EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le tunnel routier de Tende, reliant le département des Alpes-Maritimes et la province piémontaise de Cuneo (3 200 mètres, dont 48 % du linéaire en France), est un ouvrage ancien à voie unique dont les conditions de sécurité et d'exploitation se sont fortement dégradées dans le temps.

Dès 1993, la France et l'Italie ont convenu de l'intérêt de négocier un accord portant notamment sur la reconstruction de ce tunnel afin d'assurer la continuité de la liaison régionale empruntant les vallées de la Roya et de la Vermenagna.

Une Commission Intergouvernementale (CIG) pour l'amélioration des liaisons franco-italiennes dans les Alpes du Sud a été instituée à cet effet. Elle a pour mission, concernant le volet routier, de conduire les études et les travaux pour la mise en oeuvre des solutions de réaménagement ou de reconstruction du tunnel routier de Tende.

Le projet comprend le percement et l'aménagement d'un tube neuf de 3 250 mètres de longueur, dont 1 515 côté français, ainsi que le réalésage et le réaménagement du tube existant.

Ce tunnel bénéficie d'un statut spécifique entre les états français et italien et est cofinancé par ces deux mêmes états, avec une clé de financement de 41,65 % pour la France et 58,35 % pour l'Italie.

La part hexagonale est partagée en trois tiers égaux entre l'État, la région Sud Provence-Alpes-Côte d'Azur et le département des Alpes-Maritimes.

Ce projet historique est piloté par l'État italien et l'ANAS en est le maître d'ouvrage. Le doublement du plus vieux tunnel d'Europe, datant de 1882, a été réfléchi dès 1993 entre les deux états et a été lancé en 2007. En 2024, le nouveau tube n'est toujours pas finalisé et l'ancien n'est toujours pas réhabilité, alors que les coûts ont largement dépassé les prévisions d'origine.

On constate une explosion du budget des travaux, qui est passé de 150 millions à plus de 250 millions d'euros.

Le doublement du vieux tunnel de Tende a déjà dû être arrêté en 2017 par un scandale de vol de matériaux et de fraude.

En 2018, l'ANAS, qui était chargé des travaux, a résilié le contrat avec l'entreprise FINCOSIT et confié, le 26 mai 2020, les travaux au consortium EDILMACO.

La lumière est enfin revenue le 3 novembre 2021, quand ce consortium turinois EDILMACO et l'ANAS, gestionnaires des routes italiennes, ont repris les travaux.

Malheureusement, aux retards de chantiers et problèmes judiciaires successifs s'est ajoutée la tempête Alex du 2 et 3 octobre 2020 qui a emporté les différents accès aux travaux envisagés dans les tunnels.

Ce drame a fait de nombreuses victimes, créant un enclavement transfrontalier extrêmement préjudiciable et une situation véritablement critique d'un point de vue économique et social.

La tempête a ainsi infligé de sévères dommages au chantier du tunnel de Tende, en particulier sur le versant français, où la plateforme et les deux ponts d'accès ont été emportés par un glissement de terrain. Ces contraintes ont nécessité une remise en état des accès aux tubes du tunnel et une adaptation du projet qui ont inévitablement entraîné des délais et contraint à envisager des coûts supplémentaires.

Lors de son déplacement dans les Alpes-Maritimes le 10 janvier 2022, le président de la République a annoncé que « le tunnel qui permet de relier Tende à Limone en Italie mais également de désenclaver les communes de la vallée de la Roya serait de nouveau en service en 2023, s'agissant d'un sujet européen, avec la présidence de l'Union européenne, on peut avoir un accord tout de suite ».

Deux ans plus tard, on note des reports qui s'accumulent, au grand désarroi des habitants et des pouvoirs publics. Après avoir été maintes fois repoussée, la fin des travaux du tunnel de Tende devrait encore prendre du retard.

La réouverture du nouveau tunnel était attendue en octobre 2023, puis a été reportée en juin 2024, et serait de nouveau prolongée au-delà de l'été 2024, sans date précise annoncée.

Aussi, alors qu'elle participe tout de même à près de 42 % du financement de ce tunnel et que cette liaison routière franco-italienne par le tunnel du Col de Tende est vitale, la France a-t-elle été flouée dans cette opération ?

Aujourd'hui, le projet a quasiment doublé sur le plan financier tout en étant, à l'heure actuelle, divisé par deux pour le volet routier.

De fait, l'investissement de départ était de plus de 150 millions d'euros pour la totalité des opérations, on arrive aujourd'hui à une enveloppe de plus de 250 millions d'euros.

Au regard de l'engagement financier important de l'État et des collectivités territoriales, des retards successifs et de l'opacité régulière qui entoure ce projet, il est plus que nécessaire d'exercer un contrôle politique sur l'utilisation des deniers publics des contribuables français pour un chantier sans fin, qui s'assimile de plus en plus à un puits sans fond.

Une commission d'enquête s'impose donc aujourd'hui pour répondre de manière précise à cette question, surtout dans le contexte budgétaire dégradé dans lequel l'État se trouve aujourd'hui. Elle permettra d'examiner avec réalisme si l'utilisation des fonds alloués a été diligente et conforme au résultat attendu.

C'est pourquoi je vous propose d'adopter la présente proposition de résolution.

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