EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'aéroport Paris-Orly est localisé sur les communes dOrly, Rungis, Thiais et Villeneuve-le-Roi dans le Val-de-Marne (94) et Wissous, Chilly-Mazarin, Morangis, Paray-Vieille-Poste et Athis-Mons en Essonne (91).

Sa situation est unique en France. Implanté sur une emprise de plus de 1 500 hectares, il est enclavé dans un tissu urbain dense - 3 500 habitants au km2 - qui préexistait à la construction de cette plateforme. L'impact est réel tant sur la qualité de vie des riverains que sur la dégradation et la dépréciation du cadre de vie des communes survolées avec une paupérisation croissante et des contraintes fortes en matière durbanisme.

De fait, l'aéroport Paris-Orly est l'objet de nombreuses critiques. Cependant, en fuyant les symboles et en étant pragmatiques, il est possible de résoudre l'équation entre trafic aérien et qualité de vie. Cet équilibre repose sur plusieurs enjeux.

Premier enjeu, l'aéroport Paris-Orly a longtemps été le seul aéroport dEurope dans lequel les atterrissages et décollages étaient interdits la nuit, entre 23 h 30 et 6 h du matin. Pourtant, le nombre dexceptions et dirrégularités aÌ ce couvre-feu a augmenté considérablement depuis la crise de la Covid. Ces vols abusifs font peser une nuisance forte sur les riverains.

En effet, le couvre-feu mis en place sur l'aéroport Paris-Orly connaît régulièrement des dérogations délivrées par la Direction Générale de l'Aviation Civile. Malgré leur nombre réduit, leur impact sur les populations survolées de nuit, en particulier à basse altitude, est très important. Il convient de limiter les dérogations aux vols non-commerciaux et sanitaires.

Dans 20 % des cas aucune sanction nest prononcée. En 2017, 19 dossiers ont été analysés et ont tous fait l'objet damendes administratives. En 2018, 24 dossiers ont été analysés et sanctionnés. Depuis le début de 2019, 11 dossiers examinés ont débouché sur des amendes. Parmi les 81 dossiers en cours dinstruction pour l'aéroport Paris-Orly, 72 sont relatifs au non-respect des couloirs aériens.

Deuxième enjeu, les riverains sont nombreux à demander un plafonnement du nombre de vols et une extension de son couvre-feu, de nature à mettre en danger une activité économique non négligeable. L'aéroport Paris-Orly est le premier employeur de la Région Île-de-France. Il représente un secteur industriel essentiel avec des fleurons internationaux comme Airbus, une attractivité et un rayonnement global à l'échelle du pays. Un aéroport n'est pas une entreprise comme les autres : cest un outil stratégique de politique économique.

Localement,l'aéroport Paris-Orly est un pôle de développement économique majeur du territoire francilien. À titre d'exemple, il a soutenu en 2016, 157 440 emplois en France, dont 28 360 emplois directs, ce qui représente 18 % des retombées totales en emplois générées par la plateforme. 17 % des emplois sont soutenus dans la chaîne de fournisseurs française. Les retombées induites par la consommation des ménages et la fiscalité des entreprises directes et indirectes représentent 13 % des emplois soutenus. Les retombées liées aÌ l'effet catalyseur représentent 52 % des retombées totales en emplois.

Enfin, 91 % des emplois soutenus par l'aéroport Paris-Orly se situent dans sa zone dinfluence, représentant 4 % des emplois de la région Île-de-France, soit 68 900. Le Val-de-Marne est le département le plus impacté en nombre demplois avec 37 100 emplois, soit 54 % des emplois soutenus par l'activité de l'aéroport dans la région.

Troisième enjeu, dans un trafic mondial est en pleine expansion, plus le transport aérien rejette du CO2, plus il faut acheter des avions. 60% de la flotte mondiale a plus de huit ans, et est composée dengins dancienne génération. En 2015, d'après le ministère de l'environnement, les émissions totales de CO2 du secteur aérien en France s'élevaient à 22,1 millions de tonnes. Au niveau international, le trafic aérien a généré plus de 448 millions de tonnes de CO2, tandis que les prévisions les plus alarmistes prévoient un triplement de ces émissions à l'horizon 2050, soit environ 1 500 millions de tonnes par an.

Si on veut parvenir à l'aviation net zero à l'horizon 2050, les transporteurs doivent s'équiper dappareils de nouvelle génération, qui économisent 20 % de kérosène par rapport à la précédente. La prochaine génération dappareils, qui commencera à être développée à la fin de la décennie, devra faire un saut technique hors norme pour ses moteurs, son aérodynamisme, et économiser un tiers de carburant par rapport à la précédente. Sans compter le travail de décarbonation nécessaire à la production des carburants vers à base d'huiles usées, de déchets végétaux, ou même dhydrogène de l'air, sans oublier les opérations réalisées au sol.

Quatrième enjeu, la révision du Plan d'exposition au bruit (PEB) de l'aéroport Paris-Orly a étendu son périmètre renforçant considérablement les contraintes d'urbanisme à une zone toujours plus étendue. Ainsi la dépréciation du cadre de vie des communes survolées ainsi que leur paupérisation croissante sont réelles. Par ses mesures protectrices le PEB maintient les riverains dans une situation précaire, propriétaire dun bâti délabré, encourageant la division parcellaire de pavillons individuels.

Pour conclure, seuls 20 % des Français estiment qu'il faut réduire le trafic aérien, par exemple en taxant davantage le prix des billets ou en imposant un nombre maximum de vols dans une vie. 80 % pensent au contraire qu'il faut développer de nouvelles technologies pour décarboner et continuer à utiliser l'avion.

L'objectif de cette proposition de loi est avant tout de faire respecter le couvre-feu sur l'Aéroport Paris-Orly en le rendant plus contraignant, tout en améliorant la qualité de vie des riverains et en donnant davantage de moyens aux maires pour maîtriser l'urbanisme de leur commune, sans pénaliser un secteur économique en plein essor. Pour se faire, les activités aériennes et aéroportuaires doivent sinscrire dans un cadre plus strict de respect de l'environnement, de lutte contre le dérèglement climatique, et de la préservation de la qualité de vie des riverains dont le droit à la tranquillité doit être respecté.

L'article 1er vise à renforcer les amendes administratives mentionnées à l'article L. 6361-12 pour une personne morale. Fixant l'amende à 40 000 € par manquement constaté. Ce montant maximal est porté à 80 000 € lorsque le manquement concerne les restrictions permanentes ou temporaires d'usage de certains types d'aéronefs en fonction de leurs émissions atmosphériques polluantes ou de la classification acoustique, ainsi que les mesures de restriction des vols de nuit.

L'article 2 précise qu'en cas de récidive ces amendes peuvent être doublées.

L'article 3 rend obligatoire leur communication auprès des usagers au frais des personnes sanctionnés.

L'article 4 vise à limiter drastiquement le nombre de dérogation, ne pouvant être accordée que par le secrétaire général à l'aviation civile.

L'article 5 limite par décret la part des avions les plus bruyants et notamment les avions-gros porteurs ne devraient pas constituer plus de 8,5 % du trafic annuel sur l'aéroport Paris-Orly, afin d'encourager le renouvellement des flottes commerciales.

L'article 6 crée une nouvelle section dans le code de lenvironnement, sur les « dispositions particulières à l'aéroport dOrly », afin dinscrire dans la loi des dispositifs permettant de protéger au mieux les riverains des nuisances subies. En l'occurrence, il fixe à 200 000 la limite du nombre de créneaux horaires attribuables par le coordonnateur de l'aéroport dOrly sur deux périodes de planification horaire consécutives (été et hiver). Cette proposition sinspire dun mouvement lancé par le gouvernement néerlandais, qui a décidé de diminuer le trafic de l'aéroport dAmsterdam-Schipol, l'une des plus grandes plateformes européennes, passant de 440 000 mouvements dici 2025 contre 500 000 avant la pandémie.

L'article 7 vise rendre conforme le PPBE de l'aéroport Paris-Orly avec les objectifs du PPBE de la Métropole du Grand Paris, autorité compétente en la matière, adopté à l'unanimité le 4 décembre 2019 concernant cette plateforme aéroportuaire à étendre le couvre-feu en vigueur, de 30 minutes, à la fois pour les dispositions concernant les atterrissages (entre 23 h 15 et 6 h 30) et les décollages (entre 23 heures et 6 h 15). Cette extension du couvre-feu se fera sous réserve de la préservation des équilibres économiques des activités aériennes et aéroportuaires.

L'article 8 le gouvernement organise un débat au Parlement, tous les ans après la promulgation de la présente proposition, sur la décarbonation du secteur aérien et les moyens mis en oeuvre pour y parvenir. La décarbonation est la quatrième révolution de l'aéronautique. La première consistait à faire voler des engins plus lourds que l'air. La deuxième, à le faire en sécurité. La troisième à démocratiser le voyage aérien. L'enjeu est de réussir la décarbonation sans remettre en cause aucune des trois étapes précédentes.

L'article 9 inscrit dans la loi un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2025.

L'article 10 vise à adapter les critères de loi SRU en exemptant les communes les plus exposées aux nuisances sonores, par l'exemption de la zone C du PEB, impliquant une baisse significative de la population comme de la valeur du patrimoine. Cet article doit permettre de mener des opérations de renouvellement urbain avec accord préfectoral, spécialement pour les communes situées à proximité de l'Aéroport Paris-Orly construit en zone fortement urbanisée.