EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les dépôts sauvages de déchets constituent une menace grave pour l'environnement. Ils peuvent être le fait de particuliers mais sont le plus souvent imputables à des entreprises peu scrupuleuses qui préfèrent se débarrasser des déchets résultant de leur activité plutôt que de les apporter en déchetterie aux fins d'y être traités.

Les dépôts de matériaux peuvent également résulter de l'activité de groupes criminels se livrant à des trafics illicites dans l'enceinte de campements installés sur des terrains publics ou privés.

Ces trafics (notamment le vol, le recyclage et le commerce de ferrailles), qui constituent indéniablement des atteintes à l'ordre public, causent des dommages gravissimes à l'environnement : pollution des sols et des terres agricoles, destructions irrémédiables de sites naturels, montagnes de déchets (pneumatiques, ferrailles, épaves de voiture, électroménager usager, plastiques).

La répétition de ces atteintes à l'ordre public et à l'environnement exaspère très légitimement les municipalités et les populations des villes ou villages concernés, qui attendent une action résolue des pouvoirs publics.

Les moyens de réprimer les comportements inciviques en matière de gestion des déchets se sont multipliés dans les années récentes à mesure que se développait un corpus législatif et réglementaire conséquent.

Les sanctions administratives et pénales permettent de couvrir une large palette d'infractions, qu'elles soient le fait de personnes physiques ou de personnes morales ayant une activité à caractère commercial.

Le dispositif de sanction administrative relève pour l'essentiel de l'article L. 541-3 du code de l'environnement. Les sanctions pénales sont, quant à elles, dispersées dans différents codes (code pénal, code de l'environnement, code forestier).

Les sanctions prévues par le code pénal, qui sont des peines contraventionnelles, permettent de viser tous types de contrevenants, notamment les ménages.

Les sanctions pénales issues du code de l'environnement recouvrent les délits prévus à l'article L. 541-46 du code de l'environnement. Ces délits sont punissables de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende. Compte tenu de leur nature, les infractions énumérées à l'article L. 541-46 ne peuvent concerner que des activités commerciales.

Dès lors que l'auteur des faits est connu et que l'infraction a été constatée, y compris au moyen de la vidéosurveillance ainsi que le permet l'article L. 251-2 du code de la sécurité publique, le pouvoir de police du maire peut s'exercer avec toute l'efficacité souhaitée.

La répression des infractions est en revanche beaucoup plus aléatoire lorsque l'auteur des faits n'a pas été identifié. Dans la plupart des cas, le dépôt a lieu sans témoin. Les situations de flagrance sont rares et l'identification de l'auteur de l'infraction s'avère quasiment impossible.

La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire dite loi « AGEC » représente une avancée importante en matière de lutte contre les dépôts sauvages des déchets issus de l'activité du bâtiment, qui constituent une part importante des déchets déversés illégalement dans l'environnement.

Le déploiement, depuis le 1er janvier 2023, d'une filière à responsabilité élargie du producteur des déchets du bâtiment, aura des effets positifs certains sur la réduction du nombre de décharges sauvages puisqu'elle permettra aux acteurs de la filière, qu'ils soient metteurs sur le marché ou détenteurs de déchets, de trouver des débouchés concrets pour leur activité, avec des points d'apport volontaire et des déchetteries professionnelles nombreux, accessibles gratuitement. Ce dispositif apportera des solutions de proximité adaptées aux besoins des entreprises et artisans de la construction. Par ailleurs, la loi organise la prise en charge, par les filières de produits, du nettoiement et de la remise en état des sites pollués au prorata des déchets présents dans les décharges sauvages.

Pour autant, il apparaît illusoire de pouvoir résorber rapidement les décharges illégales constituées de centaines de tonnes de produits et matériaux divers accumulés au fil du temps, et assurer la dépollution des sols. A ce jour, les élus locaux, comme ceux de Champlan, Longjumeau, Palaiseau, Villejust, Saulx-les-Chartreux et Villebon-sur-Yvette, en Essonne, se trouvent dans une impasse technique, financière et environnementale. Dans ces conditions, il appartient à l'État et à ses services déconcentrés de mobiliser les acteurs de la prévention et de la gestion des déchets pour mettre en oeuvre sans délai les dispositifs de la loi AGEC visant à la résorption des dépôts sauvages.

S'agissant des emprises privées, la question de leur nettoiement se pose avec une plus grande acuité, leurs propriétaires n'ayant bien souvent pas les moyens financiers de faire face au coût exorbitant du ramassage des déchets et de leur transport vers les installations de traitement permettant leur élimination ou leur valorisation finale. Pour autant, la possibilité juridique d'occuper temporairement un terrain privé aux fins d'y ramasser des matériaux ou de réaliser des opérations de dépollution et de remise en état existe et il conviendrait de mettre en oeuvre les dispositions afférentes de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics.

La présente proposition de loi vise à renforcer l'efficacité de la lutte contre les dépôts illégaux de déchets en prévoyant que la collectivité territoriale ou le groupement compétent en matière de ramassage et de traitement des déchets assure gratuitement la collecte et le traitement des déchets non dangereux déposés illégalement sur un terrain privé afin d'assurer leur élimination ou leur valorisation finale, lorsque leur quantité estimée ne dépasse pas un seuil défini par décret.

Si certains des déchets déposés sont dangereux ou si leur quantité dépasse le seuil prévu, les opérations de collecte et de remise en état du site incomberont exclusivement aux éco-organismes pour les déchets issus de produits relevant de leur agrément. Il est à noter que la collecte des déchets est mise en oeuvre à la demande de la personne physique ou morale propriétaire ou titulaire d'un droit d'usage du terrain sur lesquels les déchets ont été déposés, à l'exception des cas où cette personne a elle-même commis, concouru à commettre ou autorisé le dépôt illégal (article 1er).

Par ailleurs, la présente proposition de loi tend à combler un vide juridique en matière d'utilisation de la vidéoprotection, soulevé par les élus locaux.

En effet, si le recours à la vidéoprotection peut s'avérer utile lorsque certains lieux publics font régulièrement l'objet d'apports illégaux de déchets, le titulaire du certificat d'immatriculation ou le représentant légal de la personne morale titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule ayant servi à commettre l'infraction n'est pas contraint, en l'état actuel de la législation, de révéler l'identité de l'auteur de celle-ci.

En conséquence, la communication de l'identité du conducteur est rendue obligatoire, le défaut de communication étant puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe (article 2).