EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Nos territoires sont en mal de liberté.

Pour qui va à la rencontre de nos concitoyens, c'est une évidence : les bonnes volontés existent, les initiatives locales fleurissent, les élus locaux emploient leur énergie au service de leur territoire. Pourtant, à l'enthousiasme de l'élection succède souvent la fatigue du mandat et à l'allégresse de la conception des projets la lassitude de ne pouvoir les mener à bien, malgré la volonté et le temps consacré.

La raison en est simple : le sentiment - largement partagé - de libertés locales atrophiées. Partout, sur le territoire de la République, des élus locaux dévoués à leurs concitoyens et investis pour le développement de leur territoire voient leurs initiatives entravées.

Cette amputation du pouvoir d'agir des élus locaux nous place à l'aube d'une crise de la démocratie locale sans précédent. Signe annonciateur de cette crise qui vient et que nous devons conjurer, le nombre de démissions apparaît aujourd'hui en forte hausse : en avril 2023, 1 293 maires avaient démissionné depuis le renouvellement général des conseils municipaux du 28 juin 2020, ce qui représente environ 3,7 % des maires, laissant craindre une crise de l'engagement pour le prochain renouvellement général de 2026.

Face à cette situation, c'est donc avant toute chose un renforcement de l'efficacité de l'action publique locale qui doit être recherché. Nos concitoyens attendent de voir les responsables locaux qu'ils ont élus à l'oeuvre, disposant des moyens de leurs missions et capables de faire évoluer leur quotidien. Renforcer l'action publique locale, c'est redonner à nos concitoyens foi en la démocratie locale - et plus largement en la politique.

Si les collectivités territoriales ne souhaitent ni big bang ni grand soir, un consensus se dégage quant aux effets négatifs de la recentralisation rampante que connaît notre pays, 40 ans après les premières lois de décentralisation, et qu'il convient, sans plus attendre, d'enrayer.

Telle est l'ambition des 15 propositions du Sénat pour rendre aux élus locaux leur « pouvoir d'agir »1(*), présentées le 6 juillet dernier à la suite du rapport de François-Noël Buffet, rapporteur général, Mathieu Darnaud, Françoise Gatel, Jean-François Husson, co-rapporteurs du groupe de travail présidé par le Président du Sénat, Gérard Larcher.

Nécessitant pour certaines des modifications constitutionnelles, organiques ou de la loi ordinaire, ces propositions doivent pouvoir trouver désormais une application concrète. À cette fin, le rapporteur général et les co-rapporteurs du groupe de travail ont souhaité déposer trois propositions de loi destinées à apporter à notre législation les aménagements nécessaires pour retrouver la voie d'une décentralisation effective, au plus près des territoires et de leurs besoins.

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La présente proposition de loi tend à traduire les préconisations du groupe du travail qui relèvent de la loi ordinaire, certaines d'entre elles figurant déjà dans la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, déposée par François-Noël Buffet, Françoise Gatel, Mathieu Darnaud, Maryse Carrère, Bruno Retailleau, Hervé Marseille et Jean-Claude Requier, adoptée à l'unanimité par le Sénat le 10 octobre 20232(*).

Le titre Ier vise à rendre aux élus locaux des marges de manoeuvre dans des champs d'action où une action de proximité est indispensable pour garantir l'efficacité des politiques publiques.

Le chapitre Ier tend prioritairement à redonner des marges de manoeuvre aux élus locaux dans le domaine du logement.

À cet effet, l'article 1er a pour ambition de territorialiser la politique du logement afin de mieux l'adapter aux réalités locales et aux besoins des ménages, à travers trois leviers. Il propose en premier lieu aux EPCI à fiscalité propre compétents en matière d'urbanisme et de logement volontaires de conclure des pactes territoriaux avec l'État pour adapter les règles relatives à l'habitat et au logement fixées par la loi ou le règlement aux circonstances locales. Il vise ensuite à permettre aux mêmes EPCI volontaires de conclure des conventions avec l'État afin de réviser le zonage des dispositifs « Pinel » et prêts à taux zéro. Il permet enfin aux mêmes EPCI de conclure des conventions territoriales de coopération avec les bailleurs sociaux, notamment pour développer l'offre de logement social ou favoriser les projets d'amélioration du parc social.

L'article 2 vise quant à lui à généraliser le dispositif « Pinel » aujourd'hui applicable à titre expérimental en Bretagne, pour permettre la détermination des zones éligibles à la réduction d'impôt par le préfet de région, après avis du comité régional de l'habitat et de l'hébergement.

Dans la même optique de territorialisation, l'article 3 propose de confier l'octroi de l'aide « MaPrimeRénov' » au représentant de l'État dans le département, après avis de l'Agence nationale de l'habitat, plutôt qu'à cette dernière.

L'article 4 a pour objet de permettre aux autorités organisatrices de l'habitat des collectivités ultramarines d'adapter les critères de l'habitat insalubre et indécent, aujourd'hui fixés par le pouvoir réglementaire national, aux spécificités de leurs territoires, notamment en termes de climat.

Dans un contexte de crise du logement, l'article 5 vise à soutenir les maires bâtisseurs et à les inciter à délivrer des permis de construire, à travers une compensation intégrale et pérenne de l'exonération de taxe foncière dont bénéficient les bailleurs sociaux.

Enfin, face aux multiples tensions sur le marché locatif, l'article 6 tend à offrir aux communes la possibilité de mieux réguler les locations « Airbnb », en leur permettant d'abaisser le plafond de jours de location fixé actuellement à 120 jours par an et de limiter le nombre de jours de location durant certaines périodes de l'année en définissant des contingents de nuitées. Toujours dans cette optique et afin de renforcer l'information des maires sur le nombre d'appartements loués via « Airbnb », l'article 7 permet aux communes de rendre obligatoire l'enregistrement des meublés de tourisme en location. Enfin, l'article 8 autorise les communes à interdire la location pour le tourisme des passoires énergétiques, comme c'est déjà le cas pour les locations classiques.

Le chapitre II a pour objet de renforcer les capacités décisionnelles des élus locaux en matière d'urbanisme.

Dans cette optique, pour simplifier les règles en matière d'urbanisme et redonner des marges d'appréciation aux collectivités territoriales, l'article 9 vise à permettre aux maires et présidents d'EPCI à fiscalité propre de définir au sein du règlement du plan local d'urbanisme, à titre supplétif, les caractéristiques des constructions dispensées de toute formalité au titre du code de l'urbanisme en raison de leur nature ou de leur faible importance, actuellement fixées par un décret en Conseil d'État. Les dispositions réglementaires nationales continueraient cependant de s'appliquer en l'absence de décision des communes et des EPCI.

Dans un objectif de simplification des règles en matière d'urbanisme commercial et d'accélération de l'implantation de commerces, l'article 10, qui élargit une expérimentation introduite par la loi dite « 3DS », a pour objet de permettre à toutes les intercommunalités ayant défini un document d'aménagement artisanal et commercial dans un schéma de cohérence territoriale ou dans un plan local d'urbanisme intercommunal d'exonérer certains projets d'une autorisation de la commission départementale d'aménagement commercial sur tout ou partie de leur territoire.

Le chapitre III vise à assouplir les conditions de mise en oeuvre des zones à faibles émissions.

Ainsi, l'article 11 vise à rendre le calendrier d'entrée en vigueur des restrictions de circulation dans les zones à faibles émissions plus réaliste, à travers trois leviers. Premièrement, il permet de renforcer la progressivité des interdictions de circulation dans les ZFE-m rendues obligatoires par la « LOM » en repoussant au plus tard à 2030 l'entrée en vigueur des restrictions prévues par la loi « Climat et résilience » pour les véhicules légers classés Crit'air 3. Deuxièmement, il fixe au 1er janvier 2030 la date butoir de création d'une ZFE-m dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants, en leur laissant la possibilité de recourir à des solutions alternatives plus efficaces et plus rapides, le cas échéant. Enfin, dans l'ensemble des ZFE-m rendues obligatoires par la loi, il prévoit d'autoriser la circulation des véhicules Crit'air 2 pour les véhicules lourds jusqu'à 2030, compte tenu de l'absence à ce jour d'alternative viable et accessible aux véhicules thermiques pour ce segment de flotte.

Le chapitre IV tend ensuite à redonner des capacités d'actions aux élus locaux dans le domaine médico-social.

Pour ce faire, l'article 12 a pour objet de permettre aux départements d'adapter les obligations de surface et d'équipement qui s'appliquent aux structures d'hébergement des services de l'aide sociale à l'enfance aux installations et aux équipements existants.

Enfin, le chapitre V ambitionne de rendre des marges de manoeuvre aux maires en matière de démocratie locale.

Pour donner davantage de liberté aux collectivités dans l'organisation des instances visant à promouvoir la démocratie locale, l'article 13 propose ainsi de leur permettre de fixer elles-mêmes la composition et les règles de fonctionnement des commissions consultatives des services publics locaux. Le fonctionnement de ces commissions est actuellement régi par des règles nationales, alors qu'il devrait être organisé au niveau local, en fonction des besoins du territoire.

Enfin, l'article 14 vise à assouplir les modalités d'organisation des référendums locaux en permettant aux collectivités d'organiser des consultations sur toute question relevant de leur compétence ainsi que des votes préférentiels.

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Le titre II entend promouvoir une coopération locale choisie pour mener des projets adaptés aux spécificités des territoires.

L'article 15 vise ainsi à permettre aux communes de voir leurs compétences restituées par leur établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre de rattachement. Afin de prévenir tout risque de « détricotage » et de circonscrire la portée de cette mesure au règlement de situations dans lesquelles il apparaît manifeste aux acteurs locaux que la répartition des compétences décidée par le législateur est inadaptée au territoire, cette restitution ne pourrait néanmoins être décidée qu'avec l'assentiment unanime de l'ensemble des organes délibérants concernés, de l'EPCI comme de ses communes membres. Cette restitution pourrait au surplus s'effectuer « à la carte », en permettant à certaines communes de ne pas se voir restituer la compétence en question ou de la transférer à nouveau à l'EPCI.

L'article 16 vise à ouvrir la possibilité pour les communes de transférer la compétence « plan local d'urbanisme » à la carte à leur communauté de communes ou communauté d'agglomération de rattachement. Si à l'heure actuelle les compétences dites « facultatives » peuvent être transférées « à la carte » par une ou plusieurs communes membres d'un EPCI à fiscalité propre sans que ce transfert soit étendu à l'ensemble du territoire intercommunal, il n'en va pas ainsi pour l'ensemble des compétences.

Or, force est de constater que l'exercice de certaines d'entre elles serait facilité par un transfert différencié à l'échelle du territoire. Il en va ainsi, en particulier, de la compétence « urbanisme » et de la possibilité de réaliser des PLUi « à la carte ». Ce dispositif aurait ainsi pour but de permettre aux communes qui le souhaitent de ne pas se voir dépossédées de leur compétence en matière d'urbanisme, une compétence essentielle pour les administrés comme les élus municipaux, dont l'intercommunalisation n'a pas nécessairement montré une particulière pertinence, tout en procédant à l'intercommunalisation de certains champs du PLU, dès lors qu'il serait l'échelle pertinente. Ainsi, sur certains pans du PLU, tels que l'urbanisme commercial, il pourrait être envisagé d'en transférer l'exercice à l'EPCI à fiscalité propre auquel la commune est membre, sans pour autant que celle-ci perde l'ensemble de sa compétence en matière d'urbanisme.

L'article 17 tend à apporter une solution législative attendue aux difficultés concrètes rencontrées par des équipes municipales qui peinent à identifier la valeur ajoutée du transfert des compétences « eau » et « assainissement », arbitrairement décidé dans le cadre de la loi dite « NOTRe », des communes vers les EPCI à fiscalité propre. Si des reports et assouplissements ont été, à l'initiative du Sénat, progressivement obtenus, ils n'apportent pas une solution définitive à la douloureuse équation à laquelle sont confrontées les communes membres d'une communauté de communes qui seront tenues de transférer ces compétences au 1er janvier 2026 tout en déplorant le renchérissement potentiel du tarif de l'eau que ce transfert pourrait occasionner. Poursuivant l'objectif d'une simplification et d'une libération du fonctionnement du bloc communal, le présent article tend en conséquence à laisser le choix aux territoires, en rendant aux compétences en question leur caractère facultatif et en permettant à une communauté de communes attributaire de celles-ci d'en déléguer l'exercice effectif aux communes membres.

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Afin de répondre à la crise des vocations électorales, le titre III entend faciliter l'engagement des citoyens en améliorant les conditions d'exercice des mandats locaux. Pour préserver la diversité des candidats aux élections, il est indispensable de rendre plus aisée la conciliation entre le mandat électif et les vies professionnelle et personnelle des élus.

Le chapitre Ier tend à faciliter la conciliation du mandat local avec l'exercice d'une activité professionnelle.

Pour favoriser la disponibilité des élus qui poursuivent une activité salariée, l'article 18 procède à une unification à la hausse des crédits d'heures au profit des maires et adjoints. En effet, il prévoit que ces derniers bénéficient, sans considération de la taille de leur commune, du volume de crédits d'heures actuellement prévu pour les maires des communes de plus de 10 000 habitants et les adjoints au maire des communes de plus de 30 000 habitants. L'article propose, en outre, de revaloriser la compensation, ouverte aux conseillers municipaux ne bénéficiant pas d'indemnités de fonction, des pertes de revenus qu'ils subissent en raison des autorisations légales d'absence rendues nécessaires pour participer aux travaux de leur collectivité.

La trajectoire professionnelle d'une personne ne doit pas être défavorisée en raison de l'exercice d'un mandat local. Poursuivant cet objectif, l'article 19 étend le bénéfice de l'allocation différentielle de fin de mandat à l'ensemble des maires et des adjoints au maire, indépendamment de la taille de leur commune d'élection. Il tend également à augmenter la durée et le montant des versements dont bénéficient l'ensemble des élus éligibles à cette allocation.

En outre, l'article 20 prévoit de rendre explicite l'éligibilité de l'ensemble des élus locaux à la démarche de validation des acquis de l'expérience. Tout élu qui adresserait sa demande de validation des acquis de l'expérience au moins six mois avant la fin de son mandat obtiendrait du jury compétent une réponse avant les prochaines élections. Cet article propose également l'instauration, en s'inspirant du dispositif existant pour les responsables syndicaux, d'un système de certification professionnelle destiné à améliorer la reconnaissance des compétences acquises par les élus locaux au cours de leur mandat.

L'article 21 étend également aux anciens élus locaux le bénéfice de l'aide à la création et à la reprise d'une entreprise, existant pour les demandeurs d'emploi indemnisés.

Parallèlement, l'article 22 procède, quant à lui, à l'assouplissement des conditions dans lesquelles les élus locaux peuvent poursuivre l'exercice de leur mandat durant leur congé maladie, en cumulant indemnités journalières et indemnités de fonction. Il étend cette mesure aux cas dans lesquels les élus sollicitent leur droit au congé maternité ou paternité. L'article permet à tout élu, qu'il ait ou non cessé son activité professionnelle pour l'exercice de son mandat, d'obtenir une compensation de la perte de revenus subie en raison d'un congé maternité, paternité, adoption ou accueil d'enfant.

Le chapitre II tend à faciliter la conciliation entre l'exercice du mandat et la vie personnelle de l'élu.

Dans cette optique, l'article 23 facilite la prise en charge des frais de garde d'enfant ou d'assistance aux personnes âgées ou en situation de handicap. À cet égard, il étend aux communes de moins de 10 000 habitants la compensation par l'État des frais de garde engagés par les élus pour la participation aux réunions liées à l'exercice de leur mandat. Alors que le remboursement des frais de garde est actuellement réservé aux dépenses engagées pour la participation aux réunions ouvrant droit à des autorisations d'absence, cet article ouvre à toute collectivité la possibilité de prévoir, par délibération, que d'autres réunions ouvrent le droit à ce remboursement.

Enfin, l'article 24 porte création d'un statut de l'élu étudiant, en prévoyant des aménagements spécifiques dans l'organisation et le déroulement de la scolarité des étudiants titulaires d'un mandat électif ainsi que le remboursement des frais engagés par l'élu pour se déplacer entre sa commune d'élection et son lieu d'étude.

Parallèlement, il apparaît indispensable de renforcer l'attractivité des mandats locaux, et particulièrement d'être en mesure de susciter l'engagement d'une diversité de profils de citoyens. Or, les personnes en situation de handicap demeurent encore sous-représentées parmi les élus locaux. En réponse à ce constat, l'article 25 prévoit plusieurs mesures destinées à encourager les vocations des citoyens en situation de handicap et à faciliter l'exercice de leur mandat.

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Le titre IV vise à favoriser et sécuriser les initiatives locales en simplifiant l'accès des élus locaux à l'État territorial.

Le chapitre Ier renforce les outils de l'agilité territoriale à la main des élus locaux.

Ainsi, l'article 26 apporte une souplesse supplémentaire dans le cadre du mécanisme de délégations de compétences à la main des collectivités territoriales. Il instaure la possibilité, pour une collectivité territoriale, de déléguer une compétence à une collectivité de la même strate. Ce dispositif assure ainsi la réaffirmation du conventionnement inter-collectivités.

Les articles 27 et 28 visent à insuffler un nouvel élan à la décentralisation en permettant aux collectivités territoriales volontaires de se voir confier de nouvelles compétences, dans le cadre d'une expérimentation d'une durée de cinq ans. Deux compétences de l'État pourraient faire l'objet de ce transfert expérimental.

Il s'agit en premier lieu de la compétence « médecine scolaire » et de la promotion de la santé en milieu scolaire, dont l'exercice par l'État est jugé défaillant par la Cour des comptes3(*) depuis plusieurs années. L'article 27 vise à permettre aux départements d'exercer cette compétence. Déjà en charge de la protection maternelle et infantile, les départements pourraient ainsi assurer une continuité du suivi médical des enfants scolarisés.

Le mécanisme concernerait également la compétence des « aides à la pierre ». Certes, celle-ci peut être déléguée aux EPCI et aux départements depuis près de 20 ans4(*). En 2022, 115 conventions de délégation étaient en vigueur, dont 85 avec des EPCI, 29 avec des conseils départementaux et une avec la ville de Paris. Ces délégations représentent plus de la moitié de la production de logements sociaux. Néanmoins, l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) constate « depuis 2020 un ralentissement de la production de logements sociaux qui est particulièrement accentué sur le territoire des métropoles délégataires ». Afin de donner un second souffle aux EPCI et aux départements qui ont acquis une expérience certaine en qualité de délégataires de cette compétence, l'article 28 tend à confier aux EPCI et départements volontaires, sur leur demande, la compétence « aides à la pierre », et dans tous les cas, de manière expérimentale et pour une durée de cinq ans.

Le chapitre II a pour objet de simplifier l'accès à l'État déconcentré pour les élus locaux.

L'article 29 vise à faire du préfet de département l'interlocuteur unique des maires et des élus locaux et à le rendre garant de l'unicité de la parole de l'État sur les projets locaux. Concrètement, cet article permet au représentant de l'État d'assurer la cohérence de l'exercice des missions des services de l'État avec celles de ses établissements publics qui interviennent dans le champ de l'action territoriale.

Le chapitre III a pour objet de renforcer la sécurisation des projets des collectivités territoriales, en particulier des communes de petite taille, qui ne disposent pas toujours de l'ingénierie juridique suffisante

Pour ce faire, l'article 30 relance l'expérimentation d'un « rescrit juridictionnel », en veillant à ce que celui-ci soit ouvert à certaines décisions complexes prises par les communes, notamment en matière d'urbanisme.

L'article 31 améliore le dispositif de « prise de position formelle » du préfet de département sur les projets de décisions des collectivités territoriales, en abaissant de trois à deux mois le délai dans lequel celui-ci doit se prononcer.

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Le titre V vise à associer pleinement les élus locaux aux décisions relatives au financement des collectivités territoriales.

Le chapitre Ier vise à renforcer l'autonomie financière des collectivités territoriales.

À cette fin, l'article 32 définit les conditions d'application de l'exigence de réexamen régulier des compensations de transferts de compétences aux collectivités territoriales posée par la proposition de loi constitutionnelle issue des propositions du groupe de travail. À cette fin, il confie à la commission consultative d'évaluation des charges (CCEC), soit la formation du comité des finances locales (CFL) chargée d'évaluer le « coût historique » de l'exercice des compétences, la mission de remettre tous les cinq ans au Gouvernement un rapport sur l'évolution des charges correspondant aux compétences transférées ou créées. Le rapport devra notamment mettre en évidence les évolutions de charges résultant de facteurs exogènes ou non corrélés aux choix de gestion propres à chaque collectivité territoriale. C'est à la lumière de ces travaux que le Gouvernement devra, en application de la proposition de loi organique issue des propositions du groupe de travail, remettre tous les cinq ans un rapport au Parlement comprenant des propositions d'ajustements des ressources compensatrices attribuées aux collectivités territoriales.

Le chapitre II tend à améliorer la gouvernance des finances locales par le renforcement, proposé à l'article 33, des pouvoirs du comité des finances locales.

En effet, le rapport du groupe de travail sur la décentralisation a mis en exergue un système de financement des collectivités territoriales complexe, devenu illisible et incohérent. Les finances locales se caractérisent désormais par un morcellement de la fiscalité et un empilement de dispositifs complexes qui nuisent à la prévisibilité pourtant nécessaire aux collectivités pour mettre en oeuvre leurs compétences, développer les services publics et investir, notamment pour la transition écologique. Dans ce contexte, les principales attentes des élus locaux concernent la prévisibilité de leurs ressources et partant, une meilleure association des collectivités à la gouvernance des finances locales, une information renforcée sur l'emploi des dotations d'investissement qui leur sont allouées et un accès facilité et simplifié à ces dotations.

Le dispositif proposé prévoit donc que le Gouvernement consulte, de manière obligatoire, le comité des finances locales sur les projets de loi de finances, les projets de loi de finances rectificative, les projets de lois de finances de fin de gestion et les projets de loi de programmation des finances publiques et que le comité soit saisi des dispositions de ces projets de loi affectant les collectivités territoriales au moins sept jours avant leur présentation en conseil des ministres.

Au-delà de l'avancement du calendrier, le dispositif prévoit également qu'en vue de l'examen et du vote du projet de loi de finances de l'année suivante par le Parlement, le Gouvernement transmettra au comité des finances locales, avant le 30 juin, un rapport présentant l'ensemble des mesures envisagées affectant les ressources des collectivités territoriales ainsi que le détail prévisionnel du montant des transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales et que le comité des finances locales émettra un avis sur ce rapport. Ce rapport et cet avis seront transmis au Parlement avant le 15 juillet. 

Le chapitre III propose d'améliorer l'information des élus locaux dans l'octroi des dotations d'investissement.

L'article 34 prévoit ainsi que le représentant de l'État dans le département portera à la connaissance de la commission prévue à l'article L. 2334-37 du code général des collectivités territoriales (dite commission DETR) la liste des opérations ayant bénéficié des concours financiers et subventions accordés par l'État aux communes et à leurs groupements du département. Actuellement, seules les listes de subventions attribuées au titre de la DETR et de la DSIL sont transmises à la commission DETR, ce qui ne lui permet pas d'avoir connaissance des autres aides octroyées par l'État, dans le département, aux communes et intercommunalités pour l'ensemble des projets financés. Cet élargissement de l'information transmise serait ainsi de nature à permettre une vision exhaustive des financements sur un territoire.

Il prévoit, par ailleurs, que les décisions d'attribution de la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) seront prises, désormais, après avis de chacun des présidents de conseil départemental dans la région ou du président de l'organe délibérant de la collectivité territoriale concernée. Cette évolution permettra de renforcer l'association des présidents de conseil départemental aux décisions d'attribution prises en matière de dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) par le préfet de région. Cet avis des présidents des conseils départementaux de la région, bien que non contraignant, sera toutefois de nature à institutionnaliser le dialogue avec les présidents de conseil départemental en matière de DSID et à favoriser la convergence des priorités nationales et locales quant aux projets à soutenir.

Enfin, le chapitre IV prévoit de sécuriser et de faciliter l'accès des collectivités aux dotations d'investissement.

L'article 35 précise ainsi qu'une collectivité territoriale ne peut se voir exclue du bénéfice d'une subvention en vue de la réalisation d'un investissement ou d'un projet au seul motif qu'elle ne s'inscrirait pas dans une démarche contractuelle ou partenariale impulsée par l'État. En effet, dans un contexte où les démarches contractuelles et partenariales entre l'État et les collectivités se multiplient, l'État manifeste une volonté croissante de financer, en priorité, les projets d'investissement s'inscrivant dans ce cadre. Il en résulte, en conséquence, une tendance au fléchage de ces dotations, qui n'est pas exempte de risques en termes de captation des dotations d'investissement par ces démarches au détriment de projets d'investissement nécessaire à un territoire mais n'entrant pas dans le champ d'un contrat ou d'un partenariat. Le dispositif proposé permet donc de limiter ce risque.

Pour faciliter l'accès aux dotations d'investissement, l'article 36 prévoit par ailleurs la possibilité, pour le Gouvernement, d'expérimenter dans un ou plusieurs départements l'institution d'une dotation unique pour l'investissement qui se substituerait à la dotation d'équipement des territoires ruraux, à la dotation de soutien à l'investissement local et à la dotation politique de la ville et qui pourrait également se substituer à tout autre concours de l'État en faveur de l'investissement des communes et des établissements publics de coopération intercommunale.

Ce dispositif expérimental vise à apporter des solutions à la complexité du système actuel. En effet, les dotations d'investissement ont changé de nature par rapport aux premières décennies de la décentralisation, passant de dotations globales d'équipement libres d'emploi à des dotations fonctionnant suivant une logique de subventions sur projets sélectionnés par le préfet de région (DSIL, DSID) ou le préfet de département (DETR, DPV). Si elle peut exister localement au gré des relations entre les préfets et les élus, les textes ne prévoient en principe pas d'association de ces derniers aux décisions d'attribution. Seule la procédure d'octroi de la DETR prévoit l'intervention d'une commission consultative d'élus. Par ailleurs, les critères de sélection des projets sont nombreux, cumulatifs, d'origine différente (au niveau central ou déconcentré) et parfois contradictoires. Si une souplesse au niveau local se justifie par la nécessité d'adaptation aux enjeux et spécificités de chaque territoire, il en résulte une multitude de critères plus ou moins formalisés qui se révèlent peu lisibles pour les collectivités et qui sont parfois, cumulés les uns avec les autres, trop restrictifs pour permettre de retenir des projets présentant un réel intérêt pour le territoire. De surcroît, la diversité des procédures de demande de subvention et des pièces à fournir est également source de complexité majeure pour les élus, de même que les calendriers parfois divergents. La mise en place d'une dotation unique serait donc de nature à simplifier les démarches des élus dans leur demande de subvention et, en cas d'atteinte de l'objectif de simplification, cette expérimentation pourrait être élargie à l'ensemble du territoire et pérennisée.

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* 1 Rapport de François-Noël Buffet, rapporteur général, Mathieu Darnaud, Françoise Gatel et Jean-François Husson, co-rapporteurs, Quinze propositions pour rendre aux élus locaux leur « pouvoir d'agir », 6 juillet 2023.

* 2 Texte n° 648 (2022-2023), disponible à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/leg/ppl22-648.html.

* 3 Rapport de la Cour des comptes, Les médecins et les personnels de santé scolaire, mai 2020.

* 4 Article 61 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

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