EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'évolution rapide des technologies de drones, associée à une augmentation significative des survols de zones sensibles par ces engins, nécessite une adaptation constante de nos dispositifs de sécurité.

La détection des drones jugés menaçants a connu une avancée significative avec la promulgation de la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés. En vertu de l'article 36 de cette loi, les agents de sécurité privée sont autorisés à détecter des drones menaçants aux abords des lieux dont ils ont la garde. L'article L. 611-3 du code de la sécurité intérieure confère ainsi aux agents le pouvoir d'utiliser des moyens radioélectriques, électroniques ou numériques pour la détection, avec la possibilité de transmettre les informations aux services de l'État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale.

Cependant, il est aujourd'hui crucial d'aller au-delà de la simple détection et de raccourcir la boucle d'intervention entre la détection et la neutralisation des drones malveillants. En effet, le développement de l'offre de drones a entraîné l'apparition et l'intensification de cette menace en raison de la généralisation et de la facilité de leur usage.

Les survols répétés de centrales nucléaires, de réserves d'eau et sites Seveso en France depuis 2015 ont permis de prendre conscience de l'existence de ces moyens et de leurs potentielles nuisances. Plus récemment, la présence de drones autour d'un aéroport londonien a conduit à fermer son trafic aérien pendant plusieurs jours avec de fortes conséquences économiques. Dorénavant, plus aucun grand évènement n'est organisé en France sans la mise en oeuvre de moyens de détections et de lutte anti-drones.

Cette prévalence des drones sur le territoire s'explique par le fait que le nombre de drones civils est estimé à plus de 2,5 millions toutes tailles confondues, faisant du pays le troisième plus équipé dans le monde, avec plus de 19 000 télépilotes professionnels. Ces drones civils légers ont des vitesses de 70 à 150 km/h, une portée de plusieurs kilomètres, une autonomie qui s'accroît, jusqu'à 1 h, et surtout une charge utile de quelques grammes à plusieurs kilogrammes, pour un coût modique de 200 à 2 000 €.

À titre d'illustration, une expérimentation de détection menée sur la zone industrialo-portuaire du Havre entre fin 2021 et début 2022, la plus grande zone industrielle de France comprenant 17 sites Seveso seuil haut, a révélé la détection de 3 638 drones en six mois sur la ZIP et ses environs. Parmi ces drones détectés, 1 288 ont été recensés dans la zone sensible, nécessitant obligatoirement une demande préalable d'autorisation. L'étude s'est étendue à une observation plus vaste, couvrant 50 sites et réalisant 100 000 détections par an, résultant en 50 arrestations. Cette analyse plus approfondie a permis d'estimer la répartition suivante des auteurs ou motivations :

- 70 % pilotes amateurs, tourisme ;

- 10 % journalistes/activistes, atteinte à l'image ;

- 10 % contrebande/livraison ;

- 5 % repérage ;

- 5 % espionnage (économique, sportif...) ;

- non quantifiable : terrorisme.

Face à la prolifération rapide des drones civils et à la diversité des scénarios d'utilisation, les autorités publiques se retrouvent logiquement confrontées à une complexité croissante pour réguler efficacement ce phénomène. La variété des motivations des utilisateurs allant du simple amateurisme à un potentiel acte malveillant. Dans ce contexte, il devient manifeste que les autorités publiques doivent désormais avoir la capacité de s'appuyer sur les personnels de sécurité privée en cas de nécessité, d'autant plus que ces derniers peuvent déjà être autorisés à détecter les drones. Cette approche reposant sur le renforcement de la coopération entre les secteurs public et privé permettrait de mieux répondre à la dynamique changeante de la menace.

En conclusion, cette proposition de loi vise à adapter notre législation aux défis actuels en matière de sécurité des sites sensibles. Pour assurer la sécurité de ces sites, elle offre la possibilité aux autorités publiques d'accorder aux personnels des sociétés de sécurité privée l'autorisation d'utiliser des dispositifs visant à neutraliser des drones malveillants.

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