EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les Français sont profondément attachés à la famille. Comme le soulignent les études réalisées année après année, elle est ce qu'il y a de plus important pour eux, devant la sécurité, le travail, ou encore les loisirs. La cellule familiale étant le premier lieu de socialisation, de solidarité comme de transmission culturelle et sociale, les préoccupations liées à sa protection dépassent les clivages partisans.

Valeur indétrônable, la famille se trouve pourtant profondément fragilisée depuis plusieurs décennies par une instabilité croissante. Les ruptures familiales sont en effet de plus en plus nombreuses en France, avec près de 425 000 séparations conjugales chaque année depuis 2010 - parmi lesquelles 45 % de cas de divorce. Corollairement, environ 379 000 enfants mineurs se trouvent plongés dans l'expérience éprouvante de la rupture de leurs parents.

Ces évolutions se révèlent préoccupantes, dans la mesure où l'éclatement des familles multiplie les risques de paupérisation des adultes comme de leurs enfants, accentue les inégalités hommes-femmes, accélère la crise du logement, dégrade l'empreinte écologique des individus et rejaillit sur la réussite scolaire des enfants ainsi que leur développement aussi bien psychique que physique.

L'accompagnement des familles monoparentales se révèle au surplus d'autant plus urgent que l'on compte aujourd'hui un quart des familles françaises concernées par cette monoparentalité, parmi lesquelles 3,4 millions d'enfants. Or, les familles monoparentales sont particulièrement exposées à un risque de précarité puisqu'en 2019, 41 % de ces familles se trouvaient en situation de privation matérielle et sociale ou à risque de pauvreté monétaire. Dans une note d'analyse publiée le 31 janvier 2024, France Stratégie démontre en ce sens l'impact négatif de la séparation des parents sur le niveau de vie des enfants.

La monoparentalité est également au coeur des enjeux en matière d'égalité entre les femmes et les hommes puisque, dans plus de 80 % des cas, le parent isolé est une femme. 

Face à l'hétérogénéité de la crise que traverse la France, touchant notamment l'accès au logement ou la hausse des prix de l'électricité, il convient en outre de souligner que chaque divorce engendre en moyenne un besoin de 0,7 logement supplémentaire. Cette demande nouvelle a des impacts écologiques non négligeables. En sus de la construction nécessaire de logements, la vie quotidienne engendre une surconsommation en eau et électricité de près de moitié par rapport à la consommation initiale du ménage.

Vingt ans après l'adoption de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce, la médiation familiale a démontré son utilité dans les procédures de séparation des couples. Néanmoins, le médiateur intervient tardivement dans le processus de séparation, déjà engagé, et le cas échéant à la demande d'un juge.

De son côté, le conseiller conjugal et familial, titulaire d'une attestation de qualification, agit en amont des ruptures familiales. Il accompagne les couples et les familles en difficultés relationnelles ; accompagnement ayant vocation à prévenir les ruptures conjugales et familiales et favoriser un apaisement des conflits lorsqu'une séparation est décidée. Selon une étude d'impact réalisée en 2021 par l'organisation Familya, 73 % des séparations qui seraient survenues compte tenu de la situation du couple au moment du premier entretien ont ainsi été évitées et 76 % des séparations potentiellement conflictuelles ont pu être apaisées.

En proposant un accueil inconditionnel et en menant un accompagnement au plus près des besoins des personnes, le soutien à la conjugalité peut contribuer à prévenir des ruptures lourdes de conséquences pour les familles et la société dans son ensemble.

Aussi cette proposition de loi vise-t-elle à reconnaître et promouvoir le rôle essentiel du conseiller conjugal et familial dans le soutien à la parentalité, reconnu par de nombreuses études et rapports.

Ainsi en est-il de la recommandation contenue dans le rapport du Conseil économique social et environnemental (CESE) sur les conséquences des séparations parentales sur les enfants de 2017, qui énonce dans sa préconisation n° 3 : « Pour développer les dispositifs de soutien à la parentalité, il est nécessaire de : mieux reconnaître, encadrer et valoriser les professionnels de la médiation familiale, du conseil conjugal et familial et de l'intervention sociale et familiale ».

Ainsi en est-il également du rapport de la délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté de 2018 sur la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, qui propose « d'augmenter l'investissement dans les dispositifs de conseil conjugal, de médiation familiale et des espaces de rencontre ».

Ainsi en est-il encore du rapport du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge de 2014 sur les ruptures familiales, qui recommande de « développer des services de conseil conjugal et familial ainsi que le soutien à la parentalité dans une démarche préventive ; mailler le territoire et réduire les inégalités d'accès pour les familles, se fixer des objectifs et évaluer annuellement les dispositifs ».

Cet accompagnement doit donc être mis à la disposition du plus grand nombre et devenir une priorité de politiques publiques. Le droit comparé peut à cet égard nous convaincre de la nécessité de ce dispositif : au Danemark, deux tiers des communes financent le conseiller conjugal et familial pour leurs administrés. Les municipalités ont fait ce choix au regard des économies notables, sur le long terme, résultant de la réduction des conséquences des divorces sur le quotidien des Danois : aides psychologiques, arrêts de travail, aides sociales, logement, etc.

Partant, cette proposition de loi propose de reconnaître et valoriser un service permettant d'accompagner les familles dans leurs difficultés et diminuer les conséquences humaines, sociales et sociétales de leur éclatement.

L'article 1er prévoit de consacrer la profession de conseiller conjugal et familial au sein du code de l'action sociale et des familles, en précisant les conditions d'exercice auxquelles il doit répondre, à l'image des conditions posées à la personne physique en charge de l'exécution d'une mesure de médiation par l'article 131-5 du code de procédure civile. S'agissant des conditions de formation de ce conseiller, elles sont actuellement prévues par l'arrêté du 3 décembre 2010 relatif à la formation des personnels intervenant dans les centres de planification ou d'éducation familiale et dans les établissements d'information, de consultation ou de conseil familial.

L'article 2 prévoit une prise en charge par la branche famille de la sécurité sociale des séances d'accompagnement réalisées par un conseiller conjugal et familial. Cette prise en charge serait, mutatis mutandis, analogue au dispositif MonSoutienPsy. Les ménages pourraient bénéficier d'un nombre défini de séances réalisées par un conseiller conjugal et familial sélectionné par la caisse d'allocations familiales et signataire d'une convention.

Le coût pour les finances publiques sera, du reste, largement compensé par les économies réalisées par la prévention et l'accompagnement des séparations. Selon plusieurs études, un euro investi par les pouvoirs publics permet en effet de générer de cinq à onze euros d'économie directe pour l'État dans les cinq années qui suivent.

L'article 3 constitue le gage financier de cette proposition de loi.

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