Lors de sa visite d’État en France, M. Joseph-Michel Martelly, président de la République d’Haïti s’est rendu au Sénat le 20 février 2014.

Il était accompagné par M. Laurent Lamothe, Premier ministre, M. Pierre-Richard Casimir, ministre des Affaires étrangères, M. Wilson Laleau, ministre de l’Économie, du commerce et de l’industrie, et par Mme Vanessa Matignon, ambassadeur de Haïti à Paris.

Signature du Livre d’or par M. Joseph-Michel Martelly, Président de la République d’Haïti

Il a été accueilli par Jean-Pierre Bel, président du Sénat, en présence de Mme Bariza Khiari, vice-présidente du Sénat, MM. Bernard Piras, président du groupe France-Caraïbes, Jean‑Louis Carrère, président de la commission des Affaires étrangères, Gérard Cornu, président du groupe interparlementaire France-Amérique Centrale, vice-président du groupe France-Caraïbes, et Serge Larcher ont assisté à cet entretien.

Lors de son séjour à Paris, M. Martelly s’est également entretenu avec le président de la République française, M. François Hollande, et a rencontré les membres de la communauté haïtienne en France. M. Martelly s’est ensuite rendu au Vatican afin d’assister à la cérémonie de consécration du premier cardinal haïtien, Mgr Chiby Langlois.

Mme George Pau‑Langevin, secrétaire d’État à la réussite éducative et ancienne présidente du groupe France‑Haïti de l’Assemblée nationale, était présente au Sénat pour saluer le président haïtien.

I. La République d’Haïti au cœur de la Caraïbe

Haïti occupe une place particulière dans l’histoire et la géographie centre-américaine. Haïti couvre le tiers de la partie occidentale de l’île d’Hispaniola, l’autre partie relevant de la République dominicaine. Au nord, elle se situe à 90 kilomètres de Cuba.

Le pays, peuplé de 10 millions d’habitants, est divisé en 10 départements et 133 communes. Le français y est la langue officielle, le créole étant parlé par la majorité de la population.

À la suite du traité de Ryswick de 1697 et de l’accession au trône d’Espagne d’un petit‑fils de Louis XIV, les Espagnols renoncèrent à contester la souveraineté de la France sur le tiers occidental de l’île, lequel prit le nom de Saint Domingue.

La révolte des esclaves de Saint Domingue est à l’origine de la création de la République d’Haïti, devenue en 1804 la première République indépendante de population majoritairement noire, et aussi le premier pays au monde issu d’une révolte d’esclaves. Il reprit l’ancien nom de l’île du temps des Indiens Taïnos ou Caraïbes (« la montagne dans la mer »).

Le climat tropical ainsi que la qualité de ses plages et des mers qui le bordent constituent d’indéniables atouts touristiques pour ce pays. La culture populaire y est très développée, notamment sous la forme de l’expression artistique picturale, ayant développé un style réaliste ou naïf très original.

Actuellement, le pays se relève du séisme du 12 janvier 2010, le plus grand enregistré dans ce pays, qui a dévasté notamment la région de la capitale, faisant plus de 200 000 morts.

Les relations bilatérales sont donc anciennes.

Les premières relations officielles entre Haïti et la France remontent au 17 avril 1825, date de la signature de l’ordonnance reconnaissant la souveraineté haïtienne en contrepartie d’une indemnisation des anciens colons. Les liens historiques unissant les deux pays donnent une importance particulière à ces relations. Aussi l’Ambassade de la République d’Haïti en France est-elle l’une des premières missions diplomatiques d’Haïti en Europe. Elle est également en charge de la représentation d’Haïti auprès de l’UNESCO et de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

Haïti est partie à la Convention de 1972 relative à la protection du patrimoine culturel mondial, ratifiée en 1980. Le Parc National Historique, créé par décret présidentiel en 1978, a été inscrit en 1980 au Patrimoine de l’Humanité par l’UNESCO. Situé dans la zone des massifs du nord, il abrite la Citadelle La Ferrière, l’une des plus grandes du continent américain, construite par le roi Henri Ier au XIXe siècle à l’époque de la proclamation de l’indépendance.

II. Le resserrement des relations interparlementaires avec la République d’Haïti

Les relations interparlementaires avec la République d’Haïti se sont intensifiées au cours des dernières années.

Le groupe d’amitié a notamment organisé, plusieurs années de suite, des manifestations culturelles, projections ou conférences en l’honneur de Toussaint Louverture, conjointement avec les ambassades à Paris.

Désormais régulières, ces rencontres ont commencé dès la création du groupe d’amitié France-Caraïbes en 1996. En 1997, après une visite à Paris du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports de la République d’Haïti, M. Jacques-Edouard Alexis, une délégation du groupe sénatorial, conduite par son président, M. Michel Dreyfus‑Schmidt, s’est rendue en visite en Haïti où elle a été reçue en audience par le président de la République, alors M. René Préval.

Le groupe d’amitié a reçu, la même année, une délégation de la Chambre de commerce et d’industrie d’Haïti, ainsi que de la Chambre de commerce et d’industrie franco-haïtienne. Par la suite, une délégation de cinq députés de la République d’Haïti, venue en France pour une visite d’échanges, organisée à la demande de l’Union interparlementaire, s’est informée du fonctionnement des services de la Séance et des commissions du Sénat, et a été reçue par le président du groupe interparlementaire d’amitié.

En 2003, ont eu lieu deux réunions de travail : la première, entre Mme Danielle Bidard‑Reydet, vice-présidente du groupe d’amitié, et M. Edgard Gardy Leblanc, ancien président du Sénat de la République d’Haïti, alors chef de file du parti Organisation du peuple en lutte (OPL), et la seconde, avec la Chambre de commerce d’Haïti.

Le 20 janvier 2004, en l’honneur du Bicentenaire de l’Indépendance et de la création de la République d’Haïti, a été donnée, au Sénat, une conférence par M. Jean Mazel, sur le thème suivant : « 1804-2004, Haïti, 200 ans d’indépendance ».

En 2007, deux sénatrices et deux députées de la République d’Haïti ont été reçues par le groupe interparlementaire sénatorial.

En 2010, se sont déroulées de nombreuses rencontres : avec M. Didier Lebret, ambassadeur de France en Haïti, venu faire part de la situation après le séisme, ainsi que M. Pierre Duquesne, ambassadeur chargé de la reconstruction en Haïti.

Puis, une délégation du groupe interparlementaire s’est déplacée en République dominicaine et en Haïti, du 16 au 23 avril. Une délégation composée de présidents de commissions de la Chambre des députés d’Haïti a été reçue par M. Serge Lagauche, alors vice-président du groupe d’amitié.

Depuis 2012, les visites officielles ont été nombreuses : M. Laurent Lamothe, ministre des Affaires étrangères et des cultes, a conduit une délégation composée de M. Wilson Laleau, ministre du Commerce, M. Hervé Day, ministre de la coopération et de la planification externe, MM. Youri Latortue et Buisserth, sénateurs, et de M. Abel Descollines, député, en vue de relancer la coopération interparlementaire ; M. Bernard Piras, président du groupe d’amitié, a reçu M. Didier Le Bret, ambassadeur de France en Haïti, en présence de M. Fritzner Gaspard, chargé d’affaires de la République d’Haïti en France.

A la suite de ces entretiens, le groupe d’amitié a reçu une délégation de députés d’Haïti, venus au Sénat dans le cadre de la coopération interparlementaire pour s’informer sur la légistique. Elle était composée de M. Guy-Gérard Georges, président de la commission des Affaires étrangères, des cultes et des Haïtiens vivant à l’étranger, de M. Sadrac Dieudonné, président de la commission Ethique et Anticorruption, de M. Romial Smith, président de la commission de l’Intérieur, des collectivités territoriales, de la décentralisation et du développement frontalier, et M. Elie Blaise, président de la commission de l’ éducation, de la jeunesse et du sport, accompagnés par M. Pierre-Simon Georges, secrétaire général du Parlement d’Haïti ; puis a eu lieu une rencontre entre M. Bernard Piras, président du groupe d’amitié, et M. Pierre Francky Exius, sénateur du département du Sud d’Haïti, suivie de celle avec M. David Supplice, ministre des Haïtiens vivant à l’étranger.

L’année dernière, en 2013, M. Bernard Piras, président du groupe d’amitié, a rencontré M. Laurent Lamothe, Premier ministre de la République d’Haïti. Le 12 décembre 2013, s’est déroulé au Sénat un colloque Ubifrance consacré à Haïti, Cuba, la République dominicaine et Trinidad‑et‑Tobago.

En 2014, Mme Vanessa Matignon, ambassadeur d’Haïti en France, a rencontré les membres du groupe interparlementaire sénatorial. Elle les a invités à militer en faveur du redressement de l’image d’Haïti, mettant en valeur les progrès réalisés en matière de sécurité et de reconstruction ainsi que les indéniables atouts touristiques de l’île. Un groupe de fonctionnaires haïtiens a également participé à un séminaire de formation organisé par les services du Sénat, au titre de la coopération interparlementaire.

La visite du président de la République d’Haïti est issue de cette série de rencontres nombreuses et denses.

III. Entretien avec le président Joseph-Michel Martelly

Le président a d’abord indiqué qu’à la suite du séisme de 2010, le chantier de la reconstruction se poursuit tant sur les plans institutionnel, culturel et éducatif, que matériel.

Il a ensuite abordé les questions relatives à la reconstruction institutionnelle et matérielle de l’éducation et de la culture.

S’agissant de la reconstruction institutionnelle, bien que n’appartenant à aucun parti politique, le président Martelly a réussi à organiser une majorité à la Chambre des députés. Mais la date des élections sénatoriales a été repoussée à plusieurs reprises. En effet, le Conseil électoral permanent, créé en 1987, a rencontré des difficultés dans son fonctionnement, ainsi que le Collège transitoire pour l’organisation des élections. Le renforcement des institutions est un but prioritaire, notamment par rapport aux organisations non gouvernementales, dont il est souhaitable que l’importance relative diminue par rapport au rôle de l’État, lequel s’emploie à développer une bonne gouvernance. En particulier, la lutte contre la corruption se poursuit et des progrès notables ont été obtenus en matière de sécurité.

Concernant la reconstruction matérielle, il a précisé que sur les 1,5 million de personnes logeant sous des tentes à la suite du séisme, la très grande majorité a pu être relogée mais qu’il en resterait encore 150 000, chiffre qui témoigne de l’effort accompli. A cet égard, la participation française a été très appréciée et bien utilisée.

Sur l’économie, il a relevé que l’inflation a été réduite de 6,5 % à 4,5 % mais dans le cadre de cet effort de redressement, il a sollicité la France, tout particulièrement pour aider à diminuer les risques menaçant la sécurité des côtes.

Il a, par ailleurs, fait appel aux investissements français, notamment en matière d’infrastructures (ports, aéroports, routes, édifices), d’énergie et de tourisme. Il faut souligner qu’en matière hôtelière, quatre grandes chaînes internationales se sont installées en Haïti depuis deux ans et qu’un million de personnes visite désormais le pays chaque année.

Sur l’aspect éducatif et la culturel, la politique, actuellement menée, vise à mettre en œuvre les efforts nécessaires en matière d’enseignement. La scolarisation gratuite et obligatoire des enfants est un chantier prioritaire. Le gouvernement haïtien accorde beaucoup d’importance à la promotion et à la valorisation de l’éducation et de la culture, comme facteur essentiel de la reconstruction et du développement du pays. Dans ce domaine, le président de la République d’Haïti souhaite que se poursuive la coopération avec la France, particulièrement, en ce qui concerne la formation professionnelle, afin de développer les compétences dans le secteur touristique.

Les deux pays ont en partage un passé parfois douloureux, mais aussi la francophonie.

Le président Martelly a exprimé le vœu que son pays, situé au cœur de l’Amérique, accueille le prochain sommet de la francophonie en 2016. Et il souhaite vivement aussi que les sénateurs français contribuent à véhiculer une image positive d’Haïti.

Un large dialogue a pu s’instaurer avec les sénateurs à l’occasion de cette visite.

Audience du président Michel Martelly dans les salons de la Présidence

À une question du président du Sénat, M. Jean-Pierre Bel, sur la participation des Nations unies, et en particulier de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), le président Martelly a souligné que c’était la dixième mission des Nations unies en Haïti en moins de vingt ans.

Le président du Sénat a exprimé devant son hôte sa conviction que cette visite d’État allait susciter un regain d’intérêt pour les investissements français dans les projets actuels.

M. Bernard Piras a corroboré les propos du président du Sénat en souhaitant que les investissements prennent en Haïti le relai des dons.

Il a salué chaleureusement la collaboration actuelle avec l’ambassade d’Haïti, plus particulièrement dans ses efforts visant à vaincre les appréhensions en matière de sécurité. Affirmant avoir été attentif à la demande des Haïtiens par la voix de leur président, il a confirmé l’appui du groupe d’amitié pour y répondre.

Le président Gérard Cornu a réaffirmé la forte sympathie ressentie par les Français à l’égard des victimes de la catastrophe sismique de 2010 et la motivation du peuple français pour aider le peuple haïtien à reconstruire son pays.

Il a mentionné l’appui que peuvent apporter les entreprises françaises d’envergure mondiale telles que les groupes Accor, Veolia ou GDF Suez, ainsi que les divers groupes français de travaux publics.

Il a estimé que la France avait une vocation particulière à proposer son appui en matière éducative. La langue française doit faciliter une coopération avec les enseignants français puisque Haïti est le seul pays de la région encore francophone, malgré la puissante influence de ses voisins.

M. Serge Larcher a rappelé la proximité historique et culturelle d’Haïti avec la Guadeloupe et la Martinique, ainsi que l’apport de ce pays à la culture antillaise, notamment par sa musique et ses écrivains, dont témoigne l’élection récente de M. Dany Laferrière à l’Académie française.

Mme Bariza Khiari, vice-présidente, s’est félicitée de l’image positive donnée d’Haïti à travers cette visite, si différente de celle offerte par les médias.

Elle a également fait l’éloge de ce peuple debout, maître de son destin avec lequel la France a tant de choses en commun, en particulier le précieux patrimoine de la langue française. Elle a souligné que bien que le créole structure une identité, les jeunes doivent pouvoir étudier ailleurs, dans des formats internationaux.

Le président Michel Martelly a souligné combien la nécessité de renforcer la qualité du français parlé en Haïti, concurrencé par le créole parlé partout, et par l’anglais dont l’usage se répand.

En réponse, M. Michel Martelly a souligné l’excellence des relations avec Cuba qui s’appuient sur une coopération en matière de santé et d’environnement, coopération à laquelle la Norvège apporte son soutien financier.

*

Cette rencontre a donc permis de faire le point sur l’évolution de la situation en Haïti, tant sur le plan politique et institutionnel depuis les élections présidentielles, que sur celui des progrès en matière de réformes économiques.

Les participants ont salué ce pays courageux, exposé aux séismes et aux cyclones, et souhaité qu’il surmonte ses handicaps et réponde aux énormes défis auxquels il demeure confronté.

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