Jean PERIDIER Emile VANRULLENLes membres du groupe socialiste se succèdent à la tribune pour soutenir le projet de marché commun et répondre aux arguments de ses opposants. « L'Europe sera ce que les peuples libres de l'Europe en feront » affirme Jean PERIDIER (Hérault - socialiste), afin d'écarter la critique d'une Europe vaticane. Il s'étonne de la « curieuse attitude de certains qui sont toujours prêts à emboucher le clairon de Déroulède pour entonner la grandeur de la France mais qui, presque aussitôt, doutent de cette grandeur puisqu'ils considèrent que, dans une compétition internationale, obligatoirement la France doit être battue d'avance ». Il voit dans cette Europe, laquelle est loin d'être petite puisque sa population active et le niveau de ses échanges commerciaux rivalisent avec ceux des Etats-Unis et de l'URSS, « le sens de l'espoir ». Emile VANRULLEN prend à nouveau la parole pour affirmer que « si les pessimistes ne manquent pas d'invoquer (...) les dangers qui résultent des disparités des charges sociales, des charges salariales, les socialistes peuvent utiliser un certain nombre d'exemples qui les incitent à penser que ces disparités ne sont pas un obstacle majeur pour la réalisation du marché commun ».

 Georges LAFFARGUE

Georges LAFFARGUE (Seine – Gauche démocratique) soutient le principe d’une construction européenne à six car « le seul moyen de faire entrer la Grande Bretagne dans l’Europe, c’est de faire d’abord l’Europe sans elle car vous ne l’associerez jamais à l’Europe dès le début ». Il ajoute que « c’est en associant l’Europe à l’Afrique [que la France] assurera à la fois l’avenir de l’Europe et celui de l’Afrique ».

Alain POHER Alain POHER (Seine-et-Oise – Mouvement républicain populaire) se dit convaincu que « la France, je devrais dire l’Union française, peut, demain, changer la face des choses dans le monde, si elle comprend qu’il faut en finir avec un passé révolu, qu’il faut assurer définitivement la réconciliation franco-allemande, qu’il faut adapter l’Europe occidentale de la géographie aux nécessités des grands ensembles économiques voulus par la technique moderne ; qu’il faut préparer l’association du Royaume-Uni et des pays de l’OECE à notre Europe des six en organisant des communautés concrètes et non plus des conférences théoriques sur les avantages du fédéralisme européen ». Il voit dans l’Europe, qui saura « construire l’Eurafrique à l’échelle humaine à égale distance du capitalisme américain et du matérialisme soviétique », une chance pour la France et les français dont il regrette qu’ils soient « tellement préoccupés du sort de notre monnaie que nous avons du mal à nous rendre compte que nos grands pères étaient les banquiers du monde. Il y a 80 ans le franc faisait prime sur le dollar qui était considéré comme une mauvaise monnaie ». Il appelle à « rompre avec le protectionnisme qui freine l’essor de la production et du progrès technique. Cela exige [que la France] transforme son administration et son système de crédit ».

Edgar PISANI Edgar PISANI (Haute-Marne – Gauche démocratique) et André ARMENGAUD (Français résidant à l’étranger – Républicains indépendants) déposent une proposition de résolution invitant le gouvernement à déposer, avant l’ouverture des débats au Conseil de la République, « un projet de loi-cadre définissant toutes les réformes nécessaires à l’entrée de la communauté française dans le marché commun ».  PISANI estime en effet que « selon que les changements nécessaires seront subis ou délibérés, ils seront désastreux ou favorables » et insiste sur la nécessité de bien préparer « les réformes qui permettront à notre pays de retrouver un nouveau visage », car « qui s’engage au marché commun doit avoir conscience qu’il s’engage, à peine de forfaiture, à définir et à conduire une profonde révolution intérieure, à entreprendre un patient et difficile effort de reconstruction ».

PISANI constate que « la France ne manque pas de moyens, mais de but ; ce n’est pas un défaut de possibilité, c’est un manque de politique qui risque de compromettre sa place dans le marché commun ». Il s’inquiète car « à vouloir fonder notre prestige sur le charme de nos monuments, l’attrait de notre littérature et le parfum de notre civilisation, nous sommes en train de prendre peu à peu l’allure de la vieille coquette de la diplomatie mondiale ».