TEXTE SOUMIS À LA DÉLIBÉRATION

DU CONSEIL DES MINISTRES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

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Ministère de l'Europe
et des affaires étrangères

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Projet de loi

autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française

et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne

relatif à l'apprentissage transfrontalier

NOR : EAEJ2402927L/Bleue-1

ÉTUDE D'IMPACT

I. Situation de référence

La conclusion de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à l'apprentissage transfrontalier s'inscrit dans le cadre de la politique de développement de l'apprentissage en France.1(*) Elle s'inscrit également dans le cadre de la politique de coopération avec l'Allemagne, qui a donné lieu à la signature du Traité entre la République française et la République fédérale d'Allemagne sur la coopération et l'intégration franco-allemandes le 22 janvier 20192(*), et s'insère dans les objectifs de la politique européenne en matière d'éducation et de formation3(*).

Il s'agit du premier accord conclu dans le nouveau cadre légal posé par l'article 186 de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale4(*). Cet article prévoit la possibilité d'effectuer une partie de la formation par apprentissage, pratique ou théorique, dans un pays frontalier de la France. Il prévoit également que, pour chaque pays frontalier, la mise en place effective de l'apprentissage transfrontalier est conditionnée à la conclusion d'un accord bilatéral qui en définit les modalités de mise en oeuvre, notamment concernant les dispositions relatives au régime juridique du contrat d'apprentissage, aux modalités de formation et au financement de l'apprentissage transfrontalier.

L'accord conclu en juillet 2023 concrétise de plus une volonté politique exprimée conjointement par les régions frontalières et les deux Etats à la suite de la réforme de l'apprentissage en France en 2018.

En effet, précédemment à la réforme de la formation professionnelle en 2018, la Région Grand-Est avait développé un dispositif d'apprentissage transfrontalier, en lien avec certains territoires frontaliers allemands, sur la base de conventions régionales : accord-cadre relatif à l'apprentissage transfrontalier dans le Rhin supérieur du 12 septembre 2013 et accord-cadre pour la coopération transfrontalière en formation professionnelle initiale et continue Sarre-Lorraine du 20 juin 2014. Ce dispositif a toutefois été fragilisé à la suite de l'évolution des compétences régionales en matière d'apprentissage dans le cadre de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, et notamment en raison de la perte de la compétence de financement principal des formations par apprentissage par les régions françaises.

Le Comité de coopération transfrontalière5(*) (CCT) a relayé dans son avis du 31 mai 20216(*) le souhait des acteurs locaux de voir pérennisé le dispositif d'apprentissage transfrontalier créé au niveau de la région Grand-Est. Le développement de l'apprentissage transfrontalier a par la suite été inscrit comme objectif de coopération bilatérale en matière de formation professionnelle lors du Conseil des ministres franco-allemand du 22 janvier 2023.

Cet accord est donc une étape attendue pour la relance de l'apprentissage transfrontalier dans la région frontalière franco-allemande.

II. Historique des négociations

A la suite de la publication de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale précitée, des contacts ont été pris au printemps 2022 entre le ministère français du travail, du plein emploi et de l'insertion, le ministère fédéral allemand du travail et des affaires sociales et le ministère fédéral allemand de l'éducation et de la recherche. Les négociations se sont intensifiées à partir du second semestre 2022. L'accord a été signé à Lauterbourg le 21 juillet 2023 par les ministres des affaires étrangères française Catherine Colonna et allemande Annalena Baerbock.

Certains points ont fait l'objet de discussions plus approfondies, et notamment :

- S'agissant d'un accord intergouvernemental, l'accord a été conclu pour l'Allemagne au niveau fédéral uniquement. Les ministères fédéraux ont travaillé en lien avec les Länder frontaliers au regard de leurs compétences dans le domaine de l'éducation et de l'historique du dispositif sur leurs territoires. Ceux-ci étaient demandeurs d'une pérennisation de l'apprentissage transfrontalier dans la continuité des accords qu'ils avaient conclus en 2013 et 2014. En complément, un mécanisme simplifié d'extension de l'accord à d'autres Länder a été prévu au niveau de l'accord. La présence des Länder au comité de suivi a de plus fait l'objet d'une mention explicite.

- Sur les aspects financiers, les Parties ont convenu que le financement de l'apprentissage transfrontalier serait assuré conformément aux dispositions en vigueur dans chaque pays. Elles n'ont pas mis en place de système de compensation entre les deux Etats, car le dispositif ne modifie pas les équilibres relatifs au financement de l'apprentissage (voir IV. f). Toutefois, les Parties ont acté qu'un suivi annuel de la mise en oeuvre de l'accord serait effectué ainsi qu'une évaluation globale cinq ans après son entrée en vigueur. Par ailleurs, trois ans après son entrée en vigueur, une nouvelle négociation des conditions financières pourra être engagée à la demande de l'une des Parties.

III. Objectifs de l'accord ou convention

Cet accord a pour objectif d'ouvrir aux apprentis une possibilité de formation professionnelle transfrontalière par apprentissage entre la France et l'Allemagne. Il a ainsi pour objectif de répondre aux enjeux de la formation professionnelle et de l'insertion des jeunes, par une formation qui leur permettra de développer leurs compétences, notamment linguistiques, et leur employabilité sur un marché du travail élargi. Le développement de l'apprentissage transfrontalier participe également à la construction de l'espace européen de l'éducation en faveur de la jeunesse avec pour objectif de donner accès à une formation inclusive et de qualité pour tous ainsi qu'une expérience culturelle dans un autre pays de l'Union européenne.

L'accord a pour objectif de permettre le développement de l'apprentissage transfrontalier franco-allemand en France métropolitaine et dans les Länder frontaliers : Bade-Wurtemberg, Rhénanie-Palatinat et Sarre. Il rend toutes les certifications éligibles à l'apprentissage en France éligibles à l'apprentissage transfrontalier (inscrites en ce sens au répertoire nationale des certifications professionnelles), et, en Allemagne, tous les diplômes professionnels pouvant être obtenus par une formation professionnelle qui fait l'objet d'un contrat d'apprentissage entre l'entreprise et les apprentis et qui figurent sur la liste des métiers reconnus, publiée par l'Institut fédéral de la formation professionnelle (BIBB).

C'est le premier accord conclu dans le cadre de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale. En définissant un nouveau cadre juridique pour l'apprentissage transfrontalier franco-allemand, il vise par ailleurs à répondre aux attentes des habitants de la région transfrontalière, relayées par le CCT dans son avis du 31 mai 2021. L'accord, qui prévoit également l'ouverture de l'apprentissage transfrontalier aux apprentis de tout le territoire métropolitain répond pleinement à la volonté d'approfondissement des relations bilatérales en matière transfrontalière, exprimée par le Traité sur la coopération et l'intégration franco-allemandes le 22 janvier 2019.

IV. Conséquences estimées de la mise en oeuvre de l'accord

Cet accord emporte des conséquences pour la jeunesse (a), des conséquences sociales (b), économiques (c), juridiques (d) et administratives (e). En revanche, il ne modifie pas les équilibres financiers de l'apprentissage (f).

a. Conséquences sur la jeunesse

D'après un bilan réalisé par la Région Grand-Est en 2019 pour la période 2010-2018 sur les territoires couverts par l'accord-cadre sur l'apprentissage transfrontalier dans le Rhin Supérieur du 12 septembre 20137(*) et l'accord relatif à l'apprentissage Sarre-Lorraine du 20 juin 20148(*), le nombre total de bénéficiaires sur la période est de 445 bénéficiaires jusqu'à 26 ans ayant signé 481 contrats, avec une hausse du nombre de bénéficiaires les dernières années (101 contrats conclus en 2018).

Plusieurs facteurs devraient conduire à un nombre de bénéficiaires plus élevé que sur la période 2010-2018 : hausse du nombre d'apprentis depuis la réforme de 2018 (de 368 276 entrées en contrats d'apprentissage des secteurs privés et publics en 2019 à plus de 830 000 en 2022 - source PoEm) ; limite d'âge d'entrée en apprentissage portée à 29 ans révolus en France depuis la loi de 2018 ; extension du champ d'application territorial de l'apprentissage transfrontalier à toute la métropole ; sécurisation juridique du dispositif ; etc. D'après une estimation de l'Inspection générale des affaires sociales9(*), le potentiel de développement de l'apprentissage transfrontalier serait de 0,6% du nombre de contrats annuels en région Grand-Est. Le nombre d'entrées en contrat d'apprentissage transfrontalier franco-allemands pourrait ainsi s'élever à 300 par an environ si l'on se projette à périmètre géographique constant par rapport au dispositif développé en Région Grand-Est, auquel s'ajouteront un nombre difficile à évaluer d'apprentis transfrontaliers des autres régions de France métropolitaine.

L'entrée en vigueur de l'accord ouvrira une voie de formation professionnelle à forte valeur ajoutée au bénéfice de la jeunesse. La formation par apprentissage transfrontalier sera un atout pour ses bénéficiaires en termes d'insertion sur le marché du travail.

En effet, une enquête menée par la Région Grand-Est auprès d'apprentis ayant bénéficié du dispositif avant 2018 (137 répondants) a fait apparaître que les apprentis transfrontaliers accèdent rapidement au premier emploi : un sur deux était en emploi dès la fin du contrat, deux sur trois l'étaient dans le mois qui suit, et 80% dans les trois mois. 80 % des répondants occupaient un contrat à durée indéterminée (CDI) à l'été 2018. A titre de comparaison, en janvier 2022, six mois après leur sortie d'études en 2021, 65% des apprentis de niveau allant du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) au brevet de technicien supérieur (BTS) étaient en emploi salarié dans le secteur privé.

85 % des apprentis étaient satisfaits ou très satisfaits de leur formation, considérant que la dimension transfrontalière avait facilité leur accès à l'emploi. Cette expérience permet en effet aux apprentis d'acquérir des compétences techniques et linguistiques recherchées par les entreprises ainsi que des compétences comportementales comme l'adaptabilité ou la confiance en soi qui renforcent leur employabilité.

L'apprentissage transfrontalier permettra de plus aux apprentis de vivre une expérience interculturelle marquante, offrant une meilleure compréhension du pays frontalier et une ouverture aux problématiques européennes et mondiales. Il est probable que cette expérience contribue à renforcer leurs aptitudes citoyennes et leur capacité d'engagement ainsi que leur adhésion aux valeurs européennes.

b. Conséquences sociales

L'apprentissage transfrontalier constitue une avancée dans la création d'un espace européen de l'apprentissage. La présidente de la Commission Ursula von der Leyen a fait part de son engagement à faire de l'espace européen de l'éducation une réalité d'ici à 2025. Dans sa communication relative à la réalisation de cette initiative10(*), la Commission européenne a annoncé qu'elle actualiserait le cadre de mobilité à des fins d'apprentissage. Une proposition de recommandation du Conseil de l'Union européenne sur la mobilité à des fins d'éducation et de formation figure ainsi au programme de travail annuel de la Commission européenne pour 2023, dans le cadre de l'année européenne des compétences. L'accord franco-allemand relatif à l'apprentissage transfrontalier permet de mettre en place une action concrète de coopération bilatérale, s'inscrivant dans le cadre des politiques européennes en faveur de l'Europe sociale.

Au niveau de la région frontalière franco-allemande, la stabilisation du cadre juridique de l'apprentissage transfrontalier a été identifiée comme un chantier prioritaire pour la coopération transfrontalière par le CCT. L'accord répond ainsi aux attentes des acteurs de la zone frontalière franco-allemande. Il contribuera au développement des liens sociaux et culturels dans l'espace transfrontalier. De plus, le développement de l'apprentissage transfrontalier sur l'ensemble du territoire contribuera également à la qualité du lien entre la France et l'Allemagne.

c. Conséquences économiques

Dans son avis du 12 juin 202311(*), le CCT indique que l'apprentissage transfrontalier est un domaine essentiel pour le bon fonctionnement du marché du travail et l'intégration économique entre les régions voisines des deux pays.

Les personnes formées auront un profil particulièrement adapté sur le marché du travail transfrontalier franco-allemand et international.

En effet, le bilan du dispositif d'apprentissage transfrontalier sur la période 2011-2018 dans le Rhin supérieur (accord-cadre sur l'apprentissage transfrontalier dans le Rhin Supérieur du 12 septembre 2013) et entre la Sarre et la Lorraine (accord relatif à l'apprentissage Sarre-Lorraine du 20 juin 2014) fait apparaître une forte capacité des apprentis transfrontaliers à travailler ensuite à l'international (75 % des apprentis transfrontaliers travaillent ensuite à l'étranger, majoritairement en Allemagne, mais aussi en Suisse, Irlande, Belgique, Espagne). Cette internationalisation des parcours constitue à long terme une richesse pour l'économie française et peut contribuer à favoriser l'amélioration de la qualité des partenariats et des échanges économiques.

L'accueil d'un apprenti transfrontalier aura également un impact sur les entreprises françaises d'accueil. Le recrutement d'un apprenti transfrontalier donne une image favorable de la capacité d'intégration au collectif de travail dans l'entreprise et peut renforcer son attractivité auprès de futurs collaborateurs et apprentis. L'accueil d'un apprenti transfrontalier permet aussi de développer le plurilinguisme dans l'entreprise et constitue un signal d'ouverture auprès des partenaires allemands et internationaux.

Le développement d'une offre d'apprentissage transfrontalier aura enfin des retombées positives en termes d'image sur les CFA engagés dans le dispositif d'apprentissage transfrontalier. Ceux-ci ont déjà pour mission légale d'encourager la mobilité internationale des apprentis en nommant un personnel dédié, le référent mobilité. Ce référent et les personnes chargées du suivi de la formation au niveau du CFA seront les interlocuteurs naturels des entreprises de formation en Allemagne.

d. Conséquences juridiques 

· Articulation avec les accords ou conventions internationales existantes

L'accord définit le cadre juridique de l'apprentissage transfrontalier entre la France et l'Allemagne. Il est pleinement compatible avec les engagements internationaux de la France, notamment le Traité du 22 janvier 2019 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne sur la coopération et l'intégration franco-allemandes.

L'accord relatif à l'apprentissage transfrontalier s'insère en effet dans le cadre des objectifs du traité précité :

- Par exemple en matière de culture, enseignement, recherche et mobilité, il prévoit la mise en place d'outils d'excellence franco-allemands pour la formation et l'enseignement professionnels, une action en faveur de la reconnaissance mutuelle des diplômes, la mise en place de stratégies visant à accroître le nombre d'élèves étudiant la langue du partenaire. L'élargissement des programmes de mobilité pour les jeunes, et notamment pour les apprentis, a été identifié comme un chantier prioritaire à la suite de la conclusion du traité.

- En matière de coopération transfrontalière, le traité reconnaît l'importance que revêt la coopération transfrontalière entre les deux pays pour resserrer les liens entre les citoyens et les entreprises de part et d'autre de la frontière. Les deux Etats s'engagent à faciliter l'élimination des obstacles d'ordre juridique ou administratif dans les territoires frontaliers, afin de mettre en oeuvre des projets transfrontaliers et de faciliter la vie quotidienne des habitants de ces territoires, tout en demeurant attachés à la préservation de normes strictes dans les domaines du droit du travail, de la protection sociale, de la santé et de la sécurité, ainsi que de la protection de l'environnement.

· Articulation avec le droit européen

Dans le domaine de l'éducation, de l'enseignement professionnel, de la jeunesse et du sport, l'Union européenne dispose de compétences d'appui. Les actes qu'elle prend dans ce domaine sont donc non contraignants (articles 165 et 166 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne12(*)). L'accord se réfère ainsi volontairement à la recommandation du Conseil du 15 mars 2018 relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité13(*), qu'il cite dans son préambule. Comme indiqué supra, l'accord poursuit des objectifs politiques en faveur de la mobilité des apprenants, partagés par l'Union européenne.

La situation des apprentis transfrontaliers nécessite également d'articuler le droit interne avec le droit de la protection sociale au niveau européen et international. La rédaction de l'article 5 de l'accord garantit en tout état de cause le respect du droit européen et des engagements internationaux de la France. Est principalement visé le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale14(*). Celui-ci prévoit que les personnes ne sont soumises qu'à la législation d'un seul Etat membre. La règle est l'application de la législation sociale de l'Etat d'activité, ou à défaut d'activité, celle de l'Etat de résidence (article 11, paragraphe 3).

· Articulation avec le droit interne 

L'article 186 de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale15(*) et l'ordonnance n° 2022-1607 du 22 décembre 2022 relative à l'apprentissage transfrontalier16(*) ont procédé à une adaptation du droit interne en amont de la conclusion de l'accord pour mettre en place l'apprentissage transfrontalier. Un décret d'application de l'ordonnance doit être pris afin de préciser, notamment, les modalités de financement des contrats d'apprentissage transfrontalier (article L. 6235-6 du code du travail17(*)) ou les conditions pour le dépôt des contrats par l'opérateur de compétences (article L. 6235-5 du code du travail).

L'accord s'applique au territoire de la France métropolitaine. Ce champ d'application territorial résulte de l'adaptation de la définition de l'apprentissage transfrontalier pour l'outre-mer prévue à l'article L. 6522-5 du code du travail, qui définit de façon spécifique les pays avec lesquels l'apprentissage transfrontalier pourra se développer pour ces territoires.

e. Conséquences administratives

La signature des contrats va poser la question du transfert de ces contrats dans les bases respectives allemande et française, ces deux bases ne communiquant pas. Les deux pays respectent au demeurant les dispositions du règlement général de protection des données (RGPD).

Aux termes du (1) 2. a. et du (2) 3. a. de l'article 2 de l'accord, il est prévu que le « contrat d'apprentissage est transmis par l'entreprise aux organismes compétents des deux Parties selon les modalités définies par ceux-ci. Ces organismes contrôlent la conformité du contrat d'apprentissage avant de procéder à son enregistrement dans le registre des contrats d'apprentissage en République fédérale d'Allemagne et à son dépôt auprès du ministère chargé de la formation professionnelle en République française. »

En France, le dépôt est effectué en droit commun après un contrôle du contrat par les opérateurs de compétences (OPCO) sur la plateforme DECA. Dans le cadre de l'apprentissage transfrontalier, les employeurs transmettront le contrat d'apprentissage transfrontalier à l'Opérateur de compétences des entreprises de proximité (OPCO EP), agréé par arrêté pour centraliser la gestion de l'ensemble des contrats d'apprentissage transfrontalier, en vue de leur dépôt. L'OPCO EP éditera ensuite les certificats d'enregistrement, l'attestation de dépôt et les accords de prise en charge des contrats. L'OPCO EP développera une expertise et des procédures, notamment dématérialisées, pour l'ensemble des dispositifs d'apprentissage transfrontalier, dont le franco-allemand.

Etant donné la relative continuité du dispositif franco-allemand en cours de développement par rapport au précédent, les modèles français de contrat d'apprentissage transfrontalier franco-allemand et de convention de formation nécessiteront des adaptations à la marge uniquement.

Il est prévu que le comité de suivi de l'accord se réunisse une fois par an, avec un secrétariat alternant entre la France et l'Allemagne. Un rapport annuel sera présenté, comprenant une analyse quantitative et qualitative de la mise en oeuvre de l'accord, portant également sur des aspects financiers. Ce rapport permettra de formaliser le bilan du dispositif dans une perspective franco-allemande.

f. Conséquences financières

L'accord prévoit que le financement de l'apprentissage transfrontalier est assuré conformément aux dispositions en vigueur dans chaque pays. En France, les dispositions applicables sont précisées aux articles L. 6235-1 et suivants du code du travail.

A titre liminaire, le nombre de formations considérées sera relativement peu élevé (voir supra, conséquence pour la jeunesse). L'ordonnance relative à l'apprentissage transfrontalier prévoit que l'opérateur de compétence désigné pour la gestion des contrats d'apprentissage transfrontaliers prenne en charge les frais supportés par le CFA pour un montant fixé par arrêté des ministres chargés de la formation professionnelle et du budget. Pour exemple, le coût moyen d'une formation par apprentissage financée aux niveaux de carence est de 8 519 € par an (niveau de prise en charge non pondéré par niveau de formation).

Afin de mesurer l'impact de l'accord sur le financement des formations théoriques par les fonds de la formation professionnelle, plusieurs hypothèses doivent être envisagées :

- Jeunes résidant en France cherchant à effectuer un apprentissage en France qui trouveraient une entreprise dans un pays frontalier : ces apprentis se seraient sans doute formés en CFA de toute façon et leur formation théorique aurait été financée. Dans le contexte de fort développement de l'apprentissage, dans cette hypothèse, le choix de suivre un apprentissage transfrontalier sera sans impact financier sur le financement des formations théoriques.

- Jeunes résidant en France qui choisiront de se former dans le pays frontalier : dans cette hypothèse, très difficile à quantifier, le système de formation français fera l'économie de la formation théorique.

- Personnes qui auraient dû effectuer leur formation théorique dans le pays frontalier mais la feront en France grâce au nouveau dispositif : il est très difficile d'établir une estimation du nombre d'apprentis qui auraient dû effectuer leur formation théorique en Allemagne et qui la feront en France grâce au nouveau dispositif.

Un rapport annuel, comprenant une analyse quantitative et qualitative de la mise en oeuvre de l'accord, portant également sur des aspects financiers, sera réalisé par le comité de suivi de l'accord.

En conclusion, au regard des volumes estimés, l'apprentissage transfrontalier franco-allemand ne modifie pas les équilibres relatifs au financement de l'apprentissage. En effet, le montant de ces financements varie en fonction des caractéristiques des entreprises établies en France. Le fait de réaliser son apprentissage dans une entreprise établie à l'étranger est sans impact sur le périmètre des prélèvements effectués.

Concernant l'impact de l'accord sur les coûts pesant sur les entreprises : les entreprises françaises qui recruteront des apprentis rémunèreront l'apprenti transfrontalier selon les critères définis par la réglementation française. Il n'y aura donc pas de surcoût lié à l'apprentissage transfrontalier.

Concernant l'impact de l'accord sur les employeurs du secteur non industriel et non commercial : les formations théoriques des apprentis recrutés par les employeurs du secteur non industriel et commercial en France seront financées par le pays frontalier, d'où un gain pour les collectivités territoriales.

V. Etat des signatures et ratifications

À ce stade, les deux Parties ont mutuellement déclaré avoir entrepris les démarches d'approbation de l'accord. Elles s'informeront de l'accomplissement de leurs procédures internes conformément à l'article 10 de l'accord.

S'agissant de la Partie allemande, le projet de loi est déjà bien avancé. Il sera présenté au Parlement par le ministère de l'éducation et de la recherche (BMBF). La ratification par la partie allemande devrait intervenir avant septembre 2024, en principe début août devant le Bundestag.


* 1 La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a apporté des évolutions structurantes au dispositif d'apprentissage en France, notamment par la libéralisation de l'offre de formation et la rénovation du système de financement. Le Gouvernement a souhaité renforcer encore cette politique dont l'effet de levier pour la formation et l'insertion des jeunes est significatif (apprentis de niveau CAP à BTS : 6 mois après leur sortie d'études en 2021, 65 % sont en emploi salarié dans le privé). Dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », une aide exceptionnelle au recrutement des alternants a ainsi notamment été mise en place, recalibrée en 2023 pour soutenir l'effort des employeurs.

* 2 Traité entre la République française et la République fédérale d'Allemagne sur la coopération et l'intégration franco-allemandes du 22 janvier 2019. Il prévoit un approfondissement des liens bilatéraux en matière transfrontalière, d'éducation, de recherche, de climat ou encore de politique étrangère.

* 3 Dans ses orientations politiques, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a fait part de son engagement à faire de l'espace européen de l'éducation une réalité d'ici à 2025. Dans cet objectif, la Commission porte un projet de recommandation du Conseil de l'Union européenne intitulé « L'Europe en mouvement - des possibilités de mobilité à des fins d'apprentissage pour tous ». Il s'agit d'un des principaux résultats de l'Année européenne des compétences, qui prenait place en 2023.

* 4 Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (dite « 3DS »)

* 5 Issu du traité d'Aix-la-Chapelle, le CCT est une instance regroupant l'ensemble des Parties - françaises et allemandes - intéressées par les problématiques transfrontalières (ministères des affaires étrangères, collectivités territoriales, parlementaires, etc.). Il se réunit périodiquement, en moyenne deux fois par an, sous présidence des secrétaires d'Etat française et allemande en charge de l'Europe, afin de proposer des solutions aux problèmes se posant le long de la frontière.

* 6 Note d'avis du 31 mai 2021 sur l'apprentissage transfrontalier.

* 7 Accord-cadre relatif à l'apprentissage transfrontalier dans le Rhin supérieur du 12 septembre 2013.

* 8 Accord relatif à l'apprentissage transfrontalier Sarre-Lorraine du 20 juin 2014.

* 9 Inspection générale des affaires sociaux, Évaluation de l'apprentissage transfrontalier, tome 1 : rapport, avril 2021.

* 10 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions relative à la réalisation d'un espace européen de l'éducation d'ici à 2025.

* 11 Avis du 12 juin 2023 sur l'accord relatif à l'apprentissage transfrontalier entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et à un Forum sur l'apprentissage transfrontalier.

* 12 Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, signé à Rome le 25 mars 1957.

* 13 Recommandation du Conseil du 15 mars 2018 relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité.

* 14 Règlement (CE) n°883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.

* 15 Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

* 16 Ordonnance n° 2022-1607 du 22 décembre 2022 relative à l'apprentissage transfrontalier.

* 17 Article. L. 6235-6 du code du travail.

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