Réuni le jeudi 2 février 2023, sous la présidence de M. Daniel SALMON (Écologiste – Solidarité et territoires – Ille-et-Vilaine), président, le groupe d’amitié France – Népal s’est entretenu avec M. Gilles BOURBAO, Ambassadeur de France au Népal.

M. Gilles BOURBAO a indiqué que la coalition sortante au pouvoir au Népal s’était représentée aux élections législatives de novembre 2022 et qu’elle y avait remporté un nouveau mandat, ayant obtenu la majorité absolue des sièges. Un coup de théâtre s’est toutefois produit à l’occasion de la désignation du Premier ministre, dans un contexte marqué par des difficultés entre les six partis politiques formant la coalition à se mettre d’accord sur un nom. Le maoïste Pushpa Kamal DAHAL, dit Prachenda, a alors proposé au Premier ministre sortant, Sher Bahadur DEUBA, membre du parti du Congrès, un partage de la fonction au cours de la législature, mais ce dernier a refusé. Prachenda s’est alors tourné vers le marxiste-léniniste KP Sharma OLI pour lui proposer le même schéma. Celui-ci a accepté, moyennant la présidence de la Chambre des Représentants puis la Présidence de la République pour son parti. Ainsi Prachenda est-il redevenu Premier ministre pour deux ans et demi, alors que son parti n’avait obtenu que 11 % des suffrages aux élections, en recul régulier.

L’Ambassadeur a fait observer que la coalition avait été élargie à des indépendants, populaires au sein de la population jeune et urbaine du pays. Leur dirigeant, Rabi LAMICCHANE, a d’ailleurs été nommé vice-Premier ministre et ministre de l’intérieur, avant qu’il ne soit contraint de démissionner en raison de la perte de sa nationalité népalaise – retrouvée depuis – plusieurs années auparavant, elle-même liée à sa naturalisation américaine, le Népal ne reconnaissant pas la double nationalité. La coalition a également été élargie aux monarchistes, de retour dans le paysage politique népalais, dont le dirigeant avait fait une bonne campagne ; il a été nommé vice-Premier ministre et ministre de l’énergie. Enfin, le parti Janamat, autrefois connu pour ses positions indépendantistes de la province de Madhesh, et dirigé par CK RAUT, un homme jeune formé aux États-Unis, a obtenu plus de 3 % des suffrages, ce qui lui permet de compter des députés, ayant également rejoint la coalition ; Janamat a obtenu le ministère de l’eau. Le parti du Congrès, de l’ancien Premier ministre DEUBA, se retrouve dans l’opposition, même s’il a voté la confiance au nouveau gouvernement. Aussi Prachenda a-t-il été investi à la quasi-unanimité de la Chambre des Représentants, ne lui manquant que deux voix. L’opinion, qui avait voté pour la coalition sortante, a d’abord réagi négativement à ces manœuvres politiques, mais la nomination – éphémère – de LAMICCHANE au gouvernement a été bien reçue par la jeunesse, en quête de renouvellement. Il n’en demeure pas moins que, sur le fond, les programmes des différents partis sont relativement proches, et que les pratiques politiques restent avant tout clientélistes. En matière de politique étrangère, toutefois, le nouveau gouvernement pourrait revenir à des positions plus traditionnelles de non-alignement. La nouvelle ministre des affaires étrangères connaît bien l’Europe et les programmes européens et est très intéressée par les questions de développement.

M. Gilles BOURBAO est ensuite revenu sur la catastrophe aérienne du 15 janvier 2023, qui a causé la mort de 72 personnes, dont un ressortissant français. Les compagnies aériennes népalaises figurent sur la liste noire de l’Union européenne pour des raisons de sécurité. En octobre dernier, une mission européenne avait conclu à des progrès et annoncé la réalisation d’un audit dans le pays destiné à lever l’interdiction européenne. Le 1er janvier dernier, le troisième aéroport international du pays – après celui de Katmandou et celui de Lumbini, construit par les Chinois –, lui aussi de construction chinoise, était inauguré à Pokhara. Cet aéroport ne reçoit toutefois pas de vols internationaux pour l’instant, mais seulement des vols intérieurs, dont celui qui s’est crashé quinze jours après l’inauguration. Une enquête, faisant intervenir le Bureau d’enquêtes et d’analyses français, le constructeur ATR, l’entreprise canadienne ayant fabriqué le moteur et l’Agence européenne de la sécurité aérienne, a été diligentée. Les « boîtes noires » de l’appareil ont été récupérées, et envoyées à Singapour pour analyse. L’enquête est encore en cours. La mission d’audit européenne est reportée sine die.

L’Ambassadeur a indiqué que la Banque asiatique de développement s’intéressait au projet de téléphérique urbain à Katmandou, porté par la société française POMA. Elle devrait présenter une proposition aux autorités népalaises pour développer ce projet, avec un soutien du Trésor français, et un appel d’offres sur l’ingénierie et les infrastructures. Il reste à convaincre les autorités népalaises de renoncer à l’idée, peu réaliste, de construire un métro à Katmandou ; le nouveau Premier ministre est toutefois plus ouvert à ce projet que son prédécesseur. En revanche, le projet de centrales hydro-électriques d’EDF n’a guère avancé au cours des derniers mois. EDF continue de négocier avec la partie indienne. Ce projet suscite des préoccupations environnementales et requiert des garanties entre l’Inde et le Bangladesh, qui seraient à ce stade insuffisantes.

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