EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Alors que les transports publics et ferroviaires constituent un levier essentiel pour garantir le droit à la mobilité, pour désenclaver nos territoires et pour permettre la décarbonation des mobilités, ils font aujourd'hui face à des obstacles que seule une « nouvelle donne » des transports peut surmonter. Cette « nouvelle donne » passe par le déploiement d'un certain nombre de leviers, dont celui de la tarification.

À l'instar de l'Autriche et de l'Allemagne, l'instauration d'un ticket climat permettrait de déclencher une dynamique vertueuse pour le développement des transports publics et ferroviaires en France, contribuant à lever les freins liés aux politiques de tarification actuelles, et le cas échéant, à faciliter le report modal vers le rail.

À ce jour, l'attractivité des transports publics et ferroviaires souffre en effet d'une tarification opaque, car complexe et onéreuse. D'une part, bien que la politique de fixation des prix ait vocation à s'adapter aux besoins protéiformes, elle reste peu lisible, en particulier pour les usagères et usagers occasionnels. D'autre part, l'utilisation des transports publics et ferroviaires sans abonnement est souvent onéreuse. Enfin, la tarification varie d'une région à l'autre, en particulier depuis que chaque autorité organisatrice de la mobilité (AOM) possède la liberté de fixer le prix des billets TER sur son territoire. Cela ajoute encore de la complexité à la tarification des transports publics et ferroviaires et réduit la visibilité sur les coûts des déplacements malgré l'existence d'accords tarifaires entre régions.

En raison de ces défauts structurels, les transports publics demeurent trop souvent peu attractifs et leur potentiel énorme pour désenclaver les territoires et pour garantir le droit à la mobilité s'avère largement inutilisé. Sont particulièrement pénalisées les zones peu denses où le manque d'investissement contraint à la fermeture de haltes ferroviaires et de lignes de desserte fine du territoire, renforçant le manque d'équité territoriale.

La mise en place d'un ticket climat permettrait de rendre l'utilisation des transports publics et ferroviaires simple, attractive, plus accessible, en améliorant la transparence et en adaptant la tarification. Cette solution de tarification unique, intégrée et inclusive, serait axée sur l'intermodalité (incluant notamment les transports publics ferroviaires et urbains, les cars interurbains et les services de location de vélos), couvrant l'ensemble du territoire, incluant tant les zones rurales que périurbaines ou urbaines, à un prix abordable.

Un tel dispositif lèvera un obstacle majeur au développement des transports publics et ferroviaires et permettra d'enclencher une dynamique vertueuse. En effet, cette amélioration de l'attractivité constitue l'un des leviers permettant la hausse de la fréquentation, et, le cas échéant, la croissance de l'offre, qui peut, à son tour, dynamiser la régénération et la modernisation des infrastructures et du matériel roulant, qui ont été gravement négligés et souffrent des décennies de sous-investissement chronique, dégradant la qualité du service. Grâce à cet effet de synergie, les transports publics deviendraient plus attractifs, permettant, par ricochet, d'accélérer le report modal.

Toutefois, un ticket climat ne pourra à lui seul déclencher ce report modal tant escompté de la route vers le rail et ne devrait, en aucun cas, servir de prétexte pour diminuer les moyens du secteur ferroviaire. Au contraire, il devrait aller de pair avec des investissements nécessaires à la rénovation du réseau et une hausse conséquente de l'offre de transports publics.

D'une part, il convient d'éviter que la hausse de la demande mène à une saturation des réseaux, à l'instar de ce qu'il s'est passé en Allemagne pendant l'expérimentation du ticket à neuf euros pendant trois mois. D'autre part, des investissements supplémentaires sont nécessaires vu qu'aujourd'hui, ceux-ci sont freinés par un cadre financier contraint pour SNCF Réseau et pour les opérateurs de transports publics urbains, ayant pour conséquence que les autorités organisatrices de la mobilité ne peuvent répondre, avec leurs ressources actuelles, à l'ensemble des dépenses d'investissement et de fonctionnement requises.

Dans la prolongation de la réflexion sur l'uniformisation des systèmes d'interopérabilité, d'information et de billettique multimodaux entre les territoires et les opérateurs de transports, entamée pour la mise en place des Services Express Régionaux Métropolitains (SERM), le ticket climat permettra de développer l'intermodalité dont le ferroviaire serait la colonne vertébrale.

L'instauration pérenne d'un ticket climat ne sera aussi possible qu'avec l'adhésion de tous les acteurs, qu'il s'agisse des collectivités, des opérateurs ou des usagers. Le déploiement, la définition de son périmètre, le mode de gouvernance, la question de l'interopérabilité et ses modes de financement, devraient se faire main dans la main avec l'ensemble de ces acteurs dans une démarche de concertation, assurant une visibilité suffisante quant à la gouvernance et aux moyens qui lui seront consacrés. Ceci, à l'instar de la conférence nationale de financement des Services express régionaux métropolitains (SERM), destinée à débattre des solutions à mettre en oeuvre pour assurer un financement pérenne des dépenses d'investissement et de fonctionnement.

Or, sans visibilité sur les recettes nouvelles qui pourront leur permettre de le financer, les collectivités territoriales ne pourront pas adhérer pleinement à ce dispositif. La question du financement doit donc être anticipée en amont. Pour réussir la transition en faveur des mobilités décarbonées dans les territoires, il est nécessaire de donner aux collectivités territoriales compétentes la possibilité de mobiliser de nouvelles ressources fiscales et d'identifier des financements pérennes, provenant notamment des secteurs les plus polluants, comme la réaffectation des revenus des concessions autoroutières, la mise en place d'une redevance poids lourds et la taxation du secteur aérien.

La hausse des recettes permettra également d'investir dans nos réseaux. De tels investissements sont urgents, car seul un changement de braquet permettra d'éviter un déclin inexorable de la performance du réseau ferroviaire et une dégradation sensible de la qualité du service des autres offres. Ces hausses des recettes sont indispensables puisque non seulement le contrat de performance reste insuffisant, mais la réalisation du plan d'investissement des infrastructures de transports, à hauteur de 100 milliards d'euros d'ici à 2040, est encore attendue, fragile et imprécise.

L'accord entre les régions et l'État sur la mise en place d'un « pass rail » permettant aux jeunes de moins de 27 ans d'utiliser les TER et Intercités, excepté en Île-de-France, pendant la période estivale, est un premier pas certes significatif, mais encore limité. Il ouvre le chemin vers l'introduction d'un abonnement à un prix abordable, couvrant l'ensemble du territoire et accessible à toute personne. Cette avancée montre qu'il est possible de s'accorder entre les régions AOM et l'État. Poursuivre vers un ticket climat global intégrant l'ensemble du territoire et les transports urbains nécessitera une large et solide concertation avec l'ensemble des parties prenantes.

Une réflexion devrait être engagée, à terme, sur les possibilités d'élargissement du dispositif aux interconnexions européennes, afin de favoriser l'interopérabilité européenne des infrastructures de transport et des systèmes de billettique et permettre son intégration dans une offre européenne globale, solidement maillée, dans la continuité de la dynamique prometteuse dont témoigne déjà l'adhésion d'un certain nombre de nos voisins européens.

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