EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi instaure et encadre la confidentialitéì des consultations juridiques des juristes d'entreprise.

Les entreprises françaises sont soumises aÌ des obligations de conformitéì de plus en plus exigeantes et touchant un nombre croissant de domaines : gouvernance, droits humains et droits sociaux, devoir de vigilance, protection des données, respect des règles déontologiques, responsabilitéì sociale et environnementale, lutte contre le blanchiment des capitaux...

Les juristes d'entreprise français sont aujourd'hui dans une situation paradoxale : ils doivent mettre en oeuvre ces obligations de conformitéì de plus en plus nombreuses et donc pouvoir alerter les cadres dirigeants sur les risques juridiques, tout en évitant le risque d'auto-incrimination de leur entreprise. La reconnaissance de la confidentialité participe donc d'un renforcement de la mise en oeuvre de l'intérêt général au coeur de l'économie et du principe de la bonne administration de la justice.

La France, par l'absence de toute confidentialité des avis des juristes d'entreprise, se singularise parmi les pays de l'OCDE et s'isole vis-à-vis de nombreux États membres de l'Union européenne. À cet égard, la reconnaissance de la confidentialité des avis juridiques des juristes d'entreprise respecte pleinement le droit de l'Union européenne. En effet, il résulte très clairement de la jurisprudence de la CJUE que la question de la confidentialité des avis des juristes d'entreprise relève de la compétence propre des États membres et donc de leur droit national. Elle permet, en tout état de cause, un meilleur respect du droit, en particulier du droit européen, par les entreprises.

Cette situation nuit objectivement aÌ la compétitivité de nos entreprises et à l'attractivitéì de la France : de nombreuses directions juridiques choisissent de s'établir dans des pays qui bénéficient de cette protection ou d'y transférer les dossiers les plus stratégiques ; d'autres sociétés, qui restent en France, font le choix de ne pas recruter de juristes d'entreprise français et de se tourner vers des avocats anglo-saxons. Il importe, en effet, de souligner que l'absence de confidentialité expose davantage nos entreprises à l'application extraterritoriale de droit d'États étrangers.

Par ailleurs, lorsque la direction juridique est aÌ l'étranger, le choix du droit des contrats de l'entreprise est souvent celui d'un droit étranger.

Pour toutes ces raisons, il est nécessaire d'introduire en droit français la confidentialité des consultations juridiques des juristes d'entreprise, sans pour autant créer une nouvelle profession réglementée du droit.

L'article unique insère un article 58-1 après l'article 58 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 - ce dernier reconnaissant déjà aux juristes d'entreprise le droit de rédiger des consultations juridiques à destination de l'entreprise qui les emploie - et instaure la confidentialitéì des consultations des juristes d'entreprise dans les matières, civile, commerciale et administrative. Il l'exclut en revanche dans les procédures pénales et fiscales.

Le texte de la présente proposition de loi donne une définition de la consultation juridique et prévoit une formation en déontologie des juristes d'entreprise.

Il clarifie eìgalement les conditions de la leveìe de la confidentialiteì qui peut e?tre obtenue devant le juge ayant autorisé la saisie des documents en cause. Il fixe la proceìdure applicable et ses deìlais.

Le texte prévoit, pour l'entreprise qui emploie le juriste d'entreprise, le recours obligatoire aÌ l'avocat en cas de procédure de contestation de la confidentialitéì, devant le juge des liberteìs et de la deìtention, comme dans le cadre d'une procédure de référéì en matière civile ou commerciale (ouÌ il s'applique par l'effet du droit commun au demandeur comme au deìfendeur).

La procédure de contestation est organisée devant le juge des libertés en cas d'opération de visite et saisie, ou devant le juge judiciaire qui a autorisé une mesure d'instruction dans le cadre d'un litige civil ou commercial. Enfin, l'entreprise peut décider de lever la confidentialité.

Enfin, il est prévu que le fait d'apposer frauduleusement la mention : « confidentiel - consultation juridique - juriste d'entreprise » sur un document qui ne relève pas du présent article, peut être poursuivi au titre de l'article 441-1 du code pénal.

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