A l’initiative de MM. Yves ROME et Bruno SIDO, présidents du groupe d'études « Communications électroniques et Poste », de M. Loïc HERVÉ, président du groupe d'études  « Société numérique, nouveaux usages, nouveaux médias » et de M. Jean-Marie BOCKEL, président du groupe d'amitié France-Pays baltes, une réunion conjointe a été organisée, le 16 mars 2016, au Sénat, afin d’échanger sur le modèle numérique estonien.

La délégation estonienne conduite par S.E. M. Alar STREIMANN, ambassadeur d’Estonie à Paris, était composée de M. Siim SIKKUT, conseiller du Premier ministre estonien pour la politique numérique, Mme Katrin NYMAN METCALF, consultante internationale et professeur de droit et de technologie à l'Université de Tallinn, Mme Kadi METSANDI, Première secrétaire de l’ambassade, et Mme Limbe LOKK, interprète.

Ont participé à cette réunion : MM. Philippe ADNOT, Jacques BIGOT, Jean-Marie BOCKEL, Patrick CHAIZE, François COMMEINHES, Christophe-André FRASSA, Jean-Claude FRÉCON, Loïc HERVÉ, Jean-Yves LECONTE, Christian MANABLE et Yves ROME.

Après un propos introductif de M. BOCKEL rappelant que l’Estonie était un pays  à la pointe de la cyber sécurité et de M. Yves ROME évoquant les bouleversements apportés par la carte numérique, M. Alar STREIMANN s’est félicité de voir la France s’engager dans une vraie révolution numérique et a présenté M. Siim SIKKUT comme  la personne clé en Estonie sur ce dossier.

M. Siim SIKKUT a présenté différentes utilisations pratiques pour la population estonienne de la carte numérique : déclaration et paiement des impôts (96 % des déclarations) ; signature de contrats d’affaires ; dossiers médicaux ; votes électroniques sur Internet y compris depuis l’étranger (un tiers des votes aux élections législatives 2015) ; créations d’entreprises et tenue de la comptabilité (99 % des créations d’entreprise)…

Il a précisé que ce système d’ e-gouvernance couvrait pratiquement tous les secteurs, sauf celui des achats immobiliers et des mariages.

Le gouvernement a ainsi mis en place les outils technologiques et juridiques, qui ont permis dès 2002 la généralisation de l’usage d’une carte nationale d’identité électronique unique donnant accès à l’ensemble des services. La sécurisation du système repose sur deux éléments :

- la carte, cryptée, n’est lisible qu’après entrée d’un code sécurisé ;

-  les bases de données sont cloisonnées car relevant de différentes agences gouvernementales.

Il a assuré que le cadre juridique était solide avec un accès très réglementé de chacun des services en fonction de ses missions. Le titulaire de la carte peut par ailleurs autoriser l’accès volontairement à certaines de ses données ou au contraire le bloquer.

Il a insisté sur le fait que le dispositif visait à ne pas créer de contradiction entre le monde digital et le monde réel, l’objectif étant uniquement de faciliter la vie des gens, par exemple au moment du départ à la retraite ou pour le paiement de leurs impôts.

L’Estonie prône donc ce modèle au niveau européen pour simplifier les relations d’affaires entre les pays,  et a signé un accord avec la Finlande à ce sujet.

Mme Katrin NYMAN METCALF a souligné l’importance de l’interopérabilité du système, et du fait qu’il n’existait pas une base de données unique qui serait plus vulnérable. La technologie et la législation peuvent et doivent coopérer sans qu’il n’y ait besoin d’une législation spécifique. Le système facilite les transactions qui existent déjà et les renforce en posant simplement le principe d’équivalence entre signature manuscrite et signature électronique d’une part, et, d’autre part, celui d’équivalence entre document papier et document numérique. L’identité numérique est sécurisée par une carte facile à utiliser, avec un code pin identique à celui de la carte bancaire.

Ensuite, tout est une question de perception et d’explication du dispositif. Ainsi, par exemple, contrairement aux a priori, la protection des données personnelles peut être accrue dans le monde numérique car la traçabilité des consultations des fichiers peut être mieux assurée, permettant à l’individu de demander des comptes en cas de consultation non fondée. L’important est de ne pas brusquer les usagers en ne décidant pas l’arrêt de services non numériques de manière anticipée.

Les sénateurs Yves ROME, Philippe ADNOT et Jean-Yves LECONTE, Christian MANABLE, Jean-Claude FRÉCON ont interrogé la délégation estonienne sur différents sujets concernant notamment les attaques informatiques sur le dispositif, la formation des utilisateurs, les infrastructures nécessaires et le dispositif de partenariat public-privé appliqué en Estonie ainsi que sur l’utilisation du réseau FTTH avec fibre optique.

M. Christophe FRASSA, en tant que rapporteur de la commission des Lois du projet de loi pour une République numérique, a évoqué quatre points particuliers : le volet open data ; l’âge minimum d’attribution de la carte numérique ; l’étude des alternatives à une carte nationale d’identité électronique et le lieu d’hébergement des données.

M. Siim SIKKUT a précisé que tout résident pouvait avoir une carte nationale d’identité électronique mais que celle-ci n’était activée dans ses usages électroniques qu’à compter de l’âge de 15 ans, âge auquel sa détention est obligatoire. Il a expliqué qu’en 2001, aucune alternative n’avait été étudiée dans la mesure où la carte nationale d’identité électronique était alors la solution la plus performante. Devant l’évolution des technologies et avec la disparition progressive des ordinateurs, de nouvelles solutions sont à l’étude : l’utilisation des puces dans le téléphone et la biométrie.

L’hébergement des données se fait en Estonie de façon à garantir l’autonomie du pays, mais les autorités voudraient collaborer avec des gouvernements étrangers pour trouver des solutions d’hébergement sur d’autres territoires afin de prévenir des difficultés intérieures.

Toutes les données publiques sont accessibles sur demande, y compris les codes sources des logiciels détenus par les administrations, à l’exception des données de défense. En revanche, elles ne sont pas publiées, les autorités n’ayant pas mis en œuvre à l’heure actuelle de politique d’open data pro-active.

En remerciant les participants, M. Yves ROME a souligné la réussite de ce modèle.

Mme Katrin NYMAN METCALF, consultante internationale et professeur de droit et de technologie 

M. Siim SIKKUT, conseiller du Premier ministre estonien pour la politique numérique

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