Mercredi 28 février 2024, sous la présidence de M. Cédric PERRIN (Les Républicains – Territoire de Belfort), président, le groupe d’amitié France - Suisse s’est entretenu avec M. Paul MAURICE, chef de la mission de l’Allemagne, de l’Europe alpine et adriatique à la direction de l’Union européenne du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE).

étaient également présents : Mmes Corinne BOURCIER (Les Indépendants – Maine-et-Loire), Michelle GRÉAUME (Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky – Nord), Patricia SCHILLINGER (Rassemblement des Démocrates, Progressistes et Indépendants – Haut-Rhin) et M.  Ludovic HAYE (RDPI – Haut-Rhin).

M. Paul MAURICE était accompagné de M. Florian VEAUDECRENNE, rédacteur en charge du suivi des dossiers suisses à la direction.

Dans son propos liminaire, M. Paul MAURICE a proposé de dresser un rapide bilan de la perception de la Suisse, membre de l’Association européenne de libre-échange (AELE), par elle-même.

Il a rappelé que la Suisse, dont le taux de chômage est de 4 % et l’inflation de 3 %, qu’elle est la 20e économie mondiale et possède le 7e plus élevé PIB/habitant, dont 25 % dans l’industrie de très haute valeur ajoutée. Les facteurs d’explication de cette prospérité résident dans le temps de travail –42 heures/semaine –, l’âge de départ à la retraite – 65 ans – et l’entrée précoce des jeunes dans le monde du travail, grâce à un apprentissage très développé.

Cette présentation très favorable doit toutefois être nuancée, selon M. MAURICE. S’agissant du conflit en Ukraine, le G7 souhaite que la confédération ait une politique plus sévère vis-à-vis des avoirs russes gelés. De même, si la Suisse ne souhaite pas déroger à son principe de neutralité dans ce conflit, les pressions allemandes en vue de pouvoir réexpédier des armes achetées en Suisse vers ce terrain de guerre fragilisent cette neutralité. Cette dernière doit-elle être active ou passive ? Europhobe, le parti d’extrême droite UDC, qui a renforcé sa place au Conseil national (avec 30 % des sièges lors des élections fédérales d’octobre 2023), préconise une neutralité stricte.

Enfin, la chute du Crédit suisse (dont la gestion a été saluée par les partenaires de la Suisse) et sa dissolution dans le groupe UBS se traduit par une nouvelle concentration bancaire.

Revenant sur la visite d’État du Président Macron en novembre 2023, M. MAURICE a cité ses mots – « Vous êtes européens mais vous ne le savez pas encore… » – prononcés quelques jours avant la reprise des négociations du projet d’accord institutionnel entre la Suisse et l’Union européenne (UE). Il a ensuite rappelé l’avancée des travaux : le 15 décembre 2023, le Conseil fédéral a approuvé le projet de mandat de négociation avec l'UE (24 des 26 cantons ont accepté), puis le 12 février 2024, après une procédure de consultation, le Conseil fédéral a reçu le soutien pour l’ouverture de ces négociations, en dehors de l’UDC et de certains syndicats de travailleurs. À ce propos, il a rappelé que 224 000 travailleurs passaient chaque jour la frontière.

M. MAURICE a ensuite précisé que trois secteurs posaient problème, approuvé sur ces points par les membres du groupe :

–  la résolution de certaines difficultés liées aux liaisons ferroviaires : la suppression, liée à d’importants travaux de maintenance, de certains TGV Lyria s’arrêtant à Frasne ; le développement du fret ferroviaire ; la divergence de vue sur la ligne du Tonkin (sud Léman) pour le transport de marchandises parfois dangereuses ;

– le départ des professionnels de santé vers la Suisse est une réelle préoccupation pour les départements frontaliers, mais également pour l’État français. Au moment de leur retraite ou en cas de chômage, les expatriés reviennent en France et c’est notre pays qui verse les indemnités. Or, compte tenu du niveau des rémunérations bien supérieur chez notre voisin, les pensions ou les indemnités chômage atteignent des montants importants, ce qui créé en plus une réelle inégalité vis-à-vis de leurs collègues restés sur notre territoire. Répondant à une question de Mme Patricia SCHILLINGER, M. MAURICE a dit espérer que les négociations avec la Commission européenne dessinent un cadre de travail pour le renouvellement des anciens accords bilatéraux.

M. Cédric PERRIN, président, a souhaité que s’instaure un dialogue entre la France et la Suisse en vue de résoudre ce déficit de main-d’œuvre touchant également le secteur horloger. Il a cité, pour exemple, la société Swatch qui emploie 80 % de personnel français mais 100 % d’apprentis suisses. Soulignant que le canton du Jura (80 000 habitants) avait un taux de chômage quasi nul, il s’est inquiété de ce qu’en cas de pénurie de main-d’œuvre, les entreprises ne quittent le Jura pour s’installer dans un autre canton.

En réponse à cette remarque, M. MAURICE a annoncé que la France y consacrait 107 milliards d’euros et a proposé de s’inspirer de l’accord avec l’Allemagne, signé en juillet 2023. Mme SCHILLINGER a cité d’autres facteurs de blocage, tels que le droit du travail français (35 heures) et le manque de maîtrise de la langue. Répondant à l’interrogation de M. HAYE quant aux leviers existants pour éviter le départ des apprentis français vers la Suisse à l’issue de leur formation, M. MAURICE a indiqué que plusieurs pistes étaient soumises à réflexion : période d’exercice minimum et obligatoire en France à compter de la fin des études, prise en charge de la formation, accès facilité aux crèches ou au logement…

M. MAURICE a mentionné enfin la gestion des eaux du Rhône, affectée notamment par l’accélération de la fonte des glaciers. Ce dossier, en jachère depuis 10 ans, pourrait être résolu d’ici la fin de l’année. Étendant son propos à la gestion du Rhin en réponse à une interrogation de M. Ludovic HAYE, il a précisé que les problèmes et les conséquences économiques ou environnementales (touchant la Hollande) n’étaient pas tout à fait les mêmes pour la France.

A Mme SCHILLINGER, qui regrettait le manque de contact avec certains préfets et le peu d’échanges transfrontaliers depuis la crise de la Covid-19, M. MAURICE a indiqué que les structures locales tels les Eurodistricts (espaces frontaliers de coopération dont l’objectif est d’organiser et d’institutionnaliser la coopération entre les pays au niveau des zones frontalières) pouvaient constituer des interlocuteurs locaux.

M. Cédric PERRIN, président, a pour conclure remercié M. Paul MAURICE d’avoir répondu aux questions du groupe d’amitié.

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