Le mercredi 27 mars 2024, sous la présidence de M. Dominique de Legge (Les Républicains – Ille-et-Vilaine), président, le groupe d’amitié France-Saint-Siège a entendu le Pr François Mabille, Secrétaire général de la Fédération internationale des universités catholiques (FIUC).

Étaient également présents : Mme Corinne Bourcier (Les Indépendants – Maine-et-Loire), M. Pierre Cuypers (LR – Seine-et-Marne), Mme Marie-Claude Lermytte (INDEP – Nord), M. Daniel Laurent (LR – Charente-Maritime) et Mme Marie Mercier (LR – Saône-et-Loire).

Pr François Mabille, à gauche, et M. Dominique de Legge

M. Dominique de Legge, président, a rappelé que la Fédération internationale des universités catholiques (FIUC) fêtait cette année son 100e anniversaire, ayant été créée en 1924 à l’initiative des universités de Milan (Italie) et de Nimègue (Pays-Bas). En 1948, la fédération a été officiellement reconnue par le Vatican comme une association de fidèles. Aujourd’hui, elle regroupe environ 250 universités ou institutions d’enseignement supérieur dans 56 pays. Elle a son siège à Paris. Outre des objectifs académiques ou de coopération, la FIUC joue un rôle international auprès de l’UNESCO, à Paris, du Conseil économique et social de l’ONU, à New-York, du Conseil de l’Europe, à Strasbourg, et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), à Vienne.

Le Pr François Mabille a ensuite indiqué que la FIUC était le premier réseau d’enseignement privé au monde, avec 7 millions d’étudiants. Les universités catholiques sont principalement implantées en Amérique latine (80), en Europe (60), puis à égalité en Asie et aux Etats-Unis. Ce sont des établissements de taille très diverses, parfois très importants comme à Georgetown, ou beaucoup plus petits. Il en est de même en France, entre l’Institut catholique de Lille, qui regroupe plus de 20 000 étudiants, et l’Institut catholique d’études supérieures (ICES), en Vendée, qui en regroupe dix fois moins environ. Leurs origines et leurs statuts sont également très divers (associatif, diocésain, pontificaux). Ces universités ont parfois été créées pour des visées éducatives, ou aux fins d’influence sur les élites locales, ou encore dans une démarche missionnaire.

Actuellement, les universités catholiques sont marquées par plusieurs évolutions. En interne, les facultés de théologies sont progressivement marginalisées compte tenu de la baisse du nombre de séminaristes. Il y a également des changements de positionnement par rapport aux valeurs catholiques, qui apparaissent désormais plus dans la pastorale que dans le fonctionnement de l’université lui-même. Vis-à-vis de l’extérieur, les universités catholiques sont confrontées à des difficultés en matière de liberté académique et de liberté religieuse. Elles doivent aussi faire face à la concurrence accrue de nouveaux acteurs privés sur le marché de l’éducation.

À cet égard, le Pr Mabille a appelé l’attention des sénateurs sur les évolutions à l’œuvre dans l’enseignement supérieur, avec un mouvement de retrait du soutien public alors qu’avec Internet et les enjeux d’accès à la connaissance, les campus se mondialisent et le métier d’enseignement change profondément. On pourrait se diriger vers un enseignement supérieur à plusieurs vitesses, entre les grands ensembles internationalisés et les autres. Les universités multi-campus sont actuellement en pleine phase de développement.

Enfin, le Pr Mabille a insisté sur l’importance des universités dans les stratégies d’influence (« soft power »). Il a donné l’exemple de l’université Notre-Dame, dans l’Ohio, particulièrement active à cet égard en Ukraine du fait de son partenariat avec l’université de Lviv, ou encore en Colombie, où son rôle a été important dans la négociation de l’accord de paix. L’université de Lisbonne est également un bon exemple avec plusieurs campus à Macao, en Angola ou au Mozambique. On peut donc s’interroger sur l’usage que pourrait faire la France de cet outil d’influence alors qu’elle en a beaucoup perdu en Afrique, notamment sahélienne, où se multiplient les universités islamiques, essentiellement religieuses. Les Etats-Unis ont quant à eux clairement fait le choix d’utiliser ce vecteur à partir de 1998.

Répondant à MM. Daniel Laurent et Dominique de Legge, président, sur l’attractivité des universités catholiques et l’importance accordée aux valeurs, il a indiqué que les dernières enquêtes montraient que les étudiants étaient de moins en moins catholiques et que leur choix, ainsi que celui de leurs parents, était essentiellement motivé par le niveau académique. Par le passé, plusieurs textes importants ont été publiés par le Magistère sur les universités, mais ils ne sont plus d’actualité aujourd’hui. Ces valeurs sont aujourd’hui une base de questionnement pour déterminer ce qui guide les orientations des universités. Elles se traduisent également dans la réflexion et le cheminement éthique proposés aux élèves autour de leur future pratique professionnelle. Ces valeurs trouvent une traduction concrète en termes de responsabilité sociétale des universités et de leurs étudiants par rapport à leur environnement immédiat, en lien avec des programmes environnementaux et d’aide sociale.

Plus globalement, les universités catholiques offrent et garantissent un cadre de références qui est propre à leur identité. Tout en étant reconnu et valorisé, il peut être menacé dans certains pays où une répression ou une menace existe contre les chrétiens.

Interrogé sur d’éventuelles difficultés de recrutement par Mme Marie Mercier, le Pr Mabille a expliqué que la question ne se posait en France que pour le corps enseignant, qui était moins bien rémunéré que dans le public, la tendance mondiale étant à la précarisation des enseignants, de moins en moins permanents et de plus en plus vacataires. Pour les universités catholiques, l’un des enjeux réside dans le maintien de leur singularité alors que leur personnel se laïcise toujours plus.

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