EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans certains territoires, l'accès aux soins rencontre plusieurs niveaux d'obstacles. Si la notion de déserts médicaux est souvent appréhendée sous l'angle du difficile accès aux médecins, on doit également s'inquiéter de la disparition régulière de pharmacies dans les zones à faible densité démographique.

Ce mouvement s'inscrit dans une tendance générale. Chaque mois, 25 pharmacies ferment en France. Entre 2007 et 2023, notre pays a perdu 4 000 officines. En 2023, le nombre de pharmacies est passé sous la barre des 20 000 avec une érosion qui s'accélère : 236 fermetures en 2023, contre 171 en 2022.

Dans les grandes villes, dont beaucoup sont surdotées, la suppression de pharmacies par restructuration n'est pas forcément impactante. En revanche, cette évolution est très préoccupante dans les petites communes qui ont bien souvent déjà vu partir le médecin généraliste.

Faute de repreneur, des communes, en particulier en zone rurale se retrouvent du jour au lendemain sans pharmacies et les usagers contraints de se déplacer - quand ils le peuvent - à des kilomètres de chez eux pour trouver des médicaments. La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) considère que « 3 à 5 % de la population française vit aujourd'hui dans des territoires considérés comme fragiles au regard de leur offre pharmaceutique », soit des patients qui pourraient effectuer jusqu'à 30 minutes ou plus de trajet pour se rendre dans l'officine la plus proche.

Pourtant, le pharmacien est devenu un acteur de santé de proximité et parfois même la première entrée dans le système de soins.

Les pharmacies font partie du quotidien d'un très grand nombre de nos concitoyens. La porte est ouverte pour tous à tout moment même sans ordonnance. Près de la moitié des clients n'ont pas de prescription médicale car les officines offrent de multiples services : produits d'automédication, conseil, actes de dépistages, tests rapides d'orientation diagnostique (Trod), vaccinations... Depuis quelques années, les missions des pharmaciens se sont multipliées et elles pourraient être renforcées dans l'avenir, notamment sur la base des conclusions d'une expérimentation régionale en cours depuis 2021 baptisée « OSyS » (Orientation du système de soins) pour la prise en charge de pathologies dites légères (rhinites, maux de gorge, de tête ou de ventre, diarrhées, mal de dos, conjonctivites et infections urinaires) par des pharmaciens volontaires recevant une formation initiale.

L'épidémie de Covid-19 a également démontré le rôle essentiel des pharmaciens au sein de la chaîne sanitaire, et l'impérieuse nécessité d'avoir un maillage territorial d'officines suffisamment dense pour bien répondre aux situations de crise.

À cet égard, le président de la République avait déclaré en mars 2020 « ce qui révèle la pandémie, c'est qu'il est des biens et des services qui doivent être en dehors des lois du marché ». Si l'activité de pharmacien est bien entendu libérale et dépendante de sa viabilité économique, il revient aux pouvoirs publics de créer les conditions pour qu'elle puisse s'exercer dans tous les territoires afin de maintenir l'égal accès aux soins de tous, un principe rappelé dans la loi.

En effet, l'article L. 1411-11 du code de la santé publique prévoit pour « ... La dispensation et l'administration des médicaments, produits et dispositifs médicaux, ainsi que le conseil pharmaceutique... » que « L'accès aux soins de premier recours ainsi que la prise en charge continue des malades sont définis dans le respect des exigences de proximité, qui s'apprécie en termes de distance et de temps de parcours, de qualité et de sécurité... ».

Au-delà de l'enjeu sanitaire, il est également question de l'attractivité des petites communes. Avec le café, la poste et l'épicerie, la pharmacie participe d'un écosystème de vie économique et de lien social.

L'ordonnance n° 2018-3 du 3 janvier 2018, relative à l'adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie, a modifié les conditions générales d'autorisation d'ouverture des officines afin d'assurer un maillage pharmaceutique qui réponde aux besoins de la population. Ainsi, les communes de moins de 2 500 habitants auront la possibilité d'être regroupées avec des communes contiguës afin qu'une officine puisse s'implanter. Selon l'article L. 5125-6-1 du code de la santé publique, il faudra toutefois que le nombre total d'habitants des communes regroupées dépasse le seuil de 2 500 habitants et que l'une des communes recense au moins 2 000 habitants.

Alors que la France compte 29 393 communes de moins de 2 000 habitants, cette nouvelle disposition méconnaît la réalité du terrain, notamment en milieu rural.

Aussi, l'article unique de la proposition de loi vise à assouplir les conditions d'ouverture des officines dans les petites communes afin de lutter contre les déserts pharmaceutiques.

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