EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le combat pour le droit des femmes est une lutte qui trouve ses origines dans un passé profondément défavorable à la condition féminine. Si l'égalité en droit entre les hommes et les femmes est inscrite dans la Constitution, il existe toujours de nombreuses inégalités financières entre les sexes. Divers problèmes persistent puisqu'en moyenne les femmes vivant en couple gagnent environ 42% moins que leur conjoint. Ce phénomène s'explique en grande partie par le cadre juridique français qui limite encore directement, ou indirectement l'émancipation des femmes en matière financière et patrimoniale.

Il est alors nécessaire d'agir en faveur de l'égalité financière entre les hommes et les femmes, pas seulement pour des questions de justice sociale mais également pour des questions de croissance économique. Puisqu'il est essentiel de continuer ce combat en faveur de l'égalité des sexes, cette proposition de loi vise à mettre fin à certains biais inégalitaires, en faisant de la gestion financière et patrimoniale un vecteur de justice sociale entre les hommes et les femmes. Ce texte a été déposé à l'Assemblée nationale par Marie-Pierre RIXAIN, ancienne présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Un des premiers biais financiers représentant un rempart à l'égalité de fait entre les hommes et les femmes est celui de l'imposition commune d'un foyer. Une imposition commune augmenterait de 6 points le taux d'imposition marginale du conjoint ayant le plus petit revenu alors qu'il diminuerait de 13 points le taux d'imposition marginale du conjoint avec le plus haut revenu. Ce qui signifie que plus l'écart entre les salaires est grand, au plus cela est fiscalement avantageux pour les foyers. Or dans 78% des cas la personne avec le revenu le plus bas se révèle être une femme. A l'inverse, un impôt individualisé augmenterait le taux de participation des femmes à la vie active de 0,6 points. En France, l'impôt sur les foyers fiscaux est par défaut un impôt qui ne tient pas compte du revenu de chaque individu mais qui s'applique sur l'ensemble des revenus des deux individus. Pourtant, il est légal de choisir un régime fiscal individualisé mais ce choix n'est pas celui proposé par défaut. Instaurer par défaut ce mode de prélèvement permettrait une meilleure répartition de la charge fiscale entre hommes et femmes. C'est pourquoi, l'article 1er prévoit que le mode d'imposition institué par défaut soit un taux d'imposition individualisé et non plus un taux d'imposition commun aux deux conjoints.

Si des inégalités apparaissent parfois dans le couple, elles ne disparaissent pas après le divorce bien au contraire. Des mesures sont mises en place pour faire en sorte que chaque conjoint vive dignement. C'est le cas des prestations compensatoires, qui, si elles sont versées dans un délai de moins de 12 mois après le jugement sont déductibles pour le débiteur et non imposable pour le bénéficiaire. Toutefois, si elles sont versées sous forme de rente ou bien plus de 12 mois après le jugement sont à la fois déductibles pour le débiteur et imposable pour le bénéficiaire. Ce biais fiscal en faveur des débiteurs peut alors constituer une injustice à l'encontre des bénéficiaires, qui sont bien souvent des femmes. En plus de devoir recevoir un paiement différé, les bénéficiaires voient également la somme qu'ils devaient acquérir amoindrie par les taxes. L'article 2  prévoit alors que les prestations compensatoires versées sur une période supérieure à 12 mois ne soient pas considérées comme un revenu imposable pour les bénéficiaires.

Les inégalités financières entre hommes et femmes peuvent parfois aussi résulter de poursuites injustifiées de la part de l'Etat. Dans le cas d'un PACS ou même d'un mariage, bien que les conjoints n'aient pas de devoir de transparence absolue sur leurs activités professionnelles, l'autorité fiscale est en mesure de réclamer des comptes à chacun des deux individus, indépendamment des origines ou de l'auteur de l'infraction. Bien souvent des femmes sont poursuivies pour des fraudes commises par leur ex-conjoint, 80% des demandes en décharge de solidarité porte d'ailleurs sur une dette fiscale issue du contrôle fiscal d'un ex-conjoint dans le cadre de son activité professionnelle. Il n'est pas rare que la justice continue de poursuivre le conjoint innocent plusieurs années après le divorce. Pour échapper à cela, les conjoints innocents font alors une demande de décharge en responsabilité solidaire. Afin que cette démarche puisse être effective trois conditions sont à remplir : une rupture de la vie commune, une absence d'irrégularité fiscale depuis la rupture et une disproportion marquée entre la dette fiscale et la situation financière et patrimoniale du demandeur. La notion de « disproportion marquée » est vague, ce qui amène l'administration fiscale à refuser les demandes sur le fondement de ce critère pour toutes les personnes actives. C'est pourquoi l'article 3 vise à supprimer la notion de « disproportion marquée » afin que la décharge de solidarité puisse être une démarche porteuse de justice sociale pour tous les individus.

Les inégalités financières entre hommes et femmes concernent aussi le champ de l'investissement. En France le dispositif « Madelin » a grandement contribué à ce que les Français investissent, puisqu'il permet un abattement fiscal sur le revenu correspondant à 25 % des sommes investies. Cependant ce dispositif est soumis au plafonnement global des avantages fiscaux qui est à hauteur de 10 000 €. Ce plafond prend en compte notamment les frais de garde d'enfant. Le rattachement du dispositif Madelin à ce plafond contribue ainsi à détériorer son attractivité notamment pour les familles monoparentales qui sont constituées à 85% de mères célibataires. C'est donc pour toutes ces raisons que l'article 4 prévoit que le dispositif Madelin soit inscrit dans le plafonnement global des réductions d'impôts à hauteur de 18 000 €.

L'article 5 prévoit d'ajouter la notion d'égalité homme femme à la liste des champs permettant de bénéficier d'une réduction d'impôt pour les associations. Les organisations féministes, véritables pionnières de la conquête du droit des femmes, sont elles aussi victimes d'injustice et d'inégalité puisqu'elles ne sont pas couvertes par l'article 200 du code général des impôts, les empêchant d'être systématiquement  reconnues comme des associations d'intérêt général. Cette non prise en compte peut amener ces associations à ne pas pouvoir bénéficier de fonds publics ainsi que d'être dans l'incapacité de fournir un rescrit fiscal à leurs adhérents.

Il est également important d'oeuvrer pour l'égalité homme femme dans le domaine successoral qui est une clé pour parvenir à une égalisation des situations entre hommes et femmes. D'autant plus que cette égalité n'est toujours pas effective, puisque l'égalité entre les héritiers est aujourd'hui une égalité en valeur et non pas en nature. Les garçons reçoivent la plupart du temps l'héritage familial en nature que ce soit des entreprises, des biens ou des terrains, tandis que les filles ne reçoivent, quant à elles, que de simples compensations financières, souvent sous-évaluées par rapport à la valeur des parts en nature. Ce fondement du droit successoral a fait passer la différence de patrimoine entre les hommes et les femmes de 9% à 16% entre 1998 et 2015. L'article 6 propose d'instaurer une égalité à la fois en valeur et en nature entre les héritiers. Il vise également à réécrire les seules références aux fils et au père afin d'abroger l'héritage patriarcal qui imprègne encore le droit français.

Enfin l'article 7 garantit la recevabilité financière de cette proposition de loi.