EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

De nombreux maires et élus locaux témoignent de la difficulté grandissante pour les communes, notamment les moins peuplées et rurales, de constituer une liste électorale pour se présenter aux élections municipales.

On observe ces dernières années une crise des vocations au regard de l'engagement dans la vie politique locale. Les travaux récents du Sénat mettent en exergue les freins existants à cet exercice : la difficile conciliation entre vie professionnelle, personnelle et familiale ; l'absence d'un véritable statut de l'élu local ; un régime indemnitaire, des droits et des garanties insuffisants ; la dégradation des conditions d'exercice du mandat local ou encore « la complexification générale des affaires publiques locales »1(*) qui entravent l'action concrète de terrain. 

Les élus locaux doivent faire face au poids croissant des exigences et des responsabilités relevant de leur fonction et les collectivités territoriales manquent singulièrement d'autonomie financière. Ce contexte rend l'exercice des mandats de plus en plus difficile alors même qu'il est attendu des élus de faire toujours plus, notamment en matière de service public, avec toujours moins. Nombre d'entre eux évoquent un sentiment de découragement au regard des attentes et des pressions, voire de la défiance, exercés à leur égard.

À cela s'ajoute la hausse des menaces et des actes de violence commis à l'encontre des élus, ou de leurs proches, concourant au mouvement de désengagement observé. Pourtant, les élus sont bien les garants de la préservation du lien social, ils sont les sentinelles de la République dans les territoires. Nous avons besoin de femmes et d'hommes qui souhaitent continuer à s'engager pour la vie de nos communes et de nos concitoyens.

Depuis 2020, les démissions des maires (1 293) et des conseillers municipaux (29 214) « s'accélèrent par rapport au mandat 2014-2020, les maires partageant un vif pessimisme quant à l'avenir des communes. »2(*), alors que « 345 communes ne disposaient pas d'un conseil municipal complet, faute de candidats en nombre suffisant (228 communes en 2014) »3(*). Certains élus témoignent de la difficulté à composer un conseil municipal, ce qui peut amener des profils plus ou moins motivés par la fonction, entraînant par conséquent une hausse de l'absentéisme voire des démissions au sein de ces collectivités. Une aggravation de la crise des vocations est donc à craindre dans la perspective des élections municipales de 2026.

Pour y faire face, des mesures doivent être prises pour renforcer l'attractivité des mandats municipaux ainsi que le fonctionnement des instances de la démocratie locale. À cet effet, la présente proposition de loi envisage de faciliter la constitution des listes aux élections municipales des communes de moins de 3 500 habitants, pour qui la part de la représentativité de la population municipale au sein du conseil est plus importante en comparaison à celle des villes moyennes. Ce dispositif concerne 28 431 des 34 935 communes.

Pour exemple, la commune de Giroux dans l'Indre, 121 habitants, correspond à la strate de 100 à 499 habitants établissant le nombre de conseillers municipaux. Son conseil municipal doit ainsi être composé de onze membres, ce qui représente 9,09 % de la population de la commune. En parallèle, pour la ville de Châteauroux dans le même département, le conseil municipal de quarante-trois membres représente 0,09 % de sa population de 43 331 habitants. On observe donc un écart important entre les petites communes et les villes moyennes, fragilisant certaines communes lorsqu'il s'agit de réunir un nombre suffisant de personnes volontaires pour s'engager dans la vie politique locale.

L'article 1er a donc pour objet d'abaisser de quatre le nombre de conseillers municipaux pour les strates des communes allant de plus de 500 à 3 499 habitants. Pour exemple, le conseil municipal d'une commune de 3 400 habitants serait composé de dix-neuf conseillers municipaux au lieu de vingt-trois membres actuellement. Pour la strate des communes allant de 100 à 499 habitants, il est proposé d'abaisser de deux le nombre de conseillers municipaux. Ainsi, le conseil municipal d'une commune de 498 habitants serait lui composé de neuf conseillers et non plus de onze membres.

La réduction du nombre de conseillers municipaux envisagée impacterait également le nombre d'adjoints ; chaque strate concernée perdrait un adjoint. Pour mémoire, le nombre d'adjoints doit être supérieur ou égal à 1, sans excéder 30 % de l'effectif du conseil, arrondi à l'entier inférieur (CE, 24/04/1985, Aix-en-Provence). Afin de maintenir le nombre actuel des adjoints au maire, l'article 2 modifie le code général des collectivités territoriales (CGCT) pour préciser que lorsque le conseil municipal détermine le nombre des adjoints, celui-ci ne peut excéder 30 % de l'effectif légal du conseil municipal mais, désormais, le calcul s'applique à l'arrondi à l'entier supérieur le cas échéant.

Pour tenir compte de la réduction du nombre de conseillers municipaux qui découle de l'article 1er, l'article 3 adapte le code général des collectivités territoriales en prévoyant que, pour les communes de la strate de 100 à 499 habitants, le conseil municipal est réputé complet dès lors qu'il compte au moins sept membres à l'issue du second tour du renouvellement général du conseil municipal ou d'une élection complémentaire.

L'article 4 vise à ajuster le plafond du nombre de conseillers qui ne résident pas dans la commune au moment de l'élection, en parallèle de la réduction du nombre de conseillers municipaux pour les strates des communes allant de 100 à 499 habitants et de 500 à 1 499 habitants, en application de l'article 1er. Afin de respecter l'équilibre du dispositif en vigueur, il est proposé de ne pas excéder le nombre de quatre conseillers ne résidant pas dans la commune au moment de l'élection pour les communes composées de neuf conseillers municipaux. Pour les conseils municipaux composés de onze membres, il est proposé d'appliquer la règle en vigueur pour les communes de plus de 500 habitants ; il s'agit donc de ne pas excéder le quart des membres du conseil4(*). Le plafond sera ainsi fixé à deux conseillers pour cette strate.

Afin de ne pas perturber l'équilibre actuel de la composition et de la représentation des différentes catégories de collectivités territoriales formant le collège électoral appelé à élire les sénateurs, l'article 5 conserve l'attribution actuelle du nombre de délégués municipaux aux élections sénatoriales, pour toutes les strates de communes concernées, malgré l'application d'une baisse de l'effectif des conseillers municipaux telle que proposée par l'article 1er. Pour exemple, actuellement, les conseils municipaux composés de quinze membres élisent trois délégués municipaux. En application de l'article 1er, cette strate serait désormais composée de onze conseillers municipaux, mais le nombre de délégués municipaux resterait inchangé, à hauteur de trois délégués municipaux.

* 1 Rapport d'information n° 215 (2023-2024), « Relatif à l'engagement dans le mandat local et l'amélioration des conditions de son exercice » : https://www.senat.fr/rap/r23-215/r23-2151.pdf

* 2 Rapport d'information n° 851 (2022-2023), tome 1, « Avis de tempête sur la démocratie locale : soignons le mal des maires » : https://www.senat.fr/rap/r22-851-1/r22-851-1.pdf

* 3 Rapport d'information n°121 (2023-2024), « Relatif au statut de l'élu » : https://www.senat.fr/rap/r23-121/r23-121.pdf

* 4 En application de l'article L. 228 du code électoral, alinéa 3.

Partager cette page