EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

À la suite des opérations militaires engagées par l'Azerbaïdjan au Haut-Karabagh, du 27 septembre au 10 novembre 2020 puis les 19 et 20 septembre 2023, qui ont finalement débouché sur l'annexion par l'Azerbaïdjan de ce territoire et par la fuite vers l'Arménie, à l'automne 2023, d'une centaine de milliers d'Arméniens qui y vivaient, le Sénat a adopté à trois reprises1(*) des résolutions, en application de l'article 34-1 de la Constitution.

Dans sa dernière résolution, en date du 17 janvier 2024, le Sénat réaffirmait l'inviolabilité de l'intégrité territoriale de l'Arménie et demandait le retrait immédiat et inconditionnel, sur leurs positions initiales, des forces azerbaïdjanaises et de leurs alliés du territoire souverain de l'Arménie. Il soulignait également que l'Arménie avait le droit de défendre son intégrité territoriale et de disposer des moyens d'assurer sa sécurité, y compris par la voie militaire. Il soutenait enfin « toute initiative visant à défendre au niveau de l'Union européenne le recours à la Facilité européenne pour la paix (FEP) en faveur de l'Arménie ».

À l'initiative du Sénat, lors de sa LXXIe réunion des 24-26 mars 2024, la Conférence des organes parlementaires spécialisés dans les affaires de l'Union européenne (COSAC) a exprimé son soutien inébranlable à l'indépendance, à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de l'Arménie.

L'Union européenne s'est engagée fortement en faveur d'une paix juste et durable au Caucase et elle a mis en place en 2023 une mission civile en Arménie, dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC)2(*).

Il apparaît néanmoins nécessaire d'aller au-delà, compte tenu des nombreuses menaces qui pèsent sur l'Arménie, avec laquelle l'Union européenne dispose d'un accord de partenariat global et renforcé, entré en vigueur le 1er mars 2021.

Ces menaces émanent bien sûr toujours de l'Azerbaïdjan, mais aussi de la Turquie, qui ont des vues hégémoniques sur le Caucase du Sud. Les autorités de l'Azerbaïdjan tiennent en outre des propos agressifs vis-à-vis de l'Union européenne et de certains États membres, au premier rang desquels la France, contestant de plus ouvertement les valeurs de démocratie, d'État de droit et de droits de l'homme. Cette situation a d'ailleurs conduit le Bureau du Sénat à prendre des mesures restreignant les activités du groupe interparlementaire d'amitié avec l'Azerbaïdjan3(*), et l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe à suspendre la participation de la délégation parlementaire de l'Azerbaïdjan à ses travaux4(*).

Les menaces à l'encontre de l'Arménie émanent également désormais, et de plus en plus fortement, de la Fédération de Russie, qui voit d'un très mauvais oeil le rapprochement en cours entre l'Arménie et l'Union européenne, alors que des responsables politiques arméniens de premier rang évoquent désormais ouvertement la possibilité que leur pays formule une demande d'adhésion à l'Union européenne.

Dans ce contexte, il apparaît désormais nécessaire que l'Arménie puisse bénéficier d'une mesure d'assistance relevant de la facilité européenne pour la paix.

Établie en 20215(*), cette facilité vise à permettre le financement, par les États membres de l'Union européenne, d'actions de l'Union européenne au titre de la politique étrangère et de sécurité commune destinées à préserver la paix, prévenir les conflits et renforcer la sécurité internationale.

Dès le mois d'octobre 2023, la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, alors Mme Catherine Colonna, avait écrit à M. Josep Borrell, haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, afin de lui demander d'intégrer l'Arménie dans le champ des bénéficiaires de la facilité européenne pour la paix.

La France a en outre pris directement sa part en acceptant de livrer à l'Arménie des matériels militaires pour qu'elle puisse assurer sa défense.

La demande formulée par le Gouvernement français auprès de M. Borrell n'a pas abouti à ce stade, même si des discussions sont aujourd'hui en cours au Conseil de l'Union européenne. Lors de sa réunion du 13 novembre 2023, le Conseil des affaires étrangères est en effet convenu d'étudier la possibilité d'apporter un soutien non létal à l'Arménie au titre de la facilité européenne pour la paix et de renforcer la mission de l'Union européenne dans le pays, afin que le nombre d'observateurs et de patrouilles puisse augmenter, y compris dans des zones sensibles.

La présente proposition de résolution européenne entend donc réaffirmer, dans le contexte des négociations engagées au Conseil, la position adoptée sur ce point par le Sénat le 17 janvier 2024, afin que l'Arménie puisse bénéficier rapidement d'une mesure d'assistance au titre de la facilité européenne pour la paix.

* 1 Résolutions du Sénat n° 26 (2020-2021), du 25 novembre 2020, portant sur la nécessité de reconnaître la République du Haut-Karabagh, n° 19 (2022-2023), du 15 novembre 2022, visant à appliquer des sanctions à l'encontre de l'Azerbaïdjan et exiger son retrait immédiat du territoire arménien, à faire respecter l'accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020, et favoriser toute initiative visant à établir une paix durable entre les deux pays, et n° 50 (2023-2024), du 17 janvier 2024, visant à condamner l'offensive militaire de l'Azerbaïdjan au Haut-Karabagh et à prévenir toute autre tentative d'agression et de violation de l'intégrité territoriale de la République d'Arménie, appelant à des sanctions envers l'Azerbaïdjan et demandant la garantie du droit au retour des populations arméniennes au Haut-Karabagh.

* 2 Décision (PESC) 2023/162 du Conseil du 23 janvier 2023 relative à une mission de l'Union européenne en Arménie (EUMA).

* 3 Lors de sa réunion du 14 décembre 2023, le Bureau du Sénat a décidé de restreindre les activités des groupes interparlementaires d'amitié avec la Russie et la Syrie ainsi qu'avec l'Azerbaïdjan, au sein du groupe régional « France-Caucase », aux seules auditions de chercheurs, de journalistes ou d'opposants, les liens avec les ambassades, les homologues parlementaires et les autorités de ces pays étant gelés.

* 4 Résolution 2527 (2024) sur la contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de l'Azerbaïdjan, adoptée par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe le 24 janvier 2024.

* 5 Décision (PESC) 2021/509 du Conseil du 22 mars 2021 établissant une facilité européenne pour la paix, et abrogeant la décision (PESC) 2015/528.

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