Le mardi 18 avril 2023, M. Bruno BELIN (Vienne - Les Républicains), président délégué du groupe interparlementaire d’amitié France-Pays du Cône Sud, s’est entretenu avec S.E. M. Jorge JURE ARNOLETTI, Ambassadeur d'Uruguay en France, sur la relation bilatérale.

Étaient également présents M. Ernesto MESSANO, Ministre-conseiller à l’ambassade d’Uruguay en France, M. Patricio ORTIZ, chargé des affaires consulaires, ainsi que S.E. M. Philippe BASTELICA, Secrétaire général des Semaines de l'Amérique latine et des Caraïbes au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et ancien ambassadeur de France en Uruguay, et Mme Paz NUNEZ-REGUEIRO, conservatrice en chef du patrimoine et responsable de l’Unité patrimoniale des collections Amériques au musée du Quai Branly – Jacques Chirac.

Interrogé à ce sujet par M. Bruno BELIN, S.E. M. Jorge Jure ARNOLETTI a évoqué la situation intérieure de l’Uruguay, où un projet de réforme des retraites occupe, comme en France, le débat politique. Il vise à instaurer un recul progressif de l’âge de départ à la retraite de 58 ans (pour les femmes) ou 60 ans (pour les hommes) à 65 ans, ainsi qu’à supprimer des régimes spéciaux, par exemple celui des personnels militaires. En effet, l’Uruguay fait face à un vieillissement de sa population et à une baisse significative des naissances, avec un taux de natalité de 1,2 enfant par femme. L’ambassadeur a, plus généralement, souligné la stabilité politique de son pays.

À propos de l’environnement régional de l’Uruguay, S.E. M. Jorge JURE ARNOLETTI a indiqué que la situation politique au Brésil ne provoquait aucune déstabilisation du pays : certes, l’attaque du 8 janvier contre le Congrès national, le palais présidentiel et le Tribunal suprême fédéral ont suscité des inquiétudes en Uruguay, mais ces événements ont finalement renforcé le Président Lula, qui a pu appeler à la cohésion nationale. L’ambassadeur s’est réjoui des bonnes relations de l’Uruguay avec ses voisins ; les différents qui pouvaient survenir dans ces relations ont été résolus au moyen de mécanismes internationaux, tels que la Cour internationale de justice (CIJ) dans le cas de la pollution issue d’usines de papier à la frontière avec l’Argentine. L’ambassadeur s’est en revanche inquiété de la situation politique « dramatique » de la Bolivie, pays stratégique par sa localisation au centre de l’Amérique du Sud et par ses ressources naturelles, mais « oublié » sur la scène internationale alors qu’il fait face à une grave crise politique et sociale.

Concernant la guerre en Ukraine, S.E. M. Jorge Jure ARNOLETTI a souligné que la Russie ne pouvait légitimer l’invasion de son voisin, même s’il était possible de « débattre » des causes profondes du conflit. Tout comme l’Uruguay, la plupart des états d’Amérique du Sud ont voté en faveur de la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies de février 2023 condamnant l’invasion russe, à l’exception de la Bolivie (abstention) et du Venezuela (absent lors du vote), même ces États n’appliquent pas nécessairement de sanctions financières à l’encontre de la Russie. L’ambassadeur a, par ailleurs, réaffirmé l’attachement de l’Uruguay aux principes du droit international, ce qui en fait, en valeur absolue par habitant, l’un des principaux contributeurs dans le monde aux opérations internationales de maintien de la paix.

S’agissant de la relation bilatérale, S.E. M. Jorge Jure ARNOLETTI a indiqué que l’Uruguay, à l’instar d’autres Etats d’Amérique latine, souhaiterait voir la France s’impliquer davantage dans la région.

L’Uruguay projette de créer une nouvelle faculté d’ingénierie, qui pourrait répondre aux besoins des entreprises françaises. Il montre également un intérêt pour les coopérations dans le domaine de l’hydrogène vert, une question stratégique pour les deux pays : la France avait déjà noué des accords de production avec le Chili et l’Argentine, tandis que l’Uruguay coopère davantage avec l’Allemagne et les Pays-Bas. Au-delà de l’hydrogène, le mix énergétique uruguayen est composé à 92% d’énergies renouvelables, principalement d’origine hydroélectrique, et dans une moindre mesure éolienne et solaire, ce qui en fait un pays très avancé en la matière.

L’ambassadeur a également évoqué le cas des étudiants uruguayens en France, au nombre d’environ 200 chaque année – un chiffre important à l’échelle de l’Uruguay –, principalement dans le domaine scientifique. Cette population étudiante doit parfois faire face à des difficultés financières, notamment pour le paiement de ses frais de scolarité, la législation uruguayenne interdisant toute subvention publique pour les personnes étudiant dans un établissement d’enseignement supérieur privé à l’étranger. Abordant par ailleurs l’accord Union européenne (UE)-Mercosur, S.E. M. Jorge Jure ARNOLETTI a regretté les réticences françaises, dues en partie à un manque de communication autour des bénéfices réciproques de ce projet.

M. Patricio ORTIZ a souligné les difficultés, pour les ressortissants de son pays, liées à la non-reconnaissance par la France des permis de conduire uruguayens, l’obtention d’un permis de conduire français étant pour eux d’un coût élevé. Il a observé que certains critères de reconnaissance des permis étrangers par la France, parmi lesquels figure l’existence d’un système de permis, étaient parfois levés pour d’autres pays. Il a plaidé pour que cette situation puisse être examinée avec attention. M. Bruno BELIN a indiqué qu’il allait interroger les autorités françaises à ce sujet.

S.E. M. Jorge Jure ARNOLETTI et S.E. M. Philippe BASTELICA ont en outre évoqué la participation de l’Uruguay à la semaine de l’Amérique latine et des Caraïbes. De manière plus générale, l’évocation de la collaboration culturelle entre les deux pays a donné l’occasion à Mme Paz NUNEZ-REGUEIRO de présenter l’histoire des collections latino-américaines du Quai Branly, qui remontent aux expéditions scientifiques européennes vers le continent américain. Elle a indiqué que les projets de coopération avec certains pays d’Amérique du Sud pouvaient se heurter à des difficultés liées à l’instabilité politique ou sociale, entraînant des restrictions financières mais aussi un renouvellement fréquent des personnels, ce qui ne facilite pas la fluidité des relations. Mme NUNEZ-REGUEIRO a comparé les communautés autochtones d’Amérique latine et du Nord, ces dernières ayant été davantage reconnues qu’en Amérique latine et exerçant une certaine souveraineté sur leurs territoires, ce qui facilite les actions de coopération culturelle. Mme NUNEZ-REGUEIRO a, en outre, évoqué les projets de coopération en cours avec le continent américain, notamment avec les anciennes communautés autochtones alliées de la France en Louisiane, et avec les communautés riveraines du lac Titicaca en Bolivie et au Pérou.

S.E. M. Jorge Jure ARNOLETTI a, quant à lui, mentionné le rôle des premiers naturalistes et explorateurs français en Uruguay, vantant les aspects positifs de la relation passée et actuelle entre la France et l’Uruguay.

L’ambassadeur a invité le groupe d’amitié France-Pays du Cône Sud à se rendre en Uruguay afin d’aborder la coopération culturelle et scientifique – par exemple à travers l’Institut Pasteur de Montevideo –, la coopération décentralisée, ou encore le dynamisme du secteur viticole. Il a également pris acte de l’invitation de M. Bruno BELIN à se rendre dans son département, la Vienne, pour découvrir, entre autres, le site de de Sciences Po situé à Poitiers, qui vise spécifiquement à former les étudiants sur les enjeux politiques, économiques et sociaux de l’Amérique latine et des Caraïbes.

De gauche à droite : M. Ernesto MESSANO, M. Patricio ORTIZ, S.E. M. Jorge Jure ARNOLETTI,
Mme Paz NUNEZ-REGUEIRO, M. Bruno BELIN et S.E. M. Philippe BASTELICA

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