EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Pouvoir connaître une fin de vie apaisée et digne est un souhait partagé par la quasi-totalité de nos concitoyens. Or, comme nous le rappelle régulièrement lactualité, nombreuses sont les personnes qui décèdent encore dans des conditions souvent très éloignées de ce qu'elles avaient espérées.

Depuis le début des années 2000, la législation française a déjà connu à plusieurs reprises des évolutions législatives. Pourtant, les questions liées à la fin de vie nont pas toutes trouvé une réponse.

La dernière loi, dite Claeys-Leonetti, votée en 2016, reste insuffisante, se limitant à permettre dans certains cas la sédation profonde et continue. La législation encadrant la fin de vie est mal connue, tant par les patients que par les soignants et les directives anticipées sont rares.

Laccès aux soins palliatifs reste également insatisfaisant, comme en atteste le rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) publié le 10 avril 2018, selon lequel « l'offre de soins palliatifs demeure en France quantitativement insuffisante au regard des besoins actuels et de leur évolution prévisible à moyen terme ».

Le rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale, publié le 29 mars 2023, sur l'évaluation de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, confirme les conclusions du CESE et fait lui aussi état des difficultés de mise en oeuvre du droit à la sédation profonde et continue instauré par la loi de 2016.

Dans l'état actuel du droit, de nombreuses personnes sont donc amenées à partir à l'étranger, quand elles en ont les capacités physiques et financières, pour y terminer leur vie conformément à leurs souhaits. Cela conduit à des inégalités considérables face à la fin de vie.

Cette proposition de loi, qui sinspire des travaux réalisés par lAssociation pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), répond à la nécessaire évolution de la législation vers une aide active à mourir, seule voie permettant douvrir et de faciliter le libre choix de nos concitoyens pour leur fin de vie. Dans un avis rendu public le 13 septembre 2022, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), qui s'était auto-saisi du sujet en juin 2021, estime en effet qu'il « existe une voie pour une application éthique d'une aide active à mourir, à certaines conditions strictes ».

Cette nécessité d'une évolution législative a de nouveau été affirmée par les conclusions des travaux de la Convention citoyenne sur la fin de vie, qui s'est achevée le 2 avril 2023. Après 27 jours de débat et des dizaines d'auditions, réunissant 185 citoyens tirés au sort, elle s'est prononcée à 75,6 % en faveur de l'aide active à mourir, confirmant l'indispensable création de nouveaux droits, mais aussi linsuffisance du cadre législatif actuel en matière de soins palliatifs.

Le président de la République avait indiqué le jeudi 17 mars 2022 que les conclusions de la Convention citoyenne sur la fin de vie seraient soumises « à la représentation nationale ou au peuple ». S'il a annoncé un projet de loi d'ici la fin de l'été 2023, rien ne garantit que les recommandations de la Convention y seront reprises dans leur ensemble. En effet, si l'on en croit ses dernières déclarations, la volonté du Président de la République d'avancer sur ce sujet ne semble plus aussi forte que ce qu'il avait pu laisser entendre. Pourtant, rien ne saurait justifier que l'on repousse éternellement l'octroi d'un droit à une fin de vie digne du fait d'une absence de volonté politique, laissant ainsi nombre de nos concitoyennes et concitoyens dans une situation de détresse à l'approche de la mort ou de celle de leurs proches.

Co-rapporteure du rapport d'information sur la fin de vie de la commission des affaires sociales du Sénat, nommé « Fin de vie : privilégier une éthique du soin » et publié le 28 juin 2023, la sénatrice Michelle Meunier a jugé « souhaitable d'ouvrir la possibilité au suicide assisté et à l'euthanasie » de « manière encadrée », une demande « largement majoritaire » au sein de la population, estimant que la proposition de loi visant à établir le droit à mourir dans la dignité déposée au Sénat le 17 novembre 2020, co-signée par une large majorité des membres du Groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et dont le présent texte est une version actualisée, « devrait pouvoir utilement servir de base de travail » dans la perspective de l'ouverture de ce nouveau droit.

Cette demande est partagée par une écrasante majorité des Français, quelles que soient leurs opinions politiques ou leurs éventuelles convictions religieuses. Dans un sondage IFOP réalisé en juin 2023, 90 % des personnes interrogées considèrent que la législation doit autoriser les médecins à mettre fin sans souffrance à la vie des personnes qui en font la demande. De plus, 85 % se déclarent favorables à une évolution de la législation afin de permettre aux personnes qui en font la demande de pouvoir prendre un produit létal en présence d'un médecin, mettant ainsi fin à leurs souffrances. Les résultats de ce sondage sont comparables aux précédents (2010, 2011, 2013, 2014, 2017, 2021, 2022).

Enfin, si le soutien populaire est clair et solide, nous sommes de même convaincus de l'existence d'une majorité parlementaire en faveur de ce texte, à laquelle il s'agit désormais d'adjoindre une volonté politique.

L'article 1er vise à inscrire dans le code de la santé publique le droit à laide active à mourir, ainsi que sa définition.

L'article 2 vise à poser un cadre juridique rigoureux permettant de rendre effective laide active à mourir dans le cas de pathologies aux caractères graves et incurables avérés et infligeant une souffrance physique ou psychique. Il vise également à garantir que le libre choix du patient sur sa fin de vie soit respecté.

L'article 3 précise que les décès s'inscrivant dans le cadre de cette aide active à mourir sont considérés comme de mort naturelle.

L'article 4 précise les conditions dans lesquelles une personne de confiance peut être désignée et intervenir lorsque le patient ne peut exprimer sa volonté.

L'article 5 précise, afin de permettre leur développement, le cadre juridique et les modalités de rédaction des directives anticipées. Il prévoit également un registre national et un fichier recensant ces directives anticipées.

L'article 6 instaure une Commission nationale de contrôle des pratiques relatives au droit de mourir dans la dignité chargée de tenir le registre national automatisé.

L'article 7 instaure un ordre de primauté dans les personnes appelées à témoigner pour exprimer les volontés dun patient en phase avancée ou terminale qui nest pas en état de les exprimer lui-même, en labsence de directives anticipées et hors désignation dune personne de confiance.

L'article 8 permet, dans un cadre précis, à une personne de confiance désignée de demander laide active à mourir pour un patient hors d'état dexprimer sa volonté et ayant rédigé des directives anticipées.

L'article 9 vise à rendre effectif dans un délai de trois ans laccès universel aux soins palliatifs pour la mise en oeuvre duquel le gouvernement devra rendre annuellement un rapport (article 10).