EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La transposition de la Directive «Marques» en droit français par l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, relative aux marques de produits ou de services et le décret n° 2019-1316 du 9 décembre 2019, relatif aux marques de produits ou de services a conduit à la définition d'un « nouveau » droit des marques prenant en compte les évolutions économiques et sociétales les plus récentes.

Parmi elles figure la reconnaissance des signes de qualité : l'ordonnance de transposition du 13 novembre 2019, s'agissant des signes de qualité et d'origine, acte des changements importants. Au-delà de la prise en compte des indications géographiques, des spécialités traditionnelles garanties et des mentions traditionnelles pour les vins dans les motifs absolus de refus de protection d'une marque (enregistrement), elle inclut les marques de garantie, dont le régime est ainsi calqué sur celui des marques de certification de l'Union européenne, créées dans le cadre du Règlement sur la marque de l'Union européenne.

L'article 715-2 de ladite ordonnance stipule que « toute personne physique ou morale, y compris les personnes publiques » peut déposer une marque de garantie. Le label national « AB » (Agriculture biologique), est une marque de garantie, comme le label « IGP », européen.

La marque de garantie est une marque qui peut être exploitée par toute personne qui en respecte les règles d'usage déterminées par son propriétaire, à l'inverse de la marque simple qui ne peut être exploitée que par son propriétaire. Une marque de garantie est généralement un label ou une marque dite d'appartenance.

La réforme a en outre permis un renforcement de la protection de la dénomination des entités publiques, cette dénomination étant désormais reconnue comme un droit antérieur à part entière, notamment par un droit à signalement de tentatives indues d'appropriation de celle-ci.

L'objet de la présente proposition de loi est de faire reconnaître explicitement dans le corpus juridique national les marques de territoire en tant que marques de garantie et exploitées en tant que label éponyme, au même titre par exemple que le label AB (Agriculture biologique).

En effet, les évolutions connues depuis une vingtaine d'années au sein des collectivités territoriales françaises, marquées par la conception et l'affirmation d'un nombre croissant de stratégies de markéting ou branding territorial, ont conduit beaucoup d'entre elles à créer des marques de territoire : ainsi, à ce jour, une quarantaine de conseils départementaux français se sont dotés d'une marque de territoire, pour la plupart déclinées en labels attribués par ceux-ci à des acteurs économiques de toutes natures implantés sur leur territoire.

Dans une note du Conseil d'Etat1(*), la Haute Juridiction souligne : « Les actifs immatériels publics sont aujourd'hui pleinement considérés comme des facteurs de compétitivité et de croissance. Ils constituent une ressource majeure pour l'efficience des organisations publiques, la création de valeur socio-économique et le développement de l'attractivité économique des territoires (commune, département, région, autres subdivisions administratives...) et des États. Une marque publique permet de garantir l'origine d'un produit ou d'un service en opérant une distinction claire avec ceux provenant d'une autre entité. Le dépôt d'une marque doit s'inscrire dans une stratégie définie par la personne publique pour que cette marque soit efficace. (...) Dans un environnement de plus en plus compétitif, valoriser leur marque permet à des opérateurs publics à l'instar des musées ou des universités de développer leur notoriété, leur attractivité et de se différencier. La marque permet avant tout de mettre en place une stratégie globale, de donner du sens et de se développer de façon cohérente. La marque collective issue de l'article L. 715-7 du CPI et la marque de garantie issue de l'article L. 715-1 du même code, pour lesquelles le titulaire de l'enregistrement définit un règlement d'usage, peuvent jouer un rôle important dans la garantie de qualité des produits et services que des entités publiques sont susceptibles de proposer au public. »

Il est donc proposé d'instituer par la loi un dispositif spécifique et homogène sur le territoire national de reconnaissance des marques de territoire. Il sera conçu sur le modèle juridique des marques :

Ø Agriculture biologique (AB), certification contrôlée par l'Agence bio, sous la tutelle du ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire,

Ø Label Rouge, label national, concernant l'ensemble des propriétés et des caractéristiques d'un produit alimentaire et produits agricoles non alimentaires respectant un cahier des charges et homologués par un arrêté interministériel,

Ø HVE, délivrée sous le contrôle de la Commission nationale de certification environnementale (CNCE), créée le 25 octobre 2011 pour suivre la mise en oeuvre du dispositif et composée de représentants de l'État, des syndicats agricoles, d'associations agréées pour la protection de l'environnement, de l'industrie agro-alimentaire, de la distribution et d'organisations de consommateurs2(*).

Le label national « Marque de territoire » sollicité par les collectivités territoriales ou leur groupements permettra d'attester de l'origine d'un ou de produit(s) ou service (s) en distinguant ceux-ci, de manière explicite, de ceux provenant d'autres entités géographiques et sous réserve que ladite marque justifie3(*) :

o d'un sens, constitué par les valeurs, la promesse, le positionnement de la marque ;

o de signes distinctifs, correspondant à l'identité visuelle (logo, typographie, signature, graphisme) de la collectivité ou groupement de collectivités qui en est l'expression ;

o d'actes, par lesquels la marque se trouve incarnée et positionnée, portés à la connaissance du plus large public.

Il sera délivré par arrêté ministériel, après avis d'une Commission nationale de labellisation des marques de territoire, sous la double tutelle du Ministère de l'intérieur et des outre-mer et du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Elle assurera le suivi de mise en oeuvre du dispositif et sera composée de représentants de l'État et des fédérations de collectivités (Association des Régions de France, association des Départements de France, Intercommunalités de France, AMF).

* 1 Famille “domanialité”, Fiche 8 Marques publiques (Version 2021/2022)

* 2 Textes réglementaires relatifs à la certification environnementale :

- Article 109 de la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement ;

- Code rural et de la pêche maritime : articles D. 611-18 à D. 611-21 relatifs à la Commission nationale de la certification environnementale, articles D. 617-1 à D. 617-18 relatifs à la certification environnementale des exploitations agricoles, articles D. 617-19 à D.617-27 relatifs aux dispositions concernant les organismes certificateurs, article R. 641-57 relatif à la mention valorisante « issu d'une exploitation haute valeur environnementale ».

* 3 Par référence aux prescriptions du cahier pratique de la mission d'appui au patrimoine immatériel de l'Etat (APIE)