EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le présent texte reprend la proposition de loi n°1588 enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 juillet 2023 et cosignée par des Députés de neuf groupes politiques. Cette initiative transpartisane, coconstruite avec la communauté scientifique, vise à mettre en oeuvre la stratégie polaire à l'horizon 2030.

Alors qu'une grande part de notre avenir commun se joue dans les régions arctiques et antarctiques, il s'agit par ce dépôt miroir de défendre la même ambition, celle de renforcer notre recherche polaire au bénéfice de la science, de l'environnement et de la paix.

Depuis le milieu du XIXe, les explorateurs tels Jules Dumont d'Urville, Jean-Baptiste Charcot et Paul-Émile Victor sillonnent les hautes latitudes au nom de la science et de la découverte mais aussi pour la grandeur de la France.

Le président de la République, Paul Doumer, évoquait ainsi l'expédition en Antarctique du commandant Charcot : « À quoi bon tant d'efforts, tant de dangers courus, pour connaître une portion de la planète où l'homme ne saurait subsister et dont il ne tirera aucun parti ? Qui le sait ? [...] Il est bien naturel que nous n'entendions ne rien ignorer de la planète que nous habitons. [...] Grâce à Charcot, le pavillon français a flotté dans les mers et sur les terres polaires. C'est grâce à lui que la France n'a pas été absente de ces combats de la civilisation ».

Soldat de l'idéal, ces combats, la France les a menés. Ses aventuriers et ses scientifiques ont fait progresser l'humanité sur le chemin de la connaissance en même temps qu'ils ont assis l'influence de la France dans les instances internationales et installé la présence française en Terre Adélie.

Aux côtés de leurs homologues européens et internationaux, ils ont oeuvré à la conclusion du Traité sur l'Antarctique. Ils ont également nourri les travaux de Michel Rocard, Premier Ministre, initiateur du Protocole de Madrid qui fait de l'Antarctique une réserve naturelle dédiée à la science et à la paix. La voix de la France, grande nation polaire, a donc porté et porte encore grâce à la science qu'elle déploie dans ces régions du bout du monde.

Soixante ans plus tard, le Traité sur l'Antarctique reste un objet juridique à part, un modèle de multilatéralisme protecteur qui a fait la preuve de son efficacité : science et diplomatie sont au service d'un bien commun.

Soixante ans plus tard, aussi fort soit-il, l'héritage de Claude Lorius et de tous les autres grands noms de la conquête polaire ne suffit plus à la France pour parler avec autorité dans les enceintes internationales dédiées aux pôles. L'état de la base antarctique Dumont d'Urville est particulièrement significatif : la sécurité des personnels n'y est que difficilement maintenue et son impact environnemental n'est pas conforme aux exigences dictées par la Convention de Madrid. Depuis trop longtemps les investissements manquent et le retard accumulé rend indispensable une action immédiate et résolue des pouvoirs publics.

Ce constat a été dressé par plusieurs travaux parlementaires récents. En 2021, la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale et l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) ont ainsi alerté sur le long déclin de la France dans ces régions. À l'initiative de l'Assemblée nationale, la loi de finances pour 2022 a permis d'augmenter le plafond d'emplois de l'Institut polaire français de 7 ETP (équivalents temps plein), tandis que la ministre de la Recherche, Frédérique Vidal, décidait de dédier un financement de 7 millions d'euros sur 3 ans à la rénovation de la station Dumont d'Urville.

Lors de l'examen de la loi de finances pour 2023, l'Assemblée nationale s'est à nouveau mobilisée pour obtenir la prise en charge des surcoûts liés à l'inflation des matières premières que l'Institut polaire français ne pouvait seul absorber. Ces difficultés, partagées par la Flotte océanographique française opérée par l'Ifremer, mettaient en suspens la continuité des programmes de recherche polaire, avec le risque de voir les infrastructures terrestres être compromises.

Plus récemment encore, en juin 2023, dans le cadre des travaux du printemps de l'évaluation, le rapporteur spécial du budget Recherche de la commission des Finances a, de même, plaidé pour un renforcement des moyens financiers dédiés à la recherche polaire.

Ces enjeux, par leur importance et leur diversité, appelant une réponse planifiée, le président de la République, M. Emmanuel Macron, a demandé à l'ambassadeur aux pôles et aux enjeux maritimes, Olivier Poivre d'Arvor, de bâtir une stratégie réaffirmant l'ambition polaire de la France. En 2022, la France s'est ainsi dotée d'une « Stratégie polaire à horizon 2030 ».

Il convient, désormais, de donner une traduction budgétaire à la stratégie polaire française. La présente proposition de loi de programmation s'attache ainsi à concrétiser les ambitions portées par la stratégie. Il s'agit notamment de prévoir la reconstruction de la station Dumont d'Urville, le développement de moyens nautiques pour conduire des campagnes océanographiques, l'accroissement des moyens humains et financiers de l'Institut polaire français, l'augmentation des financements dédiés à la réalisation de projets de recherche polaire, correspondant à un effort financier total de près de 449,4 millions d'euros d'ici 2030.

Ainsi,

L'article 1er approuve le rapport annexé qui présente les principales orientations fixées pour les évolutions de la recherche polaire française dans la période 2024-2030 ;

L'article 2 détermine la trajectoire de crédits de paiement des programmes concernés sur la période 2024-2030 ;

L'article 3 crée un rapport annuel relatif à la mise en oeuvre de la politique polaire de la France qui sera remis au Parlement chaque année avant le 1er octobre.

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