Le 11 février 2021, le groupe d’amitié France-Vanuatu-Iles du Pacifique, présidé par Mme Catherine Procaccia (Les Républicains – Val-de-Marne), a reçu M. Bertrand Lortholary, directeur de l’Asie et de l’Océanie, et Mme Marie-Pierre Giron, cheffe de la mission d’Océanie, au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE).

MM. Christophe-André Frassa (LR – Français de l’étranger), vice-président, Pierre-Jean Verzelen (Les Indépendants – République et Territoires-Aisne), président-délégué pour Fidji, Mme Catherine Deroche (LR – Maine-et-Loire), Gilbert Favreau (LR – Deux-Sèvres), Philippe Mouiller (LR – Deux-Sèvres), Jean-François Longeot (Union Centriste – Doubs) et Lucien Stanzione (Socialiste, Écologiste et Républicain – Vaucluse) étaient également présents à la réunion. Mme Martine Berthet (LR – Savoie), vice-présidente, M. Jean-Jacques Lozach (SER – Creuse), vice-président, Mme Michelle Gréaume (Communiste, Républicain, Citoyen et Écologiste – Nord), secrétaire, MM. Bruno Sido (LR – Marne) et Didier Marie (SER – Seine-Maritime) ont assisté à l’entretien en visioconférence.

M. Bertrand Lortholary a d’abord rappelé que le Pacifique couvre la moitié de l’espace géographique de la planète et que la France est une puissance souveraine dans la région grâce aux collectivités de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna.

Des îles largement épargnées par la Covid

Puis il a évoqué la situation sanitaire ainsi que l’impact économique et social de la pandémie de Covid-19. Les États insulaires du Pacifique ont été globalement bien préservés sur le plan sanitaire, mais au prix d’une fermeture de leurs frontières. On recense seulement 56 cas de contamination à la Covid-19 à Fidji et 867 cas en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Dans sept États, le coronavirus est absent. Des campagnes de vaccination ont débuté dans les États les plus liés aux États-Unis (États fédérés de Micronésie, Palaos et Iles Marshall).

La France a versé une aide de deux millions d’euros pour aider les États de la région à faire face à la crise sanitaire. Considérant les vaccins comme un bien public mondial, la France a pris des contacts avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande afin d’examiner dans quelles conditions elle pourrait contribuer à les rendre accessibles aux populations. L’Union européenne a débloqué une aide de 120 millions d’euros afin de faire face à l’urgence sanitaire, de soutenir les systèmes de santé locaux et d’atténuer les effets économiques et sociaux de la pandémie. La Chine apporte également une aide aux États du Pacifique mais en cherchant souvent à obtenir des avantages en contrepartie afin d’étendre son influence dans la région.

La crise sanitaire a entrainé un effondrement du tourisme international, qui constitue une ressource majeure pour ces pays. Selon la Banque asiatique de développement (BAD), Fidji a subi, en 2020, une chute de 15 % de son produit intérieur brut (PIB), tandis que la baisse atteint 9,8 % au Vanuatu. Des réflexions ont été conduites en vue de créer des « bulles de voyage » entre les pays peu affectés par le coronavirus mais une seule s’est concrétisée, entre la Nouvelle-Zélande et les Iles Cook. L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont apporté une aide financière aux pays de la région, dont le montant atteint, respectivement, 250 millions  d’euros et trente millions d’euros.

L’action diplomatique de la France

M. Bertrand Lortholary a ensuite abordé la question de l’action diplomatique de la France dans la région. Dans le discours prononcé en 2018 à Garden Island, le Président de la République a tracé les contours d’une nouvelle stratégie indopacifique, qui cherche à valoriser la présence française dans la région dans un contexte de montée en puissance de la Chine. Pour la France, la Chine est à la fois un partenaire, sur les dossiers multilatéraux, un concurrent, pour conquérir des marchés, et un rival systémique, en raison de divergences sur les valeurs et la conception du monde. La France souhaite également renforcer sa présence via l’Agence française de développement (AFD), qui travaille aujourd’hui uniquement sur l’adaptation au changement climatique.

Mme Catherine Deroche a rappelé que l’influence grandissante de la Chine avait conduit certains États à rompre leurs relations diplomatiques avec Taïwan.

M. Bertrand Lortholary a rappelé que la Chine refuse d’entretenir des relations diplomatiques avec les États qui reconnaissent Taïwan. La France a fait le choix de reconnaître la République populaire de Chine en 1964.

Mme Marie-Pierre Giron a précisé que seuls quatre États du Pacifique continuent d’entretenir des relations diplomatiques avec Taïwan : les Iles Marshall, Palaos, Nauru et Tuvalu.

M. Philippe Mouiller a demandé quelle était l’influence du Vanuatu, qui a obtenu son indépendance en 1980, sur la situation politique en Nouvelle-Calédonie.

M. Bertrand Lortholary a souligné que le MEAE travaille régulièrement avec le ministère des outre-mer afin que les collectivités du Pacifique renforcent leurs liens avec leurs voisins. Sur la question de l’indépendance, les pays de la région ont des positions différentes : si les États membres du groupe Fer de lance mélanésien sont plutôt favorables à l’indépendance, l’Australie et la Nouvelle-Zélande adoptent une position plus prudente.

Une autre organisation régionale importante est le Forum des îles du Pacifique, dont la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française sont membres de plein exercice, alors que Wallis-et-Futuna est un membre associé. Le Forum traverse cependant une crise en raison du retrait des États micronésiens, qui contestent le non-respect de la règle traditionnelle de rotation de la présidence entre les États appartenant aux aires micronésienne, polynésienne et mélanésienne.

Mme Catherine Procaccia a demandé si le dossier du contentieux territorial avec le Vanuatu concernant les îlots Matthew et Hunter et les récifs Pétri et Astrolabe avait connu des développements récents.

M. Bertrand Lortholary a précisé que Matthew et Hunter sont deux îlots inhabités équidistants de la Nouvelle-Calédonie et du Vanuatu, et revendiqués par ce dernier. C’est le dossier le plus difficile dans la relation bilatérale entre la France et le Vanuatu. En 2014, le Vanuatu a protesté contre la création d’une aire marine protégée dans ce secteur. En Nouvelle-Calédonie, le FLNKS a reconnu la souveraineté du Vanuatu sur ces îlots. Un dialogue a été engagé avec le Vanuatu pour mieux définir la frontière maritime avec la France, mais la troisième session de discussion prévue n’a pu encore se tenir.

De gauche à droite : les sénateurs Christophe-André Frassa, Pierre-Jean Verzelen, Philippe Mouiller et Catherine Procaccia et M. Bertrand Lortholary, directeur de l’Asie et de l’Océanie au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

La lutte contre le changement climatique

Mme Michelle Gréaume a souhaité obtenir des précisions sur l’action menée dans la lutte contre le changement climatique, qui a rendu les cyclones plus violents et fréquents dans la région et qui entraîne une montée inquiétante du niveau de la mer.

Mme Catherine Procaccia a fait observer que le risque de submersion était parfois surestimé, dans la mesure où certains ilots se sont toujours situés à seulement deux ou trois mètres au-dessus du niveau de la mer, et que c’était surtout la salinisation de l’eau douce et des terres qui posait un problème pour la vie quotidienne, comme le groupe d’amitié a pu le constater en 2016 et 2018 lors de ses déplacements à Tuvalu et à Kirabati.

M. Bertrand Lortholary a précisé que la France, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont mis en place, en 1992, le mécanisme FRANZ (France, Australie et Nouvelle-Zélande) afin de coordonner leurs interventions en cas de catastrophe naturelle. Activé une douzaine de fois, ce mécanisme a notamment été utilisé en avril 2020 après le passage du cyclone Harold. Pour faire face aux enjeux à plus long terme liés au changement climatique, la France participe, à hauteur de douze millions d’euros, à l’initiative Kiwa, dotée d’un budget global de trente-cinq millions d’euros.

Il a aussi insisté sur l’importance de la participation de la France à la Communauté du Pacifique (CPS), organisation internationale créée en 1947, ainsi qu’au programme régional océanien pour l’environnement, dont elle est le troisième contributeur. La France vient de signer un accord de partenariat pluriannuel de coopération avec la CPS sur la période 2021-2024, relatif au climat et à la protection des océans.

La promotion de la francophonie

M. Christophe-André Frassa a regretté que le Vanuatu soit peu impliqué dans les activités de l’organisation internationale de la francophonie et de l’assemblée parlementaire de la francophonie (APF). Comment convaincre les responsables politiques de ce pays de l’intérêt d’une participation accrue à ces instances ? Représentées au sein de l’APF, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française pourraient peut-être relayer ce message.

M. Bertrand Lortholary a considéré que la francophonie pouvait effectivement constituer un levier pour améliorer nos relations souvent complexes avec le Vanuatu et nourrir le dialogue dont nous avons besoin.

Mme Marie-Pierre Giron a rappelé que l’agence universitaire de la francophonie est présente dans le pays via des campus numériques et que la France soutient la nouvelle université nationale bilingue, qui propose quatre formations en langue française suivies par quatre cents étudiants, ce qui est précieux pour les jeunes francophones. Des Alliances françaises sont par ailleurs présentes au Vanuatu et à Fidji.

La situation des Français vivant à l’étranger

Mme Catherine Procaccia a regretté que la situation de ces îles, très éloignées les unes des autres ainsi que de l’Australie, ne soit pas mieux prise en considération par le Quai d’Orsay.  L’attrition de notre réseau à l’étranger peut placer dans une situation difficile nos concitoyens qui vivent dans ces pays, de même que les ressortissants étrangers qui souhaitent obtenir un visa : ils sont souvent contraints d’effectuer des heures d’avion pour se rendre au consulat à Brisbane. La présidente a rappelé que le groupe d’amitié avait protesté contre la fermeture du consulat à Fidji et contre le projet, abandonné, de fermeture de l’ambassade en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

M. Bertrand Lortholary a souligné que s’il n’était pas envisagé d’étoffer notre réseau, le Quai d’Orsay n’avait plus de projet tendant à le réduire, compte tenu des enjeux importants qui s’attachent à la région Pacifique.

Mme Marie-Pierre Giron a noté que des initiatives ont été prises pour faciliter les demandes de visas, parfois avec l’appui d’un prestataire extérieur. En cas de crise, par exemple pour rapatrier nos ressortissants au début de l’épidémie de coronavirus, le réseau diplomatique sait s’organiser pour intervenir dans la région Pacifique.

M. Christophe-André Frassa a précisé que demeure l’obligation d’être présent physiquement pour récupérer un passeport. La France a longtemps eu un consul honoraire aux Iles Salomon, qui a cependant été frappé par la limite d’âge. L’ambassade à Suva a été maintenue mais avec des moyens très réduits.

Mme Catherine Procaccia a indiqué que le Sénat vient de créer un groupe d’études sur le statut, le rôle et la place des Français établis hors de France, dont l’un des premiers sujets de réflexion porte sur la situation des Français bloqués à l’étranger en raison de la crise sanitaire. Qu’en est-il des Français qui vivent dans le Pacifique ?

M. Bertrand Lortholary a estimé que le nombre de personnes concernées devrait être assez réduit. En revanche, le manque de liaisons aériennes pose un problème à nos compatriotes expatriés, ainsi qu’aux agents du Quai d’Orsay en poste dans la région, qui ne peuvent rentrer en France et qui souffrent de l’absence de perspective concernant la reprise du trafic aérien.

De gauche à droite : les sénateurs Gilbert Favreau, Jean-François Longeot
et Lucien Stanzione.

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