EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi vise à réactualiser la proposition de loi N°813 enregistrée à la Présidence du Sénat le 27 septembre 2014 déposée par le même auteur, le sujet demeurant plus que jamais d'actualité. 

Parler de la presse et des journalistes ne va pas sans mentionner leur rôle essentiel dans la société ,et la mort tragique de dizaines d'entre eux lors de conflits armés, assassinés pour empêcher leur travail d'investigation ou morts dans le cadre de leur travail d'information de leurs concitoyens.

Pensons à Ghislaine Dupont et Claude Verlon, enlevés et exécutés le 2 novembre 2013 dans le nord du Mali, près de Kidal. Les deux journalistes effectuaient un reportage pour Radio France International, dans cette région d'Afrique où règne l'insécurité, dix mois après le déclenchement de l'Opération Serval.

Plus récemment, en date du 9 mai 2023, d'Arman Soldin, journaliste français à l'AFP qui couvrait la guerre en Ukraine, est mort à 32 ans, suscitant une vive et légitime émotion.

 Plus  de 1.000 journalistes ont été tués dans le monde en 10 ans selon les chiffres l'UNESCO, donnés lors de la Conférence de Vienne où les Nations Unies dressaient le bilan des 10 ans de leur « Plan pour la sécurité des journalistes » le 4 novembre 2022.

L'existence d'une presse pluraliste, indépendante et libre constitue un pilier de notre République et de la démocratie. C'est la raison pour laquelle l'activité de la presse et des médias est largement subventionnée par les fonds publics. 

La presse, ses acteurs, sa qualité, sont donc au coeur des débats non seulement des politiques et des professionnels mais aussi des citoyens, jamais l'information libre et éclairée n'a été aussi essentielle dans un mode pavé de complotisme et de fake news, sans parler de l'immixtion de l'intelligence artificielle dans notre quotidien.

Concomitamment on observe une financiarisation du secteur et son « appropriation » par des groupes financiers ou industriels dont l'activité principale est parfois très éloignée du journalisme et de ces acteurs, mais dont les objectifs sont clairs : dominer le secteur des médias et influencer l'opinion.

Les liens entre presse et le milieu politique sont l'objet de multiples débats et de controverses. Comment concilier l'éthique journalistique et la réalité capitalistique attirée par ce quatrième pouvoir ?

Cette question et la porosité entre le monde des affaires et celui des médias s'est encore aggravée récemment et depuis le mois de juin 2023. 

En effet, l'ancien directeur de la rédaction de Valeurs Actuelles, Geoffroy Lejeune a été nommé à la tête de l'hebdomadaire le Journal du Dimanche qui dépend du groupe Lagardère. Ce dernier ayant comme premier actionnaire Vincent Bolloré. Geoffroy Lejeune était directeur lorsque VA à fait sa Une dégradante sur Danièle Obono. Le journal a été condamné.

La Société des journalistes du JDD a voté itérativement la grève, contestant massivement cette nomination, à ses yeux politique, faisant naître de nombreuses suspicions sur la future ligne éditoriale en affichant ainsi une promiscuité marquée avec l'extrême droite, qu'elle estime éthiquement problématique.

L'intervention du législateur est plus que jamais nécessaire pour rééquilibrer les relations entre les acteurs des entreprises de presse et plus particulièrement entre les équipes rédactionnelles et les directions. 

L'éthique journalistique devient un enjeu majeur pour les Français qui montrent une grande défiance à l'égard des médias, à l'heure de tous les complotismes.

C'est dans ces conditions qu'il semble impératif d'attribuer la reconnaissance juridique à l'équipe rédactionnelle en lui conférant toutes les prorogatives liées à ce statut comme la capacité d'ester en justice.

Ainsi la reconnaissance d'un statut juridique des équipes rédactionnelles les doterait de la capacité à s'opposer collectivement à tout ce qui pourrait contrevenir à l'éthique des journalistes comme les atteintes à la liberté d'expression et le droit d'informer correctement les citoyens. 

La présente proposition de loi vise à insérer un article nouveau dans la loi du 29 Juillet 1881, après son article 6, article consacré aux droits des rédactions.