EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les statistiques de l'état civil de l'Institut national de la statistique et des études économiques (dite Insee), publiées le 4 janvier 2024, confirment un effondrement de la natalité française. Après l'année 2022, l'année 2023 a décroché, de loin, le record du plus faible taux de naissances en France depuis 1946. Rien qu'en un an, on enregistre un recul de 6,8 %, soit 45 000 naissances de moins.

Cette baisse n'est pourtant pas une fatalité, puisqu'entre 1994 et 2010, le taux de fécondité est passé de 1,7 à 2,03 enfants par femme, malgré la contraception, l'avortement, etc.

La France, qui a longtemps été une exception en Europe, rejoint l'hiver démographique dans lequel sont plongés ses voisins. Avec le vieillissement massif de sa population, le solde naturel entre naissances et décès n'a jamais été aussi bas depuis la Seconde Guerre mondiale et s'approche progressivement du « Zéro Accouchement Net ».

Pourtant, selon une étude Kantar pour l'Union nationale des associations familiales (dite Unaf) le désir d'enfant par femme est resté stable sur les dernières décennies à 2,3 enfants par femme, alors que l'indicateur conjoncturel de fécondité est descendu à 1,69 enfant par femme. La tendance montre donc que les femmes renoncent à être mère ou à donner la vie. Quelles en sont les raisons ? Pourquoi n'est-on pas en mesure d'offrir aux femmes françaises la chance de pouvoir épanouir leur projet de maternité ?

Cependant, les réalités de la dénatalité divergent en fonction des origines. Malgré une baisse globale de la natalité, on remarque des « dynamiques de fécondité contradictoires sur notre sol » comme le précise Olivier Monti, cofondateur de l'Observatoire de l'immigration et de la démographie (dit OID). Pour Michèle Tribalat, démographe française et chercheuse à l'Institut national d'études démographiques (dit INED), les naissances de bébés issus d'au moins un parent né à l'étranger ont augmenté de 25 % entre 2000 et 2022. La natalité est donc portée par l'immigration. Le croisement des courbes des naissances, « natives » d'une part et d'origine étrangère d'autre part, cause un changement de population en France. En effet, selon une étude de l'INSEE en 2022, en France, 29,6 % des 0-4 ans sont d'origine extra-européenne sur trois générations contre 3,1 % des personnes âgées de plus de 80 ans. Ce remplacement demeure un impensé politique inversement proportionnel aux enjeux majeurs qu'il implique, d'autant que 69 % des Français estiment qu'il ne faut pas favoriser l'immigration pour assurer l'avenir démographique du pays (Sondage CSA du 18 janvier 2024).

L'autre sujet législatif majeur de l'année 2023, concernant la viabilité de notre système de retraites, a révélé l'importance de la donnée démographique. Parler de l'équilibre des comptes sociaux, c'était à la fois remettre sur la table la notion de responsabilité collective mais également parler d'avenir. Y aura-t-il, demain, assez d'actifs pour payer les pensions de retraite du nombre croissant de retraités ? Y aura-t-il assez d'actifs pour assurer les services à la personne et « bâtir une société du bien vieillir » voulue par le gouvernement ?

En 1948, 50 % des prestations sociales étaient liées à la famille alors qu'aujourd'hui leur part est de 7 à 8 %, contre 80 % consacrées aux plus de 60 ans. La politique familiale de l'État n'est plus à la hauteur. Pourtant, cette politique était un impératif dont la préservation faisait l'unanimité dans le paysage politique français, jusqu'en 2012, tous bords politiques confondus. L'alternance socialiste l'a brisée pour effectuer des économies de bouts de chandelles, sans aucune vision de long cours. En 2013, la baisse du quotient familial a entraîné une hausse d'impôt pour au moins 1,3 million de ménages. Elle a été suivie, en 2014, par la fin de l'universalité des allocations familiales, qui devenaient modulables en fonction des revenus. Une économiste anglaise, de la Banque mondiale a montré la corrélation entre ces réformes et une rupture brutale et durable du taux de fécondité à partir de 2014. Malgré cela, les économies générées n'ont pas résolu le problème du manque d'infrastructures pour la garde d'enfants dans le pays. L'indifférence des responsables politiques pour les 19 millions de familles françaises se ressent notamment dans la composition des derniers gouvernements, qui ne comportent ni ministère, ni ministère délégué, ni secrétariat d'État, à la Famille.

Ce rabotage budgétaire et politique à l'encontre des familles se joint, plus largement, à une conjoncture économique tendue et à un manque de moyens financiers, des parents ou futurs parents, dû au chômage ou à l'inflation. Par exemple : sur le plan du logement, entre 2019 et 2022, le pouvoir d'achat immobilier d'un ménage est passé de 86 à 80 m². De plus, en 2010, un sondage de l'Institut français d'opinion publique (dit Ifop), révélait que « la raison principale conduisant les femmes à recourir à l'avortement » était, pour 47 % d'entre-elles, la « situation matérielle ». La prospérité est un préalable au désir de fonder une famille. Cependant le facteur économique ne suffit pas à expliquer ce phénomène de dénatalité, étant donné que les pays pauvres ont un fort taux de natalité.

Les facteurs sociétaux de nos pays ont également une responsabilité dans la dynamique de dénatalité. Un autre sondage de l'Ifop, en 2022, révèle que 30 % des femmes en âge de procréer déclarent ne pas vouloir d'enfants. L'éco-anxiété entretenue par les adeptes de la décroissance crée un climat d'incertitude. On pense à l'avenir de l'environnement sans penser à l'avenir de l'environné : l'être humain au centre de cet écosystème. La perte de sens et le manque de confiance dans l'avenir donnent pignon sur rue aux discours malthusianistes. Ils s'incarnent dans un système de valeurs prônées par les sphères médiatiques et culturelles, mais également dans une fuite en avant législative vers un recours immodéré à l'avortement, qui atteint des records, sans aucun souci de prévention.

Par conséquent, les parlementaires doivent se saisir de cette question de l'effondrement démographique en mettant tous les sujets sur la table : notamment l'impact de l'insécurité, les causes de l'infertilité, mais également toute autre réalité attenante à la question de la maternité. Les élus nationaux sont responsables du renouvellement des générations, ainsi que de la pérennité et de la survie de leur pays. Si la France est une grande oeuvre, ils se doivent non seulement de la perpétuer, mais également de la faire progresser.

Une puissance politique c'est une économie. Une économie multiplie par son nombre d'habitants : sa richesse, son innovation, sa dynamique de croissance, son rayonnement international, sa solidarité, etc. Si le nombre d'habitants stagne, le pays ne progresse pas. Une puissance c'est donc sa démographie.

La création d'une commission d'enquête, dotée de pouvoirs de citation directe et d'investigation sur pièces et sur places, permettra de poser le constat le plus approfondi de la situation, afin de proposer les solutions justes, pour une politique familiale ambitieuse et adaptée aux enjeux de notre temps, en tenant compte du fait que la démographie fait l'histoire et que le nombre fait la loi.

De même que des constats scientifiques ont entraîné une transition écologique pour laquelle on débloque beaucoup d'argent, on doit être en mesure de comprendre et d'accompagner les familles vers une transition démographique. Trop de familles sont condamnées à la survie. L'État doit permettre aux parents de choisir librement le nombre de leurs enfants, tout en vivant dignement. Donner la vie est une chance pour les femmes, une chance pour les familles et une chance pour la France, qui est la famille des familles françaises.

C'est pourquoi, cette proposition de résolution tend à la création d'une commission d'enquête sur les réalités, les causes et les conséquences de la dénatalité en France.

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