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N° 99

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 28 novembre 1995.

PROPOSITION DE LOI

tendant à revaloriser le statut des réservistes et de leurs entreprises d'accueil dans le cadre de la mise en oeuvre de la nouvelle politique des réserves,

PRÉSENTÉE

Par M. Hubert HAENEL,

Sénateur .

(Renvoyée à la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Armée - Cadres de réserve - Entreprises - Code des pensions civiles et militaires de retraite.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

La première année de mise en oeuvre de la nouvelle politique des réserves démontre qu'un certain nombre d'obstacles sont à surmonter pour assurer un fonctionnement harmonieux du dispositif.

La présente proposition de lois se décompose en deux titres :

- le premier relatif au statut du réserviste militaire ;

- le second à la reconnaissance des entreprises engagées dans la politique de défense à travers la politique des réserves militaires et aux récompenses de leurs chefs d'entreprise.

L'absence de règles légales claires définissant le statut des réservistes explique pour une bonne part les interrogations que les réservistes nous ont adressées à nous élus de la Nation.

C'est pour surmonter ces difficultés qu'est déposée la présente proposition.

Les réservistes craignent au premier chef, que la signature d'un engagement spécial dans la réserve (E.S.R.), marquant leur volonté de servir n'ait pour conséquence de fragiliser leur situation au sein de leur entreprise.

Or, en fin d'année dernière, nous avons protégé l'emploi de ceux qui désirent servir au sein d'organisations non gouvernementales au travers du congé de solidarité internationale. Nous sommes en pleine discussion d'une loi de même nature concernant les sapeurs-pompiers volontaires.

Nul ne pourrait comprendre que les réservistes militaires ne bénéficient pas d'une protection au moins équivalente, eux qui sont au service de la Nation, d'autant plus que depuis de longues années déjà la Défense est la plus importante organisation humanitaire de la France...

Il convient donc de modifier le code du travail afin d'assurer leur protection contre tout licenciement, ou déclassement professionnel et toute sanction disciplinaire prenant sa source dans leur engagement dans la réserve.

C'est le sens des articles premier à 4 du présent texte.

Compte tenu des modifications intervenues ou en cours dans les systèmes sociaux, les réservistes craignent que leur engagement ne les conduise en définitive à être « maltraités pour cause de civisme ». Pour assurer le maintien de la couverture sociale des réservistes, il faut, comme cela a été fait pour les sapeurs-pompiers volontaires, prévoir le maintien de la rémunération du réserviste par son entreprise pendant ses périodes de réserve. Il n'est naturellement pas question d'imposer cette charge aux entreprises sans prévoir des contreparties pour celles qui les désirent. Par ailleurs, il est important que l'institution militaire tienne compte de la nécessaire bonne marche des entreprises publiques ou privées ou des administrations qui emploient des réservistes militaires. C'est la raison pour laquelle sont prévues des conventions entre les commandements locaux du ministère de la Défense et les entreprises pour que soient prises les dispositions permettant de ne pas entraver la marche des entreprises ou des administrations.

Une disposition particulière aux réservistes en chômage est proposée pour témoigner de la solidarité de la Nation à l'égard de ceux qui se sont engagés volontairement à servir la République et à conforter cet acte, facteur important d'insertion sociale même pendant les périodes difficiles de la vie des réservistes.

C'est dans le code du travail que doivent figurer ces dispositions.

Certains réservistes appelés à servir sur des théâtres d'opérations extérieures ou même employés sur le territoire national ont été victimes d'accidents interdisant leur retour dans leur emploi à l'issue de leur période. Ces cas ont été réglés individuellement, par prolongation de leur contrat militaire, jusqu'à guérison ou mise en invalidité. Il convient de légaliser cette pratique en la resituant dans le cadre de l'article L. 62 du code du service national.

Enfin, les réservistes sont de plus en plus sollicités pour intervenir dans le cadre d'actions effectuées hors du territoire national. Ils peuvent, malheureusement être faits prisonniers, pris en otage, ou être portés disparus. Il convient d'apporter aux familles de ces réservistes les garanties prévues à l'article L. 62 du code du service national.

Ces mesures doivent figurer dans le code du service national et font l'objet du chapitre II du titre I de la présente proposition.

Sur un autre plan, les militaires qui bénéficient d'une retraite proportionnelle peuvent être appelés à servir dans la réserve, en complément des forces d'active. Ces périodes peuvent être longues (jusqu'à deux cents jours dans une année) pour les réservistes spécialistes. Il paraît juste, dans ces conditions, de tenir compte de ces périodes dans le calcul de leur pension de retraite, même si elle a été liquidée précédemment.

Il est proposé de prendre une disposition dans le code des pensions civiles et militaires de retraite pour assurer cette mesure de justice. C'est l'objet du chapitre III du titre I de la proposition de loi.

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* *

D'une manière générale, la politique des réserves est liée, beaucoup plus que par le passé, à la volonté des entreprises installées sur notre sol de participer à la défense de la Nation. Ces entreprises que nous appellerons « entreprises de défense » doivent être correctement traitées par l'État et citées en exemple. C'est l'objet de ce deuxième titre de la présente proposition de loi.

Pour remplir les objectifs ainsi définis, il convient de garantir aux entreprises un règlement rapide des sommes contractualisées avec la défense dans le cadre des conventions armées-entreprises.

Pour ce faire, il est indispensable d'affranchir ce volet des règles de gestion habituelles du ministère de la défense. C'est la raison pour laquelle il est proposé la création d'un établissement public national chargé de compenser financièrement pour partie les charges des entreprises, à partir des crédits provenant des fonds destinés, de ceux destinés à rémunérer les réservistes mis en place à la demande des autres départements ou de collecter des contributions auprès des entreprises participant, par leurs personnels de réserves, à des opérations civilo-militaires.

Cette politique contractuelle entre la défense et le monde économique va entraîner l'émergence d'un réseau d'entreprises qui s'engagent volontairement dans la défense du pays par leur politique en faveur des réservistes. Cet « acte de civisme » doit être reconnu par l'État.

Même si de telles dispositions pouvaient relever du seul règlement, il paraît cependant important de bien montrer, par une intervention législative, qu'il s'agit d'une novation et non de la poursuite de politiques antérieures dans lesquelles l'entreprise n'intervenait pas en partenaire direct du dispositif de défense mais en tiers contraint.

Il est donc proposé par la loi de créer un « label » d'entreprises et de faire accéder leurs dirigeants au système de récompenses prévu pour leurs réservistes.

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PROPOSITION DE LOI

TITRE PREMIER

STATUT DU RÉSERVISTE MILITAIRE

CHAPITRE PREMIER

Protection de l'emploi des réservistes militaires.

Article premier.

Il est inséré dans le code du travail un article L. 122-21-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 122-21-1. - Aucun employeur ne peut résilier le contrat de travail d'un salarié ou d'un apprenti qui se trouve soumis aux dispositions de l'article L. 84 du code du service national pendant la durée d'une période de réserve. Toutefois, il peut résilier le contrat et sous réserve d'observer les dispositions de l'article L. 122-21-5, s'il justifie d'une faute grave de l'intéressé, non lié à ses obligations de réserviste ou s'il justifie de l'impossibilité où il se trouve de maintenir ledit contrat ».

Art. 2.

Il est inséré dans le code du travail un article L. 122-21-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 122-21-2. - La durée des périodes de réserve ne peut être - sauf demande expresse du salarié effectuée dans le cadre de l'article L. 84, alinéa 7 du code du service national - imputée sur celle des congés annuels ».

Art. 3.

Il est inséré dans le code du travail un article L. 122-21-3 ainsi rédigé :

«Art. L. 122-21-3. - À l'issue de la période de réserve ou à l'occasion de son interruption pour cause de force majeure non liée à la maladie ou à un accident en service, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente ».

Art. 4.

Il est inséré dans le code du travail un article L. 122-21-4 ainsi rédigé :

« Art. 122-21-4. - La résiliation du contrat de travail par l'employeur pour l'un des motifs prévus par l'article L. 122-21-1 ne peut prendre effet ou être signifiée pendant la période de réserve » .

Art. 5.

L'employeur public ou privé d'un réserviste militaire peut conclure avec le commandement local, une convention afin de préciser les modalités opérationnelles de la disponibilité des réservistes.

Cette convention veille notamment à s'assurer de la compatibilité de fonctionnement de l'entreprise ou du service public.

Cette convention prévoira pour les employeurs privés les contreparties apportées par le ministère de la défense pour que soit assuré le maintien de la rémunération et des couvertures légales conventionnelles ou en usage dans l'entreprise pendant les périodes.

En tout état de cause, les périodes sont considérées comme temps de travail effectif pour le calcul de tous les avantages liés à l'ancienneté et à la présence.

Art. 6.

L'employeur privé est subrogé, par sa demande de compensations financières, dans le droit du réserviste à percevoir la solde pendant ses périodes de réserves.

Art. 7.

Il est inséré dans le code du travail un article L. 351-25-1 ainsi rédigé :

«Art. L 351-21-1. - Les allocations du présent chapitre peuvent se cumuler avec la solde versée aux réservistes sélectionnés pendant la période de réserve. »

CHAPITRE II

Modifications au code du service national.

Art. 8.

Par dérogation aux dispositions de l'article L. 69 du code du service national, le contrat de tout réserviste victime d'un accident imputable au service survenu dans le cadre des activités prévues aux articles premier, 2 et 3 du chapitre premier du présent titre est prorogé, soit jusqu'à la reconnaissance, par le service de santé des armées, de l'aptitude du réserviste concerné à servir de nouveau dans les réserves, soit jusqu'à sa présentation devant une commission de réforme.

Une différentielle lui sera versée, si sa situation civile le justifie dans le cadre de l'article L. 62.

Art. 9.

Le second alinéa de l'article L. 85 du code du service national est rédigé comme suit :

« Les dispositions du second alinéa de l'article L. 62 leur sont applicables, même en cas de disparition, d'enlèvement ou s'ils sont faits prisonniers au cours de l'exécution d'une période. »

CHAPITRE III

Modification au code des pensions civiles et militaires de retraite. Situation des réservistes pensionnés n'ayant pas atteint le plafond des cotisations.

Art. 10.

Dans le deuxième alinéa de l'article L. 80 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les mots : « périodes d'exercices et 84 (4 e alinéa) » sont remplacés par les mots : « périodes et 84 (3 e alinéa et 6 e alinéa) ».

TITRE II

MESURES EN FAVEUR DES ENTREPRISES

QUI EMPLOIENT DES RÉSERVISTES MILITAIRES

CHAPITRE PREMIER

Organisation d'une structure destinée à gérer le fonds permettant de financer les conventions Défense - Structures civiles d'emploi des réservistes.

Art. 11.

L'Agence nationale de coopération pour les réserves (ANCRE) est un établissement public national. Elle est placée sous l'autorité du Premier ministre.

Art. 12.

L'Agence nationale de coopération pour les réserves a pour missions :

- d'appeler, en tant que de besoin, auprès des différents départements ministériels concernés, les participations financières destinées à compenser les salaires et revenus versés aux réservistes pour les périodes d'emploi effectuées à leur profit ;

- de gérer les conventions armées-entreprises intervenues et d'exécuter leur volet financier ;

- enfin, de recueillir les dons des entreprises à destination de l'institution réserve dans le cadre des dispositions légales relatives au mécénat qui permettent leur détaxation.

Art. 13.

L'Agence nationale de coopération pour les réserves est administrée par un conseil d'administration qui comprend, en nombre égal :

- des représentants de l'État ;

- des représentants des organisations d'employeurs les plus représentatives au niveau national ;

- des représentants des associations de réservistes les plus représentatives au niveau national.

Il comprend également des personnes qualifiées. Le directeur est nommé en Conseil des ministres.

CHAPITRE II

Reconnaissances et récompenses.

Art. 14.

Les entreprises privées qui concluent une convention pour l'emploi des réservistes militaires, désignées sous le terme « d'entreprises de défense » sont labellisées dans des conditions fixées par arrêté interministériel.

Les chefs d'entreprises appartenant à ce réseau peuvent être proposés par arrêté ministériel dans les mêmes ordres que les réservistes ou se voir attribuer les mêmes décorations.

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