EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La mission d'information du Sénat sur « le bâti scolaire à l'épreuve de la transition écologique », constituée en février 2023 et dont le rapport a été adopté le 28 juin, a souhaité réfléchir aux conséquences de la transition écologique des écoles, collèges et lycées, qui représentent à eux seuls, en superficie, la moitié des bâtiments publics des collectivités territoriales.

Le contexte environnemental actuel (adaptation au changement climatique, amélioration de la performance énergétique, réduction des émissions de gaz à effet de serre...) souligne l'urgence des questions posées par la transition environnementale de ces bâtiments, rendue obligatoire par les engagements européens de la France et dont l'évolution des prix de l'énergie renforce l'intérêt. 

L'importance de ces bâtiments pour les élus qui en sont responsables et le nombre considérable de leurs usagers leur confèrent une place spécifique dans le patrimoine des collectivités territoriales, accrue par leur dimension symbolique : deux communes sur trois disposent en effet d'au moins une école, ce « poumon du village », selon le témoignage d'un élu local recueilli par la mission d'information.

La transition énergétique des bâtiments scolaires, comme celle des autres bâtiments publics, est une obligation légale pour les communes, départements et régions. De nombreuses collectivités n'ont d'ailleurs pas attendu, pour engager cette démarche, la mise en place de ce cadre juridique, qui se traduit par des exigences en termes de baisse des consommations d'énergie et d'émission des gaz à effet de serre et, plus récemment, d'amélioration de la qualité de l'air intérieur, enjeu de santé publique révélé par la crise sanitaire.

La mission d'information a fait le constat des nombreux défis auxquels se heurtent les collectivités territoriales souhaitant assurer la transition écologique des bâtiments scolaires :

- la complexité particulière de ces projets, compte tenu de la nécessité de mener de front des chantiers complémentaires et de concilier des exigences parfois concurrentes (rénovation énergétique, lutte contre les vagues de chaleur, qualité de l'air intérieur, préservation du patrimoine) ;

- l'impossibilité d'évaluer précisément le coût des travaux en l'absence de « budget-type » ; la mission d'information a été alertée par des élus sur des risques de dérive des coûts et sur des dépassements fréquents et importants de leurs dépenses par rapport aux estimations initiales ;

- un accès insuffisant à l'ingénierie, plus particulièrement pour les petites communes, alors même que la diversité des acteurs de l'ingénierie locale est une source de perplexité pour de nombreux maires, singulièrement en milieu rural ;

- une recherche de financements que nombre d'élus assimilent à un « parcours du combattant », dont il résulte une sous-consommation paradoxale de certains fonds qui s'explique notamment par une insuffisante prévisibilité des dotations et subventions (alors que les élus aspirent à une logique pluriannuelle pour l'accès à ces aides), par le recours aux appels à projets, avec des calendriers différents en fonction des guichets, par le coût des études préalables nécessaires pour obtenir certains financements, parfois hors de portée pour les communes, et par l'obstacle que constitue le « reste à charge » minimal de 20 % des financements apportés par des personnes publiques, que l'article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales (CGCT) impose aux maîtres d'ouvrage.

Les 12 recommandations qui concluent le rapport de la mission d'information visent donc à renforcer l'accompagnement des collectivités territoriales dans leurs projets de rénovation écologique des écoles, collèges et lycées en améliorant l'information des élus et leur accès à l'ingénierie, en simplifiant l'accès des collectivités territoriales aux dotations et subventions (DETR, DSIL, Fonds vert...) et en mettant en place un pilotage coordonné de la transition environnementale des bâtiments scolaires.

Cette proposition de loi tire les conséquences de la recommandation n° 9, destinée à étendre aux investissements ayant pour objet la rénovation énergétique des bâtiments scolaires la faculté ouverte aux préfets, en fonction de la capacité financière des maîtres d'ouvrage, de moduler le seuil de 20 % précédemment évoqué.

La règle générale fixée par l'article L. 1111-10 le CGCT est d'ores et déjà assortie de diverses dérogations, à l'appréciation du préfet, que cette proposition de loi vise à élargir aux investissements concernant la rénovation énergétique des bâtiments scolaires.

Des dérogations sont ainsi prévues, en matière de rénovation des monuments, lorsque la participation minimale de 20 % est « disproportionnée au vu de la capacité financière du maître d'ouvrage », en fonction des critères suivants : les investissements concernent des monuments protégés ; la dérogation est justifiée par l'urgence ou la nécessité publique.

D'autres dérogations visent :

- les projets d'investissement concernant les ponts et ouvrages d'art, les équipements pastoraux, la défense contre l'incendie ainsi que la construction, la reconstruction, l'extension et les réparations des centres de santé, lorsque la participation minimale est « disproportionnée au vu de la capacité financière du maître d'ouvrage » ;

- la réparation des « dégâts causés par les calamités publiques », « au vu de l'importance des dégâts et de la capacité financière des collectivités territoriales [...] intéressées » ;

- les « projets d'investissement destinés à restaurer la biodiversité au sein d'un site Natura 2000 exclusivement terrestre [...] compris sur le territoire d'un commune de moins de 3 500 habitants ou d'un groupement de collectivités territoriales de moins de 40 000 habitants qui en assure la maîtrise d'ouvrage » : ces dérogations sont décidées « au vu de l'importance de la dégradation des habitats et des espèces » et si « la participation minimale est disproportionnée au vu de la capacité financière du maître d'ouvrage ».

Enfin, l'article L. 1111-10 du CGCT fixe à 10% la participation minimale du maître d'ouvrage pour les investissements réalisés par des EPCI à fiscalité propre de Corse en matière d'eau potable, d'assainissement, de voirie communale, d'élimination des déchets et de protection contre les incendies de forêts, lorsque ces projets « n'entrent pas dans le champ de compétence communautaire ».

On notera que l'article 3 de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023 relative à l'accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 a autorisé le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance, dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, « toute mesure relevant du domaine de la loi destinée à faciliter la réparation des dommages directement causés par les actes de dégradation et de destruction liés aux troubles à l'ordre et à la sécurité publics survenus du 27 juin 2023 au 5 juillet 2023 » en recourant notamment à des dérogations à l'obligation de participation minimale prévue à l'article L. 1111-10 du CGCT.

Compte tenu des enjeux de l'adaptation du bâti scolaire à la transition environnementale et du défi que constituent ces investissements pour les collectivités, plus particulièrement sur le plan budgétaire, il est urgent de permettre une réévaluation, en fonction de la situation financière des maîtres d'ouvrage, du seuil de 20 % et de limiter celui-ci à 10 % des financements publics pour la rénovation écologique de ces bâtiments, comme le CGCT le prévoit déjà à l'égard de certains investissements.

Compte tenu des difficultés particulières auxquelles se heurtent certaines communes - plus particulièrement les petites communes, et notamment en milieu rural - pour financer la rénovation énergétique des écoles, les auteurs de la présente proposition de loi estiment que cette modification de l'article L. 1111-10 du CGCT devrait en principe faciliter au premier chef les investissements des communes en matière de bâti scolaire, sans naturellement exclure que la faculté ouverte au représentant de l'État dans le département s'applique aux investissements des autres collectivités lorsque la situation financière de celles-ci le justifie.