Le mercredi 24 janvier 2024, le programme européen INTER PARES et ONU Femmes ont organisé un atelier en ligne réunissant une centaine de participants sur la prise en compte de l’égalité femme-homme dans l’élaboration des budgets nationaux (approche dite Gender-Responsive Budgeting). Cette approche permet de contribuer à la mise en œuvre de l’objectif de développement durable n° 5 (parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles).

Le concept de Gender-Responsive Budgeting repose sur l’utilisation des instruments de politique fiscale et de gestion des finances publiques, dans le but de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes. Les parlements ont un rôle central à jouer pour mettre en œuvre cette nouvelle approche budgétaire.

Le webinaire a comporté deux sessions : le rôle du Gender Budgeting dans la gestion des finances publiques et celui des parlements dans sa mise en œuvre.

1. Gender Budgeting : un aperçu de son rôle dans la gestion des finances publiques

Sont intervenus lors de cette session :
• Geoff DUBROW, fondateur et consultant principal auprès de Nexus PFM Consulting Inc. et de la Fondation de Westminster pour la Démocratie ;
• Maja BOSNIC, experte en finances publiques et en Gender Budgeting ayant travaillé avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ;
• Claire O'DONNELL, spécialiste de la recherche sur le Gender Budgeting auprès d’International Budget Partnership ;
• Damaris ROSABAL, doctorante et experte en Gender Budgeting et en autonomisation des femmes, Pro PALOP-TL/PNUD .
Dans un premier temps, les intervenants ont souligné l’importance de prendre en compte l’égalité femme-homme à chaque étape du processus budgétaire, soit durant la définition de la stratégie budgétaire, la promulgation de la loi de finances, son exécution, son contrôle externe. Le Gender Budgeting demande un fort engagement politique des pouvoirs exécutif et législatif.

La prise en compte de l’égalité femme-homme doit survenir dès la phase de définition de la stratégie budgétaire. La circulaire budgétaire, contenant une série d'instructions sur la manière dont les ministres doivent préparer leur budget, est délivrée par le ministère des Finances.

L’impact des mesures budgétaires sur les politiques en faveur des femmes et des jeunes n’est pas assez mesuré. L’allocation des crédits néglige trop souvent les politiques publiques en faveur des femmes.

L’égalité de genre devrait être intégrée dès l’étape de définition de la stratégie budgétaire, par exemple dans la circulaire budgétaire, en insistant notamment sur la nécessité d’évaluer l’impact de cette politique sur l’égalité de genre. Les indicateurs de performance sont aussi des éléments à intégrer à la procédure budgétaire pour assurer le Gender Budgeting. Il est également important, pour les combler, d’identifier les lacunes dans la compréhension des inégalités de genre et d’établir des données statistiques précises d’aide à la décision.

Certains pays africains de langue portugaise et le Timor oriental ont mis en place, en 2014, un plan stratégique de Gender Budgeting . Ce plan, décliné en deux phases, a d’abord instauré un modèle d’assistance technique pour le contrôle parlementaire du budget national en lien avec l’égalité femme-homme à l’Assemblée nationale du Cap-Vert, en 2014 et 2015. Ce modèle a été étendu aux pays africains de langue portugaise et au Timor oriental de 2017 à 2021. En 2019, l’article 12 de la loi cap-verdienne sur le cadre budgétaire a introduit les problématiques liées au genre dans le budget national. Le plan est en cours de consolidation, notamment grâce à une assistance technique à l’autonomisation des femmes et à la généralisation du Gender Budgeting au sein du parlement du Cap-Vert. En 2022, un décret présidentiel a fixé des directives visant à planifier les dépenses à moyen terme (2022-2025) et à prendre en compte l’égalité femme-homme dans le budget national. Une échelle d’indicateurs d’égalité femme-homme a été intégrée dans le budget de l’État en 2022.

2. Le rôle des parlements dans la promotion et la mise en œuvre du Gender Budgeting

Sont intervenus lors de cette session :
• Kevin DEVEAUX, conseiller principal en gouvernance politique auprès de DIG Consultants Inc. ;
• Hannah JOHNSON, conseillère principale pour l’égalité femme-homme auprès d’INTER PARES et responsable de l’échange de connaissances au Parlement gallois (Senedd Cymru) ;
• Ricardo GODINHO GOMES, conseiller technique en chef (Pro PALOP-TL/PNUD) ;
• Idalina VALENTE, membre de la commission du budget et du groupe des femmes au parlement angolais et présidente du groupe angolais de l’Union Interparlementaire ;
• Tabitha MUTINDA, membre du Sénat du Kenya ;
• Mariadele CUCINOTTA, du service de recherche de la Chambre des Députés d’Italie.
Par leur fonction de contrôle de l’exécutif, les parlements doivent veiller au respect des engagements gouvernementaux en matière d’égalité femme-homme au cours de la procédure budgétaire.

Un kit d’action développé par ONU Femmes présente le rôle des parlements dans la mise en œuvre de l’égalité femme-homme. Les parlements doivent intégrer cet objectif dans le budget national en amont. Par exemple, au Canada, l’intégration de l’égalité femme-homme dans le budget national a permis de mettre en évidence un problème relatif à la budgétisation de l’aide aux enfants handicapés. Allouer un budget précisément déterminé aux politiques d’égalité femme-homme est vertueux. En raison du peu de temps dont disposent les parlements pour examiner le budget, il pourrait être envisagé de créer une institution indépendante, chargée d’évaluer la mise en œuvre du Gender Budgeting à la manière d’un audit, afin de soutenir le travail parlementaire.

Il est également important que les parlements puissent recueillir des données en complément des chiffres fournis par les gouvernements. Ils peuvent aussi mobiliser leurs outils de contrôle pour s’assurer de la mise en œuvre du Gender Budgeting, en séance publique ou en commission, par exemple les débats, le vote de motions et de résolutions ou le dépôt de questions, ainsi que lors d’entretiens plus informels avec les ministères et leurs services.

À titre d’illustration, le parlement angolais a pris un certain nombre de mesures en matière de Gender Budgeting. Une formation sur l’égalité de genre a été proposée aux députés. Par ailleurs, une loi de 2014 sur la politique d’égalité femme-homme a permis de faire passer l’effectif des femmes parlementaires de 6,3 % en 2008 à 37 % en 2018. Sur 129 programmes de développement de l’égalité femme-homme entre 2012 et 2017, 87 ont relevé du Gender Budgeting. L’Assemblée nationale travaille avec différents acteurs de la société civile ainsi que des experts, notamment avec l’Association des femmes juristes. Il est également important de travailler avec les ministères appropriés, en particulier le ministère des finances, la sensibilisation au Gender Budgeting et les échanges avec les ministres contribuent à faire de l’égalité de genre une question nationale.
À titre d’illustration, l’Italie a pris diverses mesures au titre du Gender Budgeting. Créé en 2018, un service parlementaire de recherche a achevé en mars 2021 un rapport analysant l’impact des propositions législatives sur l’égalité femme-homme. En 2023, le ministère de l’économie et des finances a publié un rapport sur les dépenses budgétaires visant à promouvoir l’égalité femme-homme dans les politiques publiques, marquant ainsi un progrès en termes de Gender Budgeting. La Chambre des Députés vise l’intégration de la perspective de genre dans l’élaboration des indicateurs de bien-être équitable et durable d’ici à 2028. Parmi les défis pour l’avenir, figurent l’extension de l’analyse de l’impact des politiques publiques d’égalité de genre, l’amélioration des recherches statistiques et l’approfondissement de la portée des actes législatifs à l’égalité de genre.