont abrogés.

IV - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 28 de la loi précitée, les mots : « ou par satellite, » sont supprimés.

V - L'article 33 de la loi précitée est ainsi rédigé :

« Art. 33. - Les dispositions des paragraphes II, III et IV de l'article 43-1 sont applicables aux services de communication audiovisuelle distribués par câble. »

Art. 3.

Après l'article 79-7 de la loi précitée, il est inséré un article 79-8 ainsi rédigé :

« Art. 79-8. - Sera puni d'une amende de 6.000 à 500.000 francs, le dirigeant de droit ou de fait d'un service de communication audiovisuelle qui aura émis ou distribué ou bien fait émettre ou distribuer ce service sans avoir passé de convention avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel, en violation des dispositions de l'article 43-1.

« Dès la constatation de l'infraction, les officiers de police judiciaire peuvent procéder à la saisie des installations et matériels.

Les formes prévues aux articles 56 et 57 du code de procédure pénale sont applicables à cette saisie.

« En cas de condamnation, le tribunal pourra prononcer la confiscation des installations et matériels. »

Art. 4.

Après l'article 79-7 de la loi précitée, il est inséré un article 79-9 ainsi rédigé :

« Art. 79-9. - Est punie de deux ans d'emprisonnement et de 200.000 francs d'amende, la commercialisation d'un service de communication audiovisuelle offrant de façon habituelle des programmes, images ou messages de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, notamment par leur caractère violent ou pornographique.

« Est puni d'un an d'emprisonnement ou de 100.000 francs d'amende le fait de commander, de concevoir, d'organiser ou de diffuser une publicité faisant la promotion d'un service visé à l'alinéa précédent ou une présentation des programmes d'un tel service.

« Est punie de 50.000 francs d'amende l'acquisition ou la détention, en vue de son utilisation, d'un équipement, matériel, dispositif ou instrument destiné à la réception d'un tel service. »

* (1) Ensemble de programmes et de services complémentaires rassemblés sur un même support et accessible auprès d'un opérateur unique, le cas échéant par abonnement.

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