Réuni le mercredi 25 janvier 2023, sous la présidence de M. Cédric PERRIN (Les Républicains – Territoire de Belfort), président, le groupe d’amitié France – Pays de la Corne de l’Afrique s’est entretenu avec Mme Fiona LEBERT, M. Aymeric ELLUIN, Mme Anne CASTAGNOS et Mme Donatella ROVERA, d’Amnesty International, et Mme Bénédicte JEANNEROD, de Human Rights Watch, sur le conflit au Tigré.

Ont également participé à la réunion : MM. Michel CANÉVET (Union centriste – Finistère) et Olivier RIETMANN (Les Républicains – Haute-Saône).

L’obtention d’informations sur le conflit au Tigré depuis deux ans est extrêmement difficile – on peut même parler de blackout. Ces événements ont été très peu relayés par la télévision et Internet, et les journalistes ne peuvent se rendre sur place. Même les personnels humanitaires éprouvent des difficultés à se rendre sur le terrain, ce qui a un impact sur la distribution de l’aide. Les communications sont désormais restaurées, mais restent limitées. Aussi est-il très difficile d’établir un bilan objectif des conséquences du conflit et de documenter l’ampleur des forces impliquées, en particulier celles de l’armée érythréenne, présente dans les villes du Tigré, et probablement aussi dans les zones rurales – présence longtemps niée par les autorités éthiopiennes. Le départ récent d’une partie des forces érythréennes du territoire tigréen aurait été accompagné de pillages, de viols et de menaces à l’encontre des populations civiles. Le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) a, lui aussi, commis des exactions, mais plus limitées et sur un territoire plus réduit.

Enquêter sur les divers crimes commis au Tigré nécessite des ressources importantes telles que des moyens de communication et des images satellitaires permettant de vérifier les faits allégués (des déplacements de convois militaires par exemple). Les viols de masse sont surtout documentés par des entretiens avec des victimes et leurs familles et des témoins. Dans ce conflit, les vidéos qui ont pu circuler jouent un rôle important pour localiser des événements ou des lieux de détention et identifier les armes utilisées. Au total, les informations obtenues ont fait l’objet d’un travail de recoupement mené sur plusieurs mois.

De façon générale, le matériel militaire déployé s’est avéré moins sophistiqué que dans d’autres conflits, par exemple en Syrie, au Yémen ou dans le Haut-Karabagh, même si l’armée éthiopienne recourt à des drones, de fabrication chinoise, turque et russe.

Le conflit au Tigré a donné lieu à d’importants mouvements de réfugiés, en particulier de l’Ouest vers l’Est du territoire, concernant environ 60 000 personnes, dont certaines ont été accueillies au Soudan. Les forces érythréennes et les milices Amhara étant encore en partie présentes, les réfugiés n’ont pas la possibilité de rentrer chez eux.

L’accueil humanitaire s’est amélioré depuis l’accord de cessez-le-feu du 2 novembre 2022, négocié à Pretoria, mais reste insuffisant. Un convoi de 500 camions transportant de l’aide est arrivé sur place la semaine précédente, mais il en faudrait bien davantage pour couvrir les besoins. Les problèmes humanitaires préexistaient toutefois au conflit, du fait de fortes sécheresses, rendant tout bilan humain difficile à dresser.

L’accord de cessez-le-feu ne doit pas conduire à présenter la situation comme un retour à la normale ni à minimiser les difficultés qui subsistent. L’Union européenne, l’Union africaine et l’ONU ont dépêché sur place des missions d’experts chargés d’observer le respect du cessez-le-feu. L’évolution de la situation doit être appréciée sur la base d’éléments tangibles. Par exemple, les autorités éthiopiennes ont affirmé que des soldats coupables d’exactions avaient été arrêtés, mais aucune preuve, à ce stade, n’a pu être fournie. La mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu doit faire l’objet d’un suivi objectif, y compris au niveau du respect des droits humains. Le risque est en effet que la communauté internationale se satisfasse de l’arrêt des combats et néglige les autres aspects du conflit, en particulier dans un contexte international marqué par la prégnance de la guerre en Ukraine et ses conséquences.

De ce point de vue, il convient de noter que Mme Catherine COLONNA, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, a effectué, les 12 et 13 janvier derniers, un déplacement en Éthiopie, conjointement avec son homologue allemande, Mme Annalena BAERBOCK. Elles se sont notamment entretenues avec le Premier ministre Abiy AHMED et ont exprimé le soutien de leur pays au plan de paix. Les ministres ont marqué la volonté de contribuer à la stabilisation et à la reconstruction des régions touchées par le conflit et à la relance économique de l’Éthiopie, et ont aussi rappelé la priorité accordée à la lutte contre l’impunité et à la mise en place de réparations pour toutes les victimes touchées par le conflit.

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