EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La réforme des retraites portée par le Gouvernement l'an dernier malgré la très large opposition des Françaises et des Français et des corps intermédiaires, reculant l'âge légal de départ à 64 ans, a été promulguée le 14 avril 2023, sans que le texte n'ait été soumis au vote de l'Assemblée nationale et avec le recours au vote bloqué au Sénat.

En effet, pour parvenir à cette promulgation, le Gouvernement a fait le choix de mener cette réforme via un projet de loi de finance rectificative et de recourir à l'article 47-1 et à l'article 44-3 de notre Constitution, interrompant et limitant ainsi les discussions en première lecture au sein de nos deux assemblées. Quant au vote final sur les conclusions de la commission mixte paritaire, celui-ci n'a pu se faire qu'à la faveur du recours à l'article 49, alinéa 3.

Le recours à tous ces dispositifs est un aveu de faiblesse du Gouvernement qui a échoué à convaincre, non seulement les parlementaires, mais surtout les Françaises et les Français de la nécessité de réformer notre système de retraite. Le procédé ainsi utilisé, s'il respecte effectivement notre droit, témoigne de la fragilité d'une réforme rejetée qui aurait du être abandonnée par l'exécutif.

Cette réforme est donc tout d'abord un non-sens démocratique. Les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain continuent d'affirmer qu'une autre réforme est possible, dont le cadre doit rester celui de la permanence d'un système de retraites par répartition, qui veille à protéger celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt, toutes celles et ceux qui travaillent dans des contextes particuliers de stress, exposés aux différents facteurs de pénibilité.

Le constat est sans appel ; un an auparavant, selon l'Institut français d'opinion publique (Ifop), 75 % des ouvriers et employés et 63 % des cadres étaient opposés à la réforme, tandis que 59 % des Françaises et des Français étaient favorables à une augmentation des cotisations. Selon Elabe, les actifs jugeaient la réforme injuste pour 77 % d'entre eux, inefficace pour 66 %, pas nécessaire pour 61 %, et 72 % des actifs soutenaient les mobilisations contre la réforme.

Les Françaises et les Français ont eu raison de marquer une opposition ferme à cette réforme injuste puisque selon les travaux de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques et de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, le coût social estimé du décalage de la retraite à 64 ans serait d'environ 100 000 allocataires de minima sociaux supplémentaires et 120 000 bénéficiaires d'une pension d'invalidité de plus. Le recul de l'âge de départ à la retraite porterait également à près de 80 000 le nombre de nouveaux privés d'emploi indemnisés. Cette réforme est indéniablement un non-sens économique.

Elle vient en définitive augmenter la précarité de ceux qui, après 55 ans, sont déjà poussés vers la sortie, connaissent le chômage ou le RSA. Les dernières mesures du Gouvernement en matière d'assurance chômage ayant fortement réduit les conditions d'accès et les durées d'indemnisation vont venir accentuer la précarité d'une partie de la population. Dans les années à venir, avec les réformes successives du Gouvernement, bien plus de personnes se retrouveront sans emploi et privées de toute indemnisation. Clairement, il s'agit à cet égard d'un non-sens social. Il est évident que rallonger l'âge légal de départ à la retraite aggrave les disparités sociales et nuit particulièrement aux populations les plus vulnérables ainsi qu'à celles exerçant des métiers précaires ou soumises à des conditions de travail difficiles.

Reporter l'âge légal de départ à la retraite constitue une réforme relevant de la politique sociale, mais ses effets financiers reposent uniquement sur l'effort des travailleurs. Il est certain que l'impact social d'une telle mesure régressive est totalement négatif et vient renforcer fortement les inégalités sociales, alors qu'il est aujourd'hui fondamental de les corriger en profondeur.

Face à l'injustice de cette réforme, nous constatons que la promulgation de cette loi n'a entrainé ni sa validation politique ni son acceptation sociale. C'est la raison pour laquelle l'article unique de la présente proposition de loi vise à abroger la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, qui a porté la réforme des retraites.

Nous considérons que face à une situation économique qui a tendance à se dégrader, nous devons repartir de zéro et travailler collectivement à des propositions plus soutenables et socialement plus justes.

Le gage qui complète l'article unique du présent texte est similaire à celui qui est utilisé dans la proposition de loi portant sur les retraites agricoles qui sera examinée le 19 mars 2024 en séance publique.

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