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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Salut à une délégation québécoise

Questions d'actualité

Création de l'agence de conseil interne de l'État

Mme Nathalie Goulet

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques

Crise de l'éducation nationale

Mme Monique de Marco

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Réforme de l'assurance chômage (I)

Mme Frédérique Puissat

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

Réforme de l'assurance chômage (II)

Mme Nicole Duranton

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

Finances des départements

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Éolien en mer

M. Philippe Grosvalet

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité

Situation en Haïti

Mme Hélène Conway-Mouret

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement et des partenariats internationaux

Réforme de l'assurance chômage (III)

Mme Evelyne Corbière Naminzo

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

Finances publiques

M. Bruno Belin

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics

Réforme de l'assurance chômage (IV)

Mme Monique Lubin

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

Compétence « eau et assainissement »

M. Jean-Marc Boyer

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Oraux de fin de sixième année de médecine

Mme Anne-Sophie Romagny

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Démission du proviseur du lycée Maurice-Ravel

Mme Agnès Evren

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Situation sociale de la France

Mme Marion Canalès

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

Prise en charge des enfants en situation de handicap

Mme Marie-Pierre Richer

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Difficultés des professions de santé

Mme Corinne Imbert

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

Entrisme islamiste à l'école

M. Aymeric Durox

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Mise au point au sujet d'un vote

CMP (Nominations)

Adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels (Conclusions de la CMP)

Mme Françoise Gatel, rapporteur pour le Sénat de la CMP

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Guy Benarroche

Mme Michelle Gréaume

M. Michel Masset

M. Olivier Bitz

Mme Audrey Linkenheld

Mme Nadine Bellurot

M. Louis Vogel

Mme Olivia Richard

Convention internationale (Procédure simplifiée)

Convention d'extradition avec le Cambodge

Discussion générale

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement et des partenariats internationaux

M. Christian Cambon, rapporteur de la commission des affaires étrangères

Mme Michelle Gréaume

M. André Guiol

Mme Nicole Duranton

M. Jean-Marc Vayssouze-Faure

Mme Catherine Belrhiti

M. Jean-Pierre Grand

M. Philippe Folliot

M. Akli Mellouli

Nationalisation du groupe Électricité de France (Troisième lecture)

Discussion générale

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie

Mme Christine Lavarde, rapporteur de la commission des finances

M. Christian Bilhac

M. Saïd Omar Oili

M. Victorin Lurel

M. Bruno Belin

M. Christopher Szczurek

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Michel Canévet

M. Thomas Dossus

M. Fabien Gay

M. Franck Montaugé

M. Jean-Claude Anglars

Discussion des articles

Article 2

Ordre du jour du mardi 9 avril 2024




SÉANCE

du mercredi 3 avril 2024

79e séance de la session ordinaire 2023-2024

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Catherine Di Folco, Mme Patricia Schillinger.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Salut à une délégation québécoise

M. le président.  - (Mmes et MMles sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent.) Nous avons le plaisir d'accueillir, dans la tribune d'honneur, une délégation de l'Assemblée nationale du Québec, conduite par sa présidente, Mme Nathalie Roy. (Applaudissements nourris et prolongés) La délégation est composée de M. Luc Provençal, vice-président du groupe d'amitié, et de Mme Brigitte B. Garceau, tous deux députés.

Elle est accompagnée par notre collègue Rémy Pointereau, président du groupe interparlementaire d'amitié France-Québec. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, sur plusieurs travées du groupe UC et sur quelques travées du RDPI)

J'ai eu le plaisir d'échanger ce matin avec nos amis québécois, qui ont visité hier la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts.

La visite de la délégation de l'Assemblée nationale du Québec en France s'inscrit dans le cadre des échanges réguliers entre nos deux assemblées. Elle précède, monsieur le Premier ministre, votre visite au Québec la semaine prochaine, traditionnelle rencontre alternée entre nos deux chefs de gouvernement.

À l'ordre du jour des échanges avec nos collègues du groupe d'amitié, la délégation a choisi d'aborder principalement : l'égalité entre les femmes et les hommes, d'une part ; les influences étrangères dans nos démocraties, d'autre part.

Mes chers collègues, en votre nom à tous, dans cette langue que nous avons en partage, permettez-moi d'adresser un salut chaleureux à nos collègues de l'Assemblée nationale du Québec, ainsi qu'un fructueux séjour. (Applaudissements)

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Création de l'agence de conseil interne de l'État

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) L'inauguration des locaux de l'agence de conseil interne de l'État le 26 mars dernier aurait pu être une bonne nouvelle. Je rappelle que dans une anarchie déontologique absolue et une opacité complète, l'utilisation des cabinets privés avait coûté plus de 1 milliard d'euros aux contribuables. Cette gabegie n'avait pas échappé au groupe CRCE-K ni à la commission d'enquête menée de main de maître par Éliane Assassi et Arnaud Bazin.

S'ensuivait une proposition de loi adoptée ici le 18 octobre 2022 puis, à reculons et bien détricotée, le 1er février à l'Assemblée nationale.

Pourquoi cette initiative en pleine navette parlementaire, alors que nous sommes en période de disette budgétaire, que les agences et autres autorités pullulent à grands frais et que notre administration est dotée de plusieurs inspections générales très compétentes ? Une telle agence pourrait-elle régler les problèmes de transparence, éviter les consanguinités et les conflits d'intérêts, améliorer la gestion des deniers publics et celle de la haute fonction publique ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes Les Républicains, CRCE-K, SER et du GEST)

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques .  - Je vous lis la recommandation n°6 du rapport de la commission dirigée effectivement de main de maître par Arnaud Bazin et Éliane Assassi : « un plan de réinternalisation pour mieux valoriser les compétences internes et moins recourir aux cabinets de conseil ». C'est exactement ce que nous faisons ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

J'ai toujours été clair sur les objectifs. Janvier 2022, le Premier ministre Jean Castex a publié une circulaire pour réduire de 15 % les dépenses de conseil externe. L'année suivante, ces dépenses ont été divisées par deux, et l'année d'après par trois. Ainsi, 190 millions d'euros ont été économisés...

M. Jean-François Husson.  - Grâce au Sénat !

M. Rachid Temal.  - Cela coûtait cher !

M. Stanislas Guerini, ministre.  - ... grâce à un accord-cadre de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP). J'ai mis en place cet engagement quelques semaines après ma nomination. Il reprend quasiment intégralement les recommandations du Sénat : limitation des budgets et des missions de conseil, des droits de suite, suppression des missions pro bono et de celles en marque blanche, suppression des données chez les cabinets de conseil, capitalisation par les administrations, publication d'un jaune budgétaire et internalisation des missions de conseil.

Citez-moi des cas où nous investissons 10 millions d'euros pour en économiser 190 ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Nathalie Goulet.  - Si vous avez fait toutes ces économies, c'est grâce au travail du Sénat ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et sur quelques travées du groupe SER. Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)

Mme de Montchalin a publié une circulaire le matin de son audition par notre commission d'enquête - élégant... Nous demandons de la transparence. Il faut une tour de contrôle pour éviter les conflits d'intérêts, le pantouflage et le rétropantouflage. Nous demandons la juste utilisation des deniers publics. Encore mieux si cela figure dans le texte qui arrive au Sénat...

Mais avec une agence en plus, c'est mal parti pour avoir des dépenses en moins... (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et sur quelques travées des groupes CRCE-K et SER)

Crise de l'éducation nationale

Mme Monique de Marco .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Mille cinq cents ans : un établissement privé est susceptible d'être contrôlé une fois tous les mille cinq cents ans.

M. Loïc Hervé.  - Oh, ça va !

Mme Monique de Marco.  - Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur le double discours du Gouvernement. D'un côté, 7,8 milliards d'euros par an pour l'enseignement privé, sans contrôle, de l'autre, 690 millions d'euros de moins pour l'école publique. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Loïc Hervé.  - Mais c'est faux !

Mme Monique de Marco.  - Quelles que soient son origine, sa situation géographique ou ses croyances, chaque enfant a le droit de recevoir les mêmes moyens pour son éducation et son émancipation. (Murmures désapprobateurs au centre et à droite)

Dans de nombreux territoires, l'éducation nationale n'est plus en mesure de garantir l'égalité des chances. En Seine-Saint-Denis, enseignants, parents et élèves demandent depuis plus d'un mois un plan d'urgence pour recruter et rénover les établissements insalubres.

Votre réforme du choc des savoirs est un nouvel affront aux valeurs républicaines. Avec les groupes de niveau, vous organisez le tri social. (Exclamations au centre et à droite)

MM. Max Brisson et Olivier Paccaud.  - Caricature !

Mme Monique de Marco.  - Les conservateurs se sont toujours prévalus de la liberté d'enseignement pour s'opposer à la mixité sociale, agitant le chiffon rouge de la guerre scolaire. Actuellement, ils usent de tous les artifices pour éviter le débat sur les ghettos scolaires. Mais l'école de la République doit être un rempart face aux inégalités : nous ne voulons ni des groupes de niveau ni des uniformes. (Protestations au centre et à droite) Nous attendons un choc d'égalité, un choc de moyens et un plan d'urgence.

Madame la ministre, allez-vous remettre l'école publique au coeur de l'action du Gouvernement ? Dans quel camp êtes-vous ? (Marques d'impatience à droite) Celui des conservateurs ou celui des progressistes ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER ; marques de désapprobation à droite)

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - L'éducation nationale, c'est la priorité : nul besoin d'un plan d'urgence, c'est l'urgence de chaque instant.

Deux objectifs nous guident. Premièrement, la réussite de tous nos élèves. C'est pourquoi je mettrai en oeuvre le choc des savoirs, qui permettra de prendre en charge la singularité de chaque élève, pour le porter au plus haut de ses connaissances et de ses compétences.

Vous n'avez pas évoqué la sécurité, autre sujet de préoccupation, et condition d'un bon apprentissage.

Deuxièmement, la mixité scolaire. Madame la sénatrice, vous faites allusion aux établissements privés sous contrat. Nous avons recruté 60 personnes pour assurer leur contrôle administratif, financier et pédagogique.

La mixité fait aussi partie du plan construit avec le secrétariat général de l'enseignement catholique : je veillerai à ce qu'il s'applique pleinement.

Nous sommes attentifs aux situations singulières. En Seine-Saint-Denis, nous avons dédoublé les classes en école primaire dans les réseaux d'éducation prioritaire (REP). Ainsi, six classes sur dix ont moins de quatorze élèves.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Nicole Belloubet, ministre.  - Nous sommes arc-boutés sur la réussite et la mixité. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Réforme de l'assurance chômage (I)

Mme Frédérique Puissat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Compliqué, monsieur le Premier ministre, de vous suivre sur cette réforme de l'assurance chômage.

M. Rachid Temal.  - Ah !

Mme Frédérique Puissat.  - Celle-ci est un bien universel. Certes, certains peuvent frauder, ou profiter du système. Mais des milliers de personnes ont besoin de règles stables, qui ne changent pas au gré des gouvernements. La dernière réforme de l'assurance chômage date d'il y a à peine un an !

Les règles de l'assurance chômage ne sont pas définies par le Premier ministre au 20 heures (applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains), mais par les partenaires sociaux. La dernière réforme d'Élisabeth Borne est-elle déjà caduque ? Les partenaires sociaux ont fait des propositions en novembre 2023. Les avez-vous lues ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du GEST, et sur quelques travées des groupes UC et SER)

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités .  - L'assurance chômage est définie par l'article L.1 du code du travail, issu d'une excellente réforme de 2007 dont l'auteur était le président Larcher ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Cet article est extrêmement précis, et fait du dialogue social la base de tout.

En novembre dernier, les partenaires sociaux ont reçu une lettre de cadrage, écrite dans le contexte économique de l'automne 2023. Ce contexte a changé depuis. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains) Ils étaient invités à travailler sur le pacte de la vie au travail, et sur l'assurance chômage.

En novembre 2023, ils ont demandé au Gouvernement de pouvoir continuer à discuter sur l'assurance chômage. Le décret s'achevait au 31 décembre. Le Gouvernement a accepté un décret dit de jointure, qui court jusqu'au 30 juin 2024.

Les partenaires sociaux devaient répondre le 26 mars ; ils répondront le 8 avril, la balle est dans leur camp. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Frédérique Puissat.  - L'article L.1 du code du travail, c'est aussi l'Unédic, à laquelle vous avez fait les poches, par sous-compensation. Cet État pickpocket, nous le craignons pour les collectivités, l'Agirc-Arrco et nous le condamnons pour l'Unédic. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du GEST ainsi que sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K ; MM. Yannick Jadot et Akli Mellouli invitent Mme Frédérique Puissat à rejoindre le GEST)

Réforme de l'assurance chômage (II)

Mme Nicole Duranton .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Comme le Premier ministre l'a rappelé à l'Assemblée nationale, nous tendons depuis 2017 vers une société de plein emploi. (« Allo ? » à droite) Le taux de chômage est au plus bas depuis 25 ans. (Brouhaha à droite)

N'en déplaise à certains, la France n'a pas perdu de son attractivité (protestations sur les travées du groupe Les Républicains) et près de trois millions d'emplois ont été créés.

Une voix à droite.  - Tout va bien !

Mme Nicole Duranton.  - Nous avons multiplié les efforts pour réindustrialiser la France.

Il faut accompagner nos concitoyens dans la recherche d'un emploi : c'est le principe de la prochaine réforme de l'assurance chômage, pour un système juste dans lequel le travail paie. La durée d'indemnisation n'est qu'un des leviers envisagés dans les discussions en cours. Laissons travailler les partenaires sociaux. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

En cristallisant les débats sur un seul paramètre, nous risquons d'oublier l'essentiel. Faisons confiance au dialogue social : nous saurons le retranscrire dans la loi, comme nous l'avons fait pour l'accord national interprofessionnel (ANI) en 2022.

Madame la ministre (exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et SER), pouvez-vous nous tracer les contours de cette réforme au service d'une société du plein emploi ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités .  - Merci de me permettre de continuer à parler de l'assurance chômage. (On ironise sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)

Premier point : n'en déplaise à certains, nous sommes sortis de la période du chômage de masse. (Protestations sur les travées du groupe SER ; M. François Patriat applaudit.)

M. Hussein Bourgi.  - Vous l'avez déjà dit !

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - Depuis 2017, 2,4 millions de personnes ont retrouvé le chemin de l'emploi. Mais 400 000 entreprises cherchent à recruter ! Vous les rencontrez tous les jours : elles ont des offres à pourvoir mais ne trouvent personne.

Parlons de la formation. En 2019, l'Unédic était déficitaire de plus de 4 milliards d'euros. Non, le Gouvernement n'a pas fait les poches de l'Unédic (Mme Frédérique Puissat le conteste), mais lui a permis de financer des formations, via des plans d'investissement dans les compétences sur les territoires, notamment. Quoi de plus normal que de former vers l'emploi les allocataires du RSA ? Cela renforce aussi l'attractivité de notre pays. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Finances des départements

M. Pierre-Jean Verzelen .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) J'associe à ma question mes collègues axonais Pascale Gruny et Antoine Lefèvre.

Voilà cinquante ans que l'État présente des budgets en déficit, contrairement aux collectivités territoriales.

M. Olivier Paccaud.  - C'est la loi.

M. Pierre-Jean Verzelen.  - Pourtant, le président du conseil départemental de l'Aisne s'apprête à présenter un budget en déséquilibre.

Nous sommes confrontés à des difficultés structurelles. Nous bouclons les budgets avec des rustines -  quelques millions d'euros de péréquation, ou de soutien exceptionnel. Depuis vingt ans, les départements assument une partie des politiques sociales de l'État. Nous reportons les investissements pour les collèges et les routes. Dans les territoires ruraux, les collectivités territoriales doivent se substituer au privé pour investir dans la fibre optique, les commerces, les maisons médicales.

Voilà la vérité : sans une plus grande équité, si on ne remet pas les modèles à plat, des départements n'auront plus les moyens d'exister.

Monsieur le ministre, les élus ne se plaignent pas de leur sort, et ne sont pas dans une démarche politicienne : nous participons aux travaux de la mission Woerth.

Quelle réponse le Gouvernement peut-il donner aux départements au bord du précipice ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - Les départements sont confrontés à un effet ciseau : diminution des recettes, liée à la baisse des droits de mutation, et augmentation des dépenses sociales. Les disparités sont grandes : les départements littoraux, où le prix de l'immobilier est plus élevé, résistent mieux. Cela dit, les baisses de recettes se poursuivent.

Plusieurs dispositifs sont prévus aux articles 86, 131, 251 et 304 de la loi de finances pour 2024, à hauteur de 300 millions d'euros, notamment pour l'enfance et l'autonomie. Le fonds de sauvegarde a été porté à 106 millions d'euros pour les quatorze départements les plus en difficulté. S'y ajoute le complément aux crédits de fonctionnement, pour un demi-milliard d'euros de DGF supplémentaire.

Mais votre question, constructive, est : que faire maintenant ?

Je vous renvoie aux propos du Premier ministre la semaine dernière en réponse à Cécile Cukierman (M. Rachid Temal ironise) : comment trouver des chemins collectifs pour s'accorder sur des réponses structurelles, sans revenir aux contrats de Cahors ? La mission Woerth s'y attelle, elle rendra ses conclusions début mai, avant notre travail ensemble. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Olivier Paccaud.  - Où est la réponse ?

Éolien en mer

M. Philippe Grosvalet .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le 13 octobre 2017, la première éolienne flottante de France était mise à l'eau, à Saint-Nazaire.

« C'est une filière d'avenir : j'y crois et je veux que nous soyons un des leaders », a déclaré le Président de la République en novembre dernier, lors des assises de la mer. Nous sommes en mesure de construire turbines, pâles et sous-stations pour atteindre l'objectif de 45 gigawatts en 2050, mais, selon les grands industriels installés dans mon département, planification et visibilité font défaut.

À Saint-Nazaire, General Electric annonce se séparer de 600 salariés, la moitié de son effectif. Dans le département, deux usines vont fermer. C'est l'ensemble de notre filière photovoltaïque qui connaît de graves difficultés, risquant tout bonnement de disparaître.

Comment comptez-vous garantir une meilleure planification ? Comment renforcer la compétitivité de nos entreprises dans les appels d'offres, notamment face à la concurrence chinoise ? Comment accompagner le creux de charge de General Electric et sauver les 600 emplois menacés dans mon département ?

Monsieur le ministre, breton comme moi, vous êtes attaché à nos pêcheurs : comment comptez-vous rattraper les couacs de communication qui ont accompagné la présentation des cartographies des futurs parcs éoliens en mer ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Rachid Temal applaudit également.)

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité .  - Je vous remercie, ainsi que le maire de Saint-Nazaire, pour votre implication en faveur de la souveraineté énergétique de notre pays. Nous ne pouvons pas dépendre des hydrocarbures étrangers, notamment du gaz russe.

Pour réaliser la transition écologique, nous devons bâtir une filière française de l'éolien flottant, qui crée de l'emploi sur notre territoire et rayonne à l'international.

M. Rachid Temal.  - Et concrètement ?

M. Hervé Berville, secrétaire d'État.  - Dans le cadre de la planification, il faut prendre en compte les zones de pêche, les zones de protection forte et les zones de développement touristique.

Concrètement, nous avons lancé en janvier dernier un exercice inédit de planification en mer : pendant six mois, tout le monde pourra participer à la réflexion sur la construction des éoliennes en mer et leurs retombées économiques. Nous devons aux industriels de mener à bien ce travail de concertation et de planification, pour leur offrir de la visibilité.

Nous lancerons ensuite, en janvier prochain, un appel d'offres de 10 gigawatts. Nous devons aussi travailler avec les lycées professionnels, donc les régions, pour développer dans nos territoires les compétences nécessaires à la production des composants dont nous avons besoin. C'est ainsi que nous renforcerons notre réindustrialisation et notre souveraineté. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Situation en Haïti

Mme Hélène Conway-Mouret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Deux minutes : c'est court pour une question, à laquelle j'associe les membres du groupe d'amitié France-Caraïbes et nos collègues de la zone, en particulier Catherine Conconne et Victorin Lurel, sur un pays qui nous fait rêver, mais connaît un drame terrible.

Je veux parler d'Haïti, un pays auquel nous sommes intimement liés par notre histoire. Selon les mots d'Alexandre Dumas, « les Haïtiens n'ont cessé d'être français qu'après avoir fourni leur contingent de gloire à la France ».

Ce pays vit un cataclysme : quel pays pourrait résister à l'assassinat de son président, à une assemblée nationale vide depuis un an et à la démission du septième premier ministre en quatre ans ? Haïti n'est plus dirigé.

Le conseil de transition et l'état d'urgence n'ont pas empêché le déplacement de 400 000 personnes ni la prise de contrôle de la capitale par des gangs qui pillent et violent. Sous ces tristes tropiques, la violence a fait l'année dernière 8 400 morts et 1 700 blessés, selon le Bureau intégré des Nations unies. La République dominicaine a déjà reçu 700 000 réfugiés haïtiens : elle mérite tout notre soutien.

Face à la crise humanitaire, qu'attendons-nous pour répondre à l'appel de l'ONU en faveur d'une force internationale qui puisse protéger la population et favoriser la reprise du processus démocratique ? Six pays ont déjà proposé leur aide : qu'entend faire la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, sur plusieurs travées du groupe CRCE-K et du GEST et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement et des partenariats internationaux .  - Vous avez raison : la situation sécuritaire en Haïti s'est fortement dégradée, avec des conséquences humanitaires catastrophiques.

La France condamne fermement les attaques de groupes criminels. La priorité est de rétablir l'accès à l'aide humanitaire. Nous soutenons activement les efforts de la communauté internationale pour une solution politique interhaïtienne.

Le mois dernier, j'ai représenté notre pays à la réunion organisée par la Communauté caribéenne, avec les États-Unis, le Canada et le Mexique. La France salue les progrès accomplis dans la constitution du conseil présidentiel de transition, issu de l'accord de Kingston. Elle appelle les membres de ce conseil à désigner rapidement un nouveau premier ministre pour rétablir la sécurité et préparer des élections.

Nous appelons au déploiement rapide de la mission multinationale d'appui à la sécurité, que nous aidons à hauteur de 3,8 millions d'euros à travers l'Organisation internationale de la francophonie. Nous avons prévu 1 million d'euros supplémentaires pour soutenir la police haïtienne en 2024. Enfin, nous affrétons des vols spéciaux pour évacuer les personnes les plus vulnérables : 243 ont déjà été prises en charge, dont 79 ressortissants étrangers.

L'ambassade à Port-au-Prince continue de fonctionner et soutient la communauté française sur place. (MM. François Patriat, Jean-Baptiste Lemoyne et Ludovic Haye applaudissent.)

Mme Hélène Conway-Mouret.  - Nous saluons ces efforts, mais j'aurais aimé entendre un engagement beaucoup plus fort pour l'avenir. Allons-nous répondre à l'appel des Nations unies ? La situation est intenable, et je regrette que ma question demeure sans réponse... (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Réforme de l'assurance chômage (III)

Mme Evelyne Corbière Naminzo .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé une nouvelle réforme de l'assurance chômage - la quatrième depuis 2017. Face au déficit, vous cherchez 50 milliards d'euros. Mais plutôt que de rétablir l'ISF et de taxer les superprofits, vous voulez, une fois de plus, faire des économies sur le dos des pauvres. (Murmures désapprobateurs à droite)

Non, réduire la durée et le niveau de l'indemnisation n'incite pas les gens à reprendre le travail. Le chômage n'est ni un choix ni un confort : il est toujours le résultat d'un accident de vie. Éloignement des bassins d'emploi, saturation du marché du travail, discriminations à l'embauche : il faut en priorité régler ces questions.

Les chômeurs subissent une double peine, le sentiment d'exclusion et d'inutilité s'ajoutant à la précarité. Plus d'un tiers d'entre eux sont touchés par la pauvreté, et cette proportion est deux à quatre fois supérieure en outre-mer. Il s'agit bien souvent de mères à la tête d'une famille monoparentale, sans solution de garde.

Ce sont elles et tous les ménages modestes que vous allez précariser davantage encore, dans un contexte de cherté de la vie et de crise du logement. Vous engendrerez encore plus de dettes locatives et d'expulsions.

Comme l'a rappelé la secrétaire générale de la CFDT, le régime d'assurance chômage ne saurait être une variable d'ajustement budgétaire. Les chômeurs ne sont pas responsables de votre incapacité à gérer le budget de l'État !

Au lieu d'appauvrir les chômeurs, allez-vous permettre à tous nos concitoyens, en emploi ou privés d'emploi, de vivre dignement ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur certaines travées du groupe SER)

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités .  - Notre stratégie consiste à sortir les femmes et les hommes qui sont au chômage de cette situation pour les conduire vers l'emploi - là est la seule émancipation.

Logement, garde d'enfant : il faut commencer par traiter ces difficultés. C'est l'objectif de France Travail, qui reçoit les bénéficiaires du RSA pour établir avec eux un bilan de leur situation. C'est le sens aussi des crèches à vocation d'insertion. Pour former ces personnes, nous leur permettons une immersion, grâce aux accords conclus entre France Travail et les entreprises.

Si l'assurance chômage est redevenue bénéficiaire, c'est parce que 2,5 millions de Français ont retrouvé le chemin de l'emploi.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Ils ont été rayés !

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - Ne confondons pas les ajustements budgétaires et la réalité du travail ! Nous continuerons à renforcer l'accompagnement de nos concitoyens et, bien entendu, l'attractivité du pays. (M. François Patriat applaudit.)

Finances publiques

M. Bruno Belin .  - (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains) Quand je pense à nos comptes publics, je me dis parfois : tout va bien ! Comme le jour où je vois mon fils ramener une pièce de 2 euros sur les jeux Olympiques - l'opération a coûté 16 millions d'euros. Mais quand je lis mon journal, ce n'est pas la même chanson : il est question de milliards, on ne sait même plus combien... Où en sommes-nous et quelles sont vos solutions ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Je vous remercie de cette question très ouverte... (Rires sur diverses travées)

Nous partageons, je pense, l'objectif. Peut-être aussi une frustration liée au dernier projet de loi de finances...

Mme Sophie Primas.  - En effet, le 49.3 !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Les 45 milliards d'euros d'économies que, dites-vous, nous n'aurions pas saisis, auraient conduit à ne plus rien avoir pour la cohésion des territoires, pour l'audiovisuel public, pour le sport, pour le logement.

Mme Sophie Primas.  - Pour le logement, vous pouvez parler...

Plusieurs voix sur les travées du groupe Les Républicains.  - Sept milliards d'euros !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Voilà pour la seconde partie du projet de loi de finances. Pour la première, vous parlez de 7 milliards d'euros : vous vouliez augmenter de 20 % les prix de l'électricité, supprimer les crédits de la formation des enseignants et retirer 1,4 milliard d'euros au plan de relance...

M. Olivier Paccaud.  - Ils ne sont pas consommés !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Il n'est pas trop tard pour bien faire. Bruno Le Maire, Frédéric Valletoux et moi avons convié toutes les forces politiques à un échange sur les finances publiques, mais votre groupe n'était pas représenté.

M. Xavier Iacovelli.  - La chaise vide !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué.  - Je reste ouvert à la discussion pour construire ensemble les économies nécessaires au redressement de nos finances publiques.

Mme Sophie Primas.  - Pas brillant...

M. Jean-François Husson.  - Zéro pointé !

M. Bruno Belin.  - Vous n'avancez aucune solution.

Réduire le train de vie de l'État, oui, mais sur quoi ? L'essentiel est la masse salariale.

S'attaquer à la santé, notamment aux affections de longue durée ? Mauvaise idée. Quant aux franchises sur les médicaments, il faudrait commencer par régler les pénuries, parce que pas beaucoup sur pas grand-chose, cela ne fait pas lourd... (Sourires)

S'attaquer aux collectivités territoriales ? Mauvaise idée. Elles assurent les trois quarts de l'investissement public, il faut donc les aider.

Le projet de loi de finances rectificative doit être un exercice de vérité et de sincérité. Nous avions proposé une dépense réduite de 7 milliards d'euros. Écoutez-nous !

Nous commémorons le décès du président Pompidou, il y a cinquante ans : il est le dernier chef d'État à avoir présenté un budget à l'équilibre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Réforme de l'assurance chômage (IV)

Mme Monique Lubin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Madame la ministre du travail, ma question est simple. Assumez-vous le choix du Gouvernement de faire financer les déficits publics par les demandeurs d'emploi, par les personnes en difficulté...

M. Gabriel Attal, Premier ministre.  - Il faut arrêter !

Mme Monique Lubin.  - ... par les salariés, par les assurés sociaux, plutôt que par les hauts revenus et les dividendes qui explosent ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Fabien Gay et Daniel Salmon applaudissent également.)

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités .  - Je viens de répondre à plusieurs reprises. Nous avons deux visions totalement opposées. (On le confirme bruyamment à gauche.) Celle de cette majorité, c'est de lutter contre le chômage de masse. Des majorités que vous souteniez n'ont pas eu la même approche... La différence se mesure en termes de résultat : 2,7 millions de chômeurs ont retrouvé le chemin de l'emploi depuis 2017.

M. Rachid Temal.  - Il n'y a plus de chômeurs ?

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - L'assurance chômage a longtemps été déficitaire, car il y avait plus de demandeurs d'emploi, donc moins de cotisations (M. Gabriel Attal renchérit) ; aujourd'hui, les cotisations servent à financer l'accompagnement par la formation des personnes les plus éloignées de l'emploi.

Notre taux d'emploi est bon - sauf chez les seniors, où il n'est que de 45 %, et chez les jeunes - signe que ceux qui peinent à trouver un emploi ont besoin qu'on améliore leur employabilité.

Ce matin, je rencontrais un demandeur d'emploi de 55 ans. (On ironise bruyamment à gauche.)

M. Rachid Temal.  - Qu'il traverse la rue !

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - Cela vous fait rire ? Pas moi. Retrouver un boulot à 55 ans n'est pas simple. La différence entre vous et nous, c'est que nous cherchons des solutions concrètes, quand vous êtes dans les postures ! (Brouhaha à gauche ; applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

Mme Monique Lubin.  - Six millions de chômeurs sont inscrits à France Travail, 2,6 millions sont indemnisés, la moitié travaille, l'allocation moyenne est de 1 035 euros : on est loin des nantis et des profiteurs dont vous nous parlez !

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - C'est vous qui en parlez !

Mme Monique Lubin.  - Vous voulez réduire la durée d'indemnisation. Que restera-t-il à ces chômeurs de plus de 55 ans ? Il faut du temps pour chercher un emploi de même qualité et au même salaire que le précédent ; pour se former, pour changer d'orientation. Ce sera la course effrénée à l'emploi, quel qu'il soit.

Que leur restera-t-il ? L'allocation de solidarité spécifique ? Vous l'avez supprimée ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ils se tourneront donc vers le RSA, c'est-à-dire vers les départements, ces collectivités dispendieuses que vous allez saigner à blanc !

Voilà vos choix politiques, votre projet pour les Français : contre les assurés sociaux, contre les salariés, contre les plus pauvres, au bénéfice des plus riches, à qui on ne demande rien ! Les salariés s'en souviendront ! (Vifs applaudissements à gauche)

Compétence « eau et assainissement »

M. Jean-Marc Boyer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce cinquantième anniversaire de la mort de Georges Pompidou (« Ah ! » à gauche), président auvergnat, « arrêtez d'emmerder les Français ! ». (On apprécie la référence à droite.)

Cinquante ans après, vous imposez à la ruralité le transfert de la compétence eau et assainissement, le ZAN, objectif zéro artificialisation nette, vous modifiez les zonages et les critères des zones de revitalisation rurale (ZRR)... Quelle confiance accordez-vous aux élus des territoires ruraux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - (Marques de déception) Vous m'interrogez sur l'un des quatre axes de France Ruralité : les ZRR, devenues FRR (France Ruralités Revitalisation), qui permettent à nos artisans, nos commerçants, nos médecins installés dans les zones rurales de bénéficier d'une défiscalisation.

La loi de finances pour 2024 a prévu que 17 700 communes bénéficient du zonage. En effet, certaines communes de la ruralité profonde sont sorties du zonage : 6 000 communes entrent dans le dispositif, d'autres sortent.

Je suis au travail, avec mon cabinet, avec les administrations, auprès du Premier ministre, pour trouver une solution pour chaque commune exclue, une à une. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Jean-Marc Boyer.  - Je vous interrogeais sur la compétence eau et assainissement ! (Sourires) En décembre, M. Béchu disait vouloir faire preuve de souplesse et ne pas imposer le transfert à l'intercommunalité. Mais, en réalité, vous ne faites pas confiance aux élus.

Sur le ZAN, vous ne voulez rien céder. Le Sénat vous propose la garantie rurale d'un hectare, la mutualisation, la différenciation, mais vous n'écoutez pas le terrain et continuez dans le « en même temps ».

Pour les ZRR, vous refusez le maillage communal et excluez 3 000 communes du dispositif.

Allez-vous longtemps vous laisser dicter votre politique par des conventions citoyennes qui prétendent sauver la planète ? Vous vous enfermez dans l'écologie punitive en muselant les élus des collectivités qui n'auront plus la gestion de l'eau, ni de l'urbanisme. Cette politique liberticide, source de décroissance, marginalise la France.

Faites donc confiance au bon sens auvergnat de Georges Pompidou ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

Oraux de fin de sixième année de médecine

Mme Anne-Sophie Romagny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Le concours de fin de sixième année de médecine, fondamental, détermine la spécialité et la région d'exercice des futurs praticiens. La réforme entre en vigueur cette année : l'épreuve écrite est remplacée par un écrit en début d'année et un oral en fin d'année, dit examens cliniques objectifs structurés (Ecos). Cet oral consiste en des jeux de rôles auprès de patients, interprétés par des volontaires rémunérés, pour évaluer les réflexes de l'étudiant en situation.

L'intention est bonne, mais les Ecos blancs organisés le 12 mars dernier ont révélé de nombreux dysfonctionnements : étudiants interrogés par des proches, ayant trouvé le brouillon de leurs prédécesseurs ou les ayant entendus à travers la cloison, fuite de sujets, perte de grilles d'évaluation... Ces défaillances rompent manifestement l'égalité des chances entre candidats.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour que ce concours décisif ne soit pas une loterie ? À deux mois des examens, pourriez-vous envisager de rendre les Ecos validants mais pas classants ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - Ces épreuves, qui visent à privilégier les examens cliniques plutôt que les QCM, sont une innovation dans le parcours de formation des futurs médecins.

L'examen blanc du 12 mars était un test grandeur nature. Il a révélé certains dysfonctionnements - appelons un chat un chat. Un jury en tirera les enseignements et nous ajusterons les dispositifs pour les épreuves des 28 et 29 mai.

Impossible de modifier en cours de route le caractère classant de cet examen, qui figure dans la loi ; nous pourrons réfléchir, avec Sylvie Retailleau, à une adaptation pour l'année prochaine, si nécessaire.

L'épreuve test visait justement à détecter les ajustements nécessaires pour que les examens de mai se passent au mieux. Sur les 8 041 étudiants qui ont pris part à ces Ecos, 96 % n'ont rencontré aucune difficulté. Il y a des cas résiduels, que nous prenons en compte. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Une pétition circule, qui a recueilli 8 300 signatures. On ne peut pas sacrifier les étudiants qui passent les Ecos cette année. C'est le concours d'une vie ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Démission du proviseur du lycée Maurice-Ravel

Mme Agnès Evren .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les événements survenus au lycée Maurice-Ravel qui ont conduit à la démission de son proviseur sont le nouveau symbole de la lâcheté face à l'offensive islamiste. Le rectorat a maladroitement évoqué un départ « pour convenances personnelles », mais personne n'est dupe : le proviseur a démissionné pour protéger sa sécurité, parce qu'il était la cible de menaces de mort, après les assassinats de Samuel Paty et de Dominique Bernard.

Oui, l'offensive islamiste se déploie dans nos écoles, elle pousse les enseignants à l'autocensure, elle piétine les valeurs républicaines, elle tue. Ce que les Français ont retenu, c'est la démission du proviseur face à des élèves qui défiaient la loi ; c'est que la République a cédé devant l'obscurantisme.

L'école ne doit pas seulement être un sanctuaire, elle préfigure notre civilisation. Laïcité, cohésion nationale, esprit critique, État de droit : sur tous ces tableaux, si l'école sombre, c'est la France qui sombre.

Au-delà des brigades de sécurité, nous attendons une réponse systémique. Comment allez-vous protéger nos élèves et épauler les enseignants et chefs d'établissement, sans attendre que les choses se dégradent ? (M. Stéphane Ravier s'exclame.)

Ne cédons plus un pouce de terrain à ceux qui veulent abattre l'école, et à travers elle, la République et la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Nous partageons bien des points. La laïcité est au fondement de la République et de notre école. On ne peut bien apprendre que quand elle est respectée, car c'est notre terreau commun. Nous serons intransigeants sur ces sujets, et aux côtés des équipes éducatives.

La réponse que nous avons construite à la suite des attentats islamistes contre Samuel Paty et Dominique Bernard est efficace. Nous sommes aux côtés des établissements. Au moindre événement, nous déployons un bouclier de protection, avec les forces de l'ordre, les équipes académiques, avec des réponses juridiques. Dès qu'il y a un incident sur les espaces numériques, nous les suspendons.

Nous apportons à nos équipes un soutien psychologique, un soutien juridique avec la protection fonctionnelle. M. le Premier ministre a souhaité que, dans l'affaire du lycée Maurice-Ravel, l'État porte plainte pour dénonciation calomnieuse. L'État se portera systématiquement partie civile en cas d'atteinte à l'école, qui pourra ainsi demander réparation.

Notre réponse est globale, ferme et intransigeante ; nous serons arc-boutés sur la laïcité, principe cardinal. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

Situation sociale de la France

Mme Marion Canalès .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La Défenseure des droits porte un regard inquiet sur les droits et libertés dans notre pays. On mesure le degré de civilisation d'un peuple à la façon dont sont traités les plus vulnérables - et, ajouterais-je, ceux qui les accompagnent : 1,3 million de travailleurs sociaux oeuvrent chaque jour, dont 90 % de femmes.

Chacun de nous aura besoin d'eux. Pourtant, ces hussards bleus, blancs ou rouges alertent : ils manifestent demain, que leur dites-vous ?

La logique gestionnaire les fragilise : que leur dites-vous ? Plus que de la gratitude, il faut des actes !

Mais leur réalité, c'est l'intérim, l'ubérisation et le déficit d'attractivité : 30 000 postes vacants, 150 000 départs à la retraite d'ici deux ans, 90 000 professionnels déjà partis, un salaire médian inférieur au Smic, des accidents du travail trois fois supérieurs à la moyenne. Que leur dites-vous ?

Pour la première fois, des magistrats ont alerté sur la situation préoccupante d'enfants. Que leur dites-vous ?

Devant le risque imminent de craquage social, que proposez-vous ? Intégrerez-vous les exclus du Ségur ? Quand le taux d'encadrement prévu par la loi de 2022 sera-t-il enfin appliqué ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités .  - Merci pour votre question, qui met en avant le travail des travailleurs sociaux, tant dans la fonction publique que dans les associations. Je salue leur engagement quotidien.

Les missions locales jouent un rôle majeur d'accompagnement des jeunes : les professionnels travaillent avec eux pour les ramener vers l'emploi.

Vous parlez de la reconnaissance. Merci d'avoir cité le Ségur, majeur pour l'ensemble des agents, dont les derniers développements, en janvier dernier, portaient sur l'indemnisation pour sujétions de garde et de week-end. Je rappelle aussi le Ségur de l'investissement.

Sur les postes vacants, un travail doit être mené avec Sylvie Retailleau dans le cadre de Parcoursup sur la lisibilité des formations vers ces métiers. Il y a un manque de connaissance des opportunités qu'ils offrent. Il faut aussi avancer sur les passerelles, qui permettent une logique de carrière.

La cohésion de notre société a un moteur : l'égalité des chances. Elle passe par les travailleurs sociaux. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Mme Laurence Rossignol.  - Quel blabla !

Prise en charge des enfants en situation de handicap

Mme Marie-Pierre Richer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe UC) Je salue les nombreuses associations et institutions qui oeuvrent à la prise en charge des personnes en situation de handicap. Malheureusement, entre complexité administrative et manque de moyens, elles ne peuvent apporter toutes les réponses.

Le reportage diffusé le 24 mars sur M6 n'a laissé personne insensible. Quelle indignité, quelle honte : enfants maltraités, adultes malmenés, parents interdits de visite... Les mots ne sont pas assez forts.

Loin de stigmatiser, regardons en face cette réalité insoutenable. À l'heure où l'on parle d'inclusion, force est de constater qu'elle n'est pas au rendez-vous - en attestent de nombreux témoignages.

La ministre Fadila Khattabi a déclaré que tous les établissements seraient contrôlés, que la parole serait libérée, dès 2025... Désormais, nous attendons des garanties et des moyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées des groupes UC, SER et CRCE-K.)

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - Je m'associe à votre condamnation ferme de toutes les maltraitances, qui sont intolérables. Mais il ne faut pas jeter l'opprobre sur l'ensemble d'une profession.

En effet, Fadila Khattabi a annoncé les moyens prévus contre la maltraitance : 130 inspecteurs supplémentaires seront recrutés en plus des 120 déjà enrôlés à la suite du scandale Orpea, afin de vérifier le respect de la loi et des conditions humaines d'accueil.

La proposition de loi Bien vieillir facilitera l'écoute de la parole des familles et des enfants, afin d'avoir connaissance plus rapidement des cas problématiques. Le Gouvernement agit au bénéfice des enfants handicapés. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)

Mme Marie-Pierre Richer.  - Monsieur le ministre, 2025, ce n'est pas demain, mais après-demain, et c'est déjà trop tard ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Olivia Richard applaudit également.)

Difficultés des professions de santé

Mme Corinne Imbert .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En 2023, deux propositions de loi ont été votées pour améliorer l'accès aux soins : la première autorise l'accès direct à un infirmier en pratique avancée (IPA) qui a droit à la primo-prescription ; la seconde - dont vous êtes l'auteur, monsieur le ministre - a été complétée au Sénat par la possibilité pour les infirmiers d'expérimenter la signature des certificats de décès sous certaines conditions. Quand les décrets d'application seront-ils publiés ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Belin.  - On n'a pas le droit de demander à un ami ? (Rires)

M. Jérôme Durain.  - Pour trois questions, la quatrième est gratuite ! (Les rires redoublent.)

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention .  - J'ai fait le compte en arrivant : une vingtaine de textes réglementaires doivent être pris en application, non seulement de ces deux textes, mais aussi de la loi de financement de la sécurité sociale.

Sur les vingt mesures d'élargissement prévues, dix ont déjà été prises, comme la prescription de lunettes par des orthoptistes et la vaccination par les pharmaciens, sages-femmes et infirmières. Toutes le seront d'ici à l'été.

M. Bruno Belin.  - Ah !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.  - Pour l'expérimentation de la signature par les infirmiers des certificats de décès, le décret sera signé dans les prochains jours. De même pour l'accès des kinésithérapeutes aux maisons de santé. La concertation démarre pour le décret sur les IPA, une avancée de cette majorité.

D'ici l'été, c'est l'ensemble du dispositif réglementaire qui sera en place, pour le bénéfice des Français. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Mme Corinne Imbert.  - Avec tout le respect que j'ai pour vous, monsieur le ministre, je suis vaccinée ! (Sourires) Par le passé, deux ministres de la santé m'ont promis un décret lié à la loi Santé de 2019, qui ne sera jamais publié... (M. Frédéric Valletoux s'exclame.)

La prochaine fois, je vous appellerai pour me donner des idées de question. Vous avez du pain sur la planche, avec tous les décrets annoncés !

Sur les certificats de décès, les élus attendent, mais aussi les forces de l'ordre, les ARS et, surtout, les familles...

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Corinne Imbert.  - Quand la volonté du législateur est claire, il faut que le Gouvernement signe les décrets d'application ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes SER et UC ; M. Cédric Chevalier applaudit également.)

Entrisme islamiste à l'école

M. Aymeric Durox .  - Le 27 mars dernier, nous apprenions la démission du proviseur de la cité scolaire Maurice-Ravel, à Paris, pour convenances personnelles selon le rectorat.

En réalité, il s'agissait de sa sécurité, ce proviseur ayant reçu des menaces de mort pour avoir demandé à une élève de retirer son voile. Elle avait porté plainte pour violences : c'était faux, mais la fabrique du mensonge et des réseaux sociaux était déjà en marche. Le collectif contre l'islamophobie en Europe (CCIE), successeur du collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), y a pris part. Le 16 mars, le lycée était bloqué. Onze jours plus tard, le proviseur démissionnait.

C'est cette fabrique du mensonge qui avait conduit à l'assassinat de Samuel Paty, le 16 octobre 2020 -  déjà, le CCIF était impliqué. Depuis cette triste affaire, les messageries de centaines de lycées ont été noyées par des menaces de terrorisme islamiste. Pas un jour sans nouvelles menaces de mort envers la communauté éducative - et ce n'est que la partie émergée de l'iceberg, selon un récent rapport sénatorial.

Mickaëlle Paty, la soeur de Samuel Paty, a dénoncé le peu de progrès depuis l'assassinat de son frère et mis en cause l'État.

Madame la ministre, comment comptez-vous protéger les hussards noirs de la République face à l'entrisme islamiste ? (MM. Joshua Hochart, Christopher Szczurek, Stéphane Ravier, Thierry Meignen et Alain Duffourg applaudissent.)

Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Je l'ai dit : nous sommes intransigeants vis-à-vis des atteintes à la sécurité contre la communauté éducative. Les enseignants ne sont pas seuls, nous sommes à leurs côtés.

Je comprends la situation anxiogène qui a conduit le proviseur à prendre sa décision. (M. Stéphane Ravier s'exclame.)

Nous accompagnons les personnels : sécurité, soutien psychologique, soutien juridique. Mais nous avons aussi instauré des actions structurantes, autour de trois axes : la prévention, avec des moyens matériels, en lien avec le ministère de l'intérieur ; des actions de formation, en amont, pour les agents de l'État et des collectivités territoriales ; des actions d'accompagnement, avec les équipes académiques valeurs de la République. Lorsque les enseignants sont contestés, des cellules d'appui interviennent à leur demande.

Tous ces dispositifs montrent que nous constituons un véritable bouclier autour de nos équipes éducatives. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Aymeric Durox.  - Cela fait sept ans que ce Gouvernement est aux affaires. Or nous avons eu Samuel Paty, Dominique Bernard, de nombreux rapports non suivis d'effet.

Le 18 octobre 2020, le Président de la République disait que la peur allait changer de camp. Encore un échec flagrant ! (MM. Joshua Hochart, Christopher Szczurek, Stéphane Ravier, Mme Christine Herzog et M. Alain Duffourg applaudissent.)

La séance est suspendue à 16 h 20.

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

La séance est reprise à 16 h 35.

Mise au point au sujet d'un vote

Mme Annick Billon.  - Lors du scrutin n°168, ma collègue Lana Tetuanui souhaitait voter pour, et non s'abstenir.

Acte en est donné.

CMP (Nominations)

Mme la présidente.  - Des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.

Adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels.

Mme Françoise Gatel, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - La CMP s'est réunie la semaine dernière et est parvenue à un accord. Nous nous en réjouissons.

La proposition de loi vise à inscrire dans la loi le régime pour troubles anormaux de voisinage qui était exclusivement jurisprudentiel.

Le principal apport du Sénat -  un régime de responsabilité spécifique pour les activités agricoles  - a été préservé par la CMP. Nous avons sécurisé juridiquement le dispositif et trouvé un équilibre entre la liberté d'entreprendre et le droit légitime au recours et à la réparation de l'éventuel préjudice. Seront ainsi exonérés de responsabilité les exploitants agricoles qui ont modifié leur activité de façon non substantielle ou pour se mettre en conformité aux lois et règlements. Dans mon département d'Ille-et-Vilaine, la réglementation sur les poules pondeuses ayant obligé les exploitants à les élever en plein air, certains voisins ont considéré qu'ils subissaient des troubles de voisinage...

Nous avons aussi précisé la notion d'installation, grâce à l'esprit de coopération de la Chancellerie.

En contrepartie, nous avons accepté d'élargir la clause exonératoire à l'ensemble des activités, et non plus seulement aux activités agricoles.

Équilibré et enrichi -  un vrai texte sénatorial !  - , le présent texte semble pouvoir réunir un large consensus de notre assemblée. Je vous invite à le voter. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP, du RDSE et du RDPI)

M. François Bonhomme.  - Bravo !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Le présent texte me tient à coeur. Désormais, le code civil disposera que nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage. S'il répond à un besoin réel dans nos campagnes, ce texte a vocation à s'appliquer à toutes les relations de voisinage, car chacun a le droit de jouir de son bien et d'obtenir réparation en cas de préjudice. En consacrant la jurisprudence de la Cour de cassation, il renforce la sécurité juridique de notre droit et assure l'égalité de tous devant la loi.

Afin de trouver un meilleur équilibre entre les différents intérêts en présence, le texte prévoit une exception tirée de la théorie dite de la pré-occupation : celui qui s'installe à proximité d'un lieu bruyant ou odorant ne peut se plaindre d'un trouble anormal de voisinage si la nuisance existait déjà lors de son installation.

Je me félicite que la CMP ait judicieusement étendu cette exception à toutes les activités et non pas seulement aux activités économiques, comme le Sénat l'avait voté en première lecture.

La CMP a choisi, comme le Sénat en première lecture, de préciser la notion d'installation en faisant référence à un acte juridique plutôt qu'à une notion de fait, sujette à interprétation.

Je me félicite aussi de la suppression des alinéas relatifs aux troubles sonores des enfants et à la codification de la jurisprudence du Tribunal des conflits.

Les mots ont un sens : les nuisances sonores des enfants ne sont pas des troubles anormaux de voisinage.

Le Sénat a souhaité étendre le périmètre d'exonération des activités agricoles par l'ajout de dispositions spécifiques au code rural et de la pêche maritime. (M. Laurent Duplomb renchérit.) Il est en effet ubuesque que certains s'attaquent à ceux qui nous nourrissent à cause du bruit d'un tracteur ! Cela ne sera plus possible et c'est heureux. La rédaction retenue par la CMP est préférable à celle du Sénat en première lecture.

Ce texte d'équilibre et de concorde devrait contribuer à un vivre-ensemble respectueux de chacun, une résolution plus rapide des conflits et une pacification des relations de voisinage. Nous en avons grandement besoin. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

M. Guy Benarroche .  - Dans le régime des troubles anormaux de voisinage, le juge apprécie l'existence d'un dommage, l'anormalité du trouble et la relation de voisinage, avec une clause d'exonération en cas de pré-occupation. C'est somme toute assez logique.

Cette proposition de loi exonère désormais les activités agricoles, par principe. Il faut juste qu'il n'y ait pas d'aggravation du trouble... Tout cela est bien flou.

Sous couvert de traiter les conflits avec les néoruraux, cette proposition de loi risque d'ouvrir un droit à polluer aux agriculteurs et aux industriels. Préservons les conditions de vie de ceux qui habitent le milieu rural et souvenons-nous des algues vertes en Bretagne ou de l'usine d'ArcelorMittal à Fos-sur-Mer...

Les notions retenues sont floues et peu opérantes. J'ai entendu M. Duplomb et Mme Gatel soutenir ici même que 60 ou 100 vaches laitières, c'était pareil... Qui jugera ? Le législateur ou le juge au cas par cas ? Le GEST est attaché au contrôle du juge.

L'exonération spécifique pour les activités agricoles est trop large. La majorité de cet hémicycle souhaite probablement que les épandages de pesticides soient totalement exonérés au motif qu'ils sont légaux, mais que les installations d'éoliennes soient limitées -  alors qu'elles sont elles aussi légales... Ces raisonnements sont douteux.

Dommage que, pour des raisons électorales, ce texte soit réduit à sa dimension agricole. Car les troubles anormaux de voisinage existent aussi en ville. Ce sont les plus précaires qui les subissent, car ils n'ont pas le choix de leur lieu de vie et leur santé en pâtit.

Votre défense de la ruralité contre l'arrivée des rats des villes est caricaturale. Agriculture intensive, industrialisation productiviste, « quoi qu'il en coûte » économique : notre groupe ne peut soutenir un tel texte. Il faut rétablir le contrôle du juge. Les conditions d'exemptions sont trop larges et peu protectrices des personnes. Ce texte ouvre un droit à nuire et à polluer. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Michelle Gréaume .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Si les conflits de voisinage ne sont pas nouveaux, ils sont en hausse. Merci aux maires qui, en première ligne, oeuvrent pour résoudre ces conflits, symptomatiques d'un climat social dégradé et d'un lien social altéré, et pour éviter leur judiciarisation.

Nous ne pouvons que saluer l'inscription du trouble anormal de voisinage dans la loi, pour un traitement homogène sur tout le territoire.

Notre rôle est de trouver un juste équilibre et de garantir le droit au recours. Nous devons aussi garder en tête que le marché immobilier et la précarité financière empêchent nombre de nos concitoyens de choisir l'endroit où ils habitent. Nous devons agir pour que chacun ait droit à un environnement décent.

Pendant plus d'un siècle, à Lille, les cheminées de l'usine de batteries Exide ont craché des substances polluantes : des cas de saturnisme ont été relevés dans le quartier populaire voisin. L'entreprise a été condamnée aux États-Unis, mais pas en France... Il ne saurait y avoir de droit à polluer.

Pour éviter les conflits de voisinage, privilégions la concertation en amont, comme à Saméon, où un pylône a pu être déplacé.

Ce texte n'est qu'un pansement sur les maux profonds de notre société. Les conflits se multiplient. Nous devons oeuvrer en faveur de l'intérêt général et retisser du lien social.

Néanmoins, nous voterons cette proposition de loi.

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC) Nous sommes arrivés au bout de la procédure d'examen de ce texte attendu dans un temps très satisfaisant.

Cette proposition de loi répond à des problématiques connues dans nos territoires, alors que les zones d'habitat se rapprochent de plus en plus des zones d'activité, si bien que des artisans, des industriels renoncent à des projets vertueux, voire sont contraints de partir.

Plutôt que d'opposer ces acteurs devant les juges, le texte clarifie les règles pour nous permettre de faire société et de bien vivre ensemble.

Le texte issu de la CMP répond à un double objectif de justice et de lisibilité du droit. Le RDSE se réjouit du consensus obtenu. Objectif atteint !

L'intégration de toutes les activités -  y compris associatives et culturelles  - dans la clause exonératoire est une bonne chose.

Je salue l'équilibre trouvé en CMP sur les activités agricoles. Le poids de l'intérêt général, traduit dans les normes, ne peut être supporté par quelques-uns. D'autres secteurs économiques, notamment l'industrie, auraient cependant mérité une telle dérogation.

Malgré ces réserves, ce texte est juste et opportun : le groupe RDSE le votera à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et du groupe INDEP)

M. Olivier Bitz .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE) Je remercie notre rapporteure Françoise Gatel pour la qualité de son travail et la synthèse réussie avec les députés. Ce texte, construit dans un esprit d'écoute, notamment à l'égard de nos agriculteurs, va contribuer à une plus grande clarté juridique et à une meilleure protection des exploitations agricoles.

La ruralité n'est pas qu'un espace de repos et de loisirs, c'est aussi un espace de production et de consommation, qui doit continuer à se développer. Certes, les habitants des villes qui choisissent de s'y établir aspirent au calme et à la tranquillité, mais ces attentes compréhensibles ne doivent pas obérer les activités existantes.

Avant tout, il faut du dialogue. Je tiens à saluer les efforts des agriculteurs et des industriels. Néanmoins, les contentieux pour troubles de voisinage se sont multipliés. Il fallait donc garantir une application homogène du code civil.

La clause exonératoire de responsabilité spécifique pour les activités agricoles va dans le bon sens. Nous encourageons ainsi les exploitants et leurs repreneurs.

Je me réjouis de l'adoption de certains amendements du RDPI, notamment celui qui préserve la capacité d'évolution des exploitations existantes. Le maintien des sources de vitalité de nos territoires ruraux n'est pas une option, mais une ardente obligation.

La protection du voisinage ne peut prendre systématiquement le pas sur la liberté d'entreprendre, agricole, industrielle ou associative.

Le RDPI votera pour le texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe INDEP)

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Excellent !

Mme Audrey Linkenheld .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Derrière l'intitulé de cette proposition de loi se cachent les troubles de voisinage d'une société qui prône le respect de l'autre et le vivre ensemble, mais qui bute au quotidien sur le délicat accommodement des hommes entre eux et la douloureuse cohabitation de l'homme et de son environnement. Cette proposition de loi a pour objet de contribuer à son apaisement.

Mais, malgré les efforts déployés, le groupe SER reste circonspect quant à l'utilité de ce texte. (Mme Françoise Gatel le regrette.)

Depuis près de quarante ans, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal du voisinage. Ce trouble peut être sonore, olfactif ou visuel, et s'exprimer en ville comme à la campagne. Il en apparaît régulièrement de nouveaux, jusqu'au bruit causé par les enfants.

La proposition de loi rappelle le principe de responsabilité, prévoit des exceptions et garantit un traitement spécifique des activités agricoles. Nos agriculteurs ont évidemment besoin de poursuivre leurs activités sereinement, à condition de respecter la législation -  ce qui est le cas d'une majorité d'entre eux... Quant aux habitants de la campagne, ils doivent accepter les bruits du quotidien, tout comme ceux des villes.

Même si les Français sont attachés à la défense des libertés collectives, ils sont aussi exigeants pour protéger leurs libertés individuelles, leur bien-être et leur confort personnel.

Le groupe SER n'est pas convaincu que cette proposition de loi transformera des voisinages disputés en paradis sur terre. (Sourires)

Nous saluons les efforts des rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée nationale pour trouver un équilibre, mais nous ne sommes pas pleinement satisfaits du résultat de la CMP, qui affaiblit le code de la construction et de l'habitation. Nombre d'associations et de collectifs citoyens, urbains comme ruraux, s'interrogent sur l'utilité de ces modifications.

Au fond, nous avons moins besoin d'un travail de fond in abstracto qu'un travail de dentelle in concreto. Or la dentelle est plus fine dans les décisions sur mesure des juges que dans la loi générale.

Le doute subsistant, le groupe SER s'abstiendra. Face aux difficultés du monde agricole, mais aussi aux enjeux du vivre-ensemble, du logement et de la transition écologique, le Gouvernement devrait plutôt sécuriser les revenus et les investissements nécessaires. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et dGEST)

Mme Nadine Bellurot .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Nous sommes parvenus à un texte équilibré entre liberté d'entreprendre et protection de la jouissance des biens. Je salue le travail de la rapporteure.

Une dérogation se justifiait. Attendue par de nombreux acteurs, notamment les exploitants agricoles, elle aurait pu être jugée superfétatoire : au contraire, c'est un signal important.

Avec le terme générique d'activité, nous les visons toutes, qu'elles soient économiques, sociales, culturelles ou associatives.

La notion d'installation a été précisée et sécurisée.

Le régime spécifique pour les activités agricoles répond au besoin d'équilibre entre liberté d'entreprendre des agriculteurs et droit au recours et à la réparation du préjudice pour les voisins. Chez moi, à Reuilly, j'ai été interpellée par des riverains, nouvellement arrivés, sur des éoliennes antigel installées bien avant eux...

Nous protégerons nos agriculteurs face aux excès de normes.

Je salue l'apport de Laurent Duplomb, qui exonère tout exploitant réalisant une modification de la nature ou de l'intensité de son activité, dès lors qu'elle n'est pas substantielle.

Soyons attentifs au monde agricole, qui se sent parfois abandonné face à des néoruraux qui connaissent mal le monde rural. Le groupe Les Républicains votera ce texte.

M. Louis Vogel .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Il revient parfois au législateur de préciser des évidences. C'est le cas aujourd'hui.

L'article unique de la proposition de loi insère dans le code civil à la fois une création d'origine jurisprudentielle -  la responsabilité sans faute en cas de trouble anormal de voisinage - et son exception -  la théorie de la pré-occupation.

L'objectif est clair : limiter le nombre de contentieux portés par ceux qui s'installent dans la ruralité sans en accepter les spécificités. La ruralité est une identité qui se partage, à condition qu'on la respecte.

Les élus locaux et les exploitants agricoles sont souvent confrontés à des incidents nés d'un décalage entre la vision fantasmée de la campagne par les néoruraux, et la réalité. S'estimant importunés par de prétendues nuisances, ces derniers multiplient les plaintes.

Nous voulons consacrer une jurisprudence bien établie et l'appliquer de manière uniforme, à la ville comme à la campagne.

Le Sénat a amélioré ce texte (Mme Françoise Gatel apprécie), grâce notamment à l'insertion dans le code rural d'une exonération spécifique pour les activités agricoles, appuyée sur la notion fondamentale de « modification substantielle ».

Je remercie notre rapporteure pour la qualité de ses travaux.

Il faut protéger nos agriculteurs contre les actions abusives et aider les maires à désamorcer les conflits. Cette proposition de loi contribuera à pacifier les relations de voisinage et à désengorger les tribunaux.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - C'est vrai !

M. Louis Vogel.  - Elle renforcera la sécurité juridique.

Le groupe Les Indépendants votera en faveur de cette codification indispensable. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Olivia Richard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Nadine Bellurot applaudit également.) Hier, constatant l'impossibilité de trouver un accord entre les deux chambres, nous votions une question préalable... Je suis donc très heureuse de l'issue positive de cette CMP et en remercie la rapporteure.

Il ne s'agit pas ici de révolutionner le code civil, mais de le rendre plus lisible. Ce texte introduit une jurisprudence dans le droit afin d'en garantir l'application homogène sur tout le territoire. Nous répondons ici aux préoccupations du monde rural, confronté aux néoruraux.

Je salue les apports du Sénat sur la protection des activités agricoles ou la notion d'installation.

Nous avions débattu des crèches et des écoles : les enfants pourront continuer à crier, puisque tous les types d'activités sont désormais concernés par la dérogation.

Le caractère substantiel des modifications d'activité sera apprécié par le juge : soyez donc rassurés, chers collègues ! (L'oratrice se tourne vers les travées du GEST.) Ce que vous décriviez relève du code de l'environnement, voire du code pénal...

Nous avons trouvé un juste équilibre entre intérêt général, libertés individuelles et liberté d'entreprendre. En apportant de la sérénité dans les rapports de bon voisinage, nous apportons une modeste pierre au vivre ensemble.

Le groupe UC votera les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDPI et du RDSE)

Mme la présidente.  - En application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat statue par un seul vote sur l'ensemble du texte.

La proposition de loi est adoptée.

La séance est suspendue quelques instants.

Convention internationale (Procédure simplifiée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République du Kazakhstan.

Pour ce projet de loi, la Conférence des présidents a retenu la procédure d'examen simplifié.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l'adoption de ce texte.

Le projet de loi est définitivement adopté.

Convention d'extradition avec le Cambodge

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge.

Discussion générale

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement et des partenariats internationaux .  - Cette convention a été signée le 26 octobre 2015 par les ministres de la justice des deux pays.

La relation entre la France et le Cambodge a vocation à se renforcer et à se diversifier. Elle est fondée sur des coopérations d'excellence, dans le domaine de la santé ou du patrimoine notamment. La préservation du site d'Angkor illustre la richesse de ce travail commun.

Les relations bilatérales avec le Cambodge se sont renforcées sous l'impulsion du Président de la République. Le Cambodge a adhéré aux ambitions de l'accord de Paris, notamment.

La France et le Cambodge partagent une communauté de valeurs, dont un attachement à la Charte des Nations unies. Il s'est ainsi prononcé contre l'agression de l'Ukraine par la Russie.

La démocratie cambodgienne reste toutefois un sujet de vigilance. La France veille à la bonne application des accords de paix de Paris du 23 octobre 1991, en vue de l'établissement d'une démocratie pluraliste et respectueuse des libertés fondamentales.

Notre dialogue sur la démocratie et les droits de l'homme est franc et constructif. Nous n'éludons aucun sujet. La France s'est ainsi prononcée contre les restrictions imposées à la presse à l'aube des élections législatives de 2023.

La convention d'extradition que nous vous demandons d'adopter est un exemple de coopération opérationnelle.

Nous avons déjà signé de nombreuses conventions communes spécialisées : sur les stupéfiants, en 1961 ; contre la torture, en 1984 ; contre les trafics de stupéfiants, en 1988 ; contre la criminalité organisée, en 2000 ; ou encore contre la corruption, en 2003. Cependant, aucune convention bilatérale ne lie nos deux pays en matière de coopération judiciaire.

La coopération judiciaire repose simplement sur le principe de réciprocité.

En revanche, aucune convention ne lie nos deux pays en matière de coopération judiciaire, en sorte que notre coopération en matière d'extradition repose sur le principe de réciprocité dans le cadre de la courtoisie internationale.

Depuis 2009, quatre demandes d'extradition ont été formulées, trois par les autorités françaises, la dernière par les cambodgiennes. Les demandes françaises visaient notamment des faits de viol sur mineur de 15 ans, de trafic de stupéfiants et de blanchiment ; toutes ont donné lieu à la remise de la personne recherchée. La demande d'extradition passive a donné lieu à un avis défavorable de la Cour d'appel de Paris en raison des réponses incomplètes apportées par le gouvernement cambodgien.

La convention soumise à votre approbation a pour objectif de faciliter et encadrer les demandes d'extradition entre nos deux États. J'insiste sur les motifs prévus de refus, obligatoires ou facultatifs. En particulier, l'extradition ne sera pas accordée lorsque la partie requise considère que la personne recherchée l'est pour une infraction politique ou lorsqu'elle a des raisons sérieuses de penser que l'extradition est demandée pour des raisons liées à l'origine ethnique, au sexe, à la religion, à la nationalité ou aux opinions politiques. En outre, conformément aux droits de la défense, une demande sera rejetée si la personne réclamée doit être jugée par un tribunal d'exception n'assurant pas les garanties de procédure fondamentales. L'extradition sera également refusée si les faits qui la motivent sont passibles de la peine de mort - laquelle a été abolie par le Cambodge en 1989.

Plusieurs d'entre vous ont émis des réserves fondées sur une inquiétude en matière de droits de l'homme. Cet enjeu a été intégré, et la convention est protectrice des droits et libertés fondamentaux.

Enfin, j'indique que le Cambodge a ratifié cette convention le 14 octobre 2020. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président

M. Christian Cambon, rapporteur de la commission des affaires étrangères .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur de nombreuses travées du groupe UC) Cette convention a été signée le 26 octobre 2015 par Christiane Taubira, alors garde des sceaux, et son homologue cambodgien, Ang Vong Vathana. Le Cambodge l'a ratifiée le 14 octobre 2020.

L'enjeu de ce texte ne se limite pas à sa portée opérationnelle, modique compte tenu du faible nombre d'extraditions sollicitées. Ces échanges sont réalisés sur la base informelle du principe de réciprocité : au vu de leur caractère sporadique, la signature d'une convention bilatérale ne s'imposait pas vraiment.

La commission des affaires étrangères a débattu de la détérioration des droits de l'homme au Cambodge, qui a conduit le groupe CRCE-Kanaky à demander le retour à la procédure normale pour l'examen de ce texte, et de notre relation bilatérale, qui connaît une dynamique très positive.

En matière de droits de l'homme, la commission n'a pu que regretter le profond décalage entre le droit et la pratique. Si la Constitution comme la loi cambodgiennes garantissent la liberté d'expression, le respect des droits de la défense, l'indépendance des juges ou encore la séparation des pouvoirs, la mise en pratique de ces garanties n'est pas à la hauteur des principes affichés. Les élections législatives de l'été dernier ont ainsi été précédées d'une répression féroce : condamnation à vingt-sept ans de prison de l'opposant Kem Sokha et dissolution de son parti, condamnation par contumace de Sam Rainsy et de 70 autres opposants à des peines allant de vingt ans de prison à la perpétuité, entraves diverses au droit de vote et à la liberté de la presse... Syndicalistes, défenseurs des droits fonciers et militants écologistes font l'objet d'intimidations et d'arrestations, régulièrement dénoncées par les ONG.

Cette situation a valu au Cambodge de se voir retirer par l'Union européenne une partie des préférences commerciales accordées au titre du régime « Tout sauf les armes », dont il bénéficiait depuis 2001.

Notre commission, dans un premier temps, a abordé avec une certaine circonspection ce texte dont la ratification est repoussée depuis neuf ans en raison de la politique intérieure du royaume. J'ai toutefois proposé l'approbation de cette convention, pour des raisons plus positives.

Nous avons jugé rassurantes les garanties apportées aux justiciables, conformes aux standards internationaux. Les demandes d'extradition abusives ou formulées à l'encontre d'un opposant au régime seront ainsi rejetées.

Alors que la peine capitale est abolie au Cambodge depuis 1989 et que ce principe est inscrit dans la Constitution depuis 1993, la convention prévoit fort prudemment une clause de substitution, afin de parer à toute tentation de retour en arrière. Par ailleurs, une clause humanitaire permet le rejet d'une demande en raison de l'âge ou de la santé de la personne visée.

Compte tenu de ces précautions qui sont autant de garde-fous, la commission des affaires étrangères a estimé que rien ne s'opposait à des échanges extraditionnels avec le Cambodge, comme nous en pratiquons dans le cadre de conventions bilatérales similaires avec 54 États, dont la Chine et l'Iran. Ces extraditions n'en seront que mieux encadrées et sécurisées, sur le fond comme sur la forme.

J'en viens à l'état de notre relation bilatérale. Après un temps d'arrêt durant la pandémie, celle-ci est actuellement très dynamique, à la faveur notamment de la visite officielle en France de Sa Majesté Norodom Sihamoni, roi du Cambodge, suivie de celle du nouveau premier ministre, Hun Manet.

Les dirigeants cambodgiens ont affirmé leur volonté d'approfondir la relation bilatérale, se montrant demandeurs d'un partenariat renforcé avec la France. Ces contacts récents s'inscrivent dans une coopération ancienne, dans le cadre de laquelle la France a joué un rôle central dans le développement du pays. La présence active de la communauté cambodgienne en France et de la francophonie au Cambodge renforce nos liens.

Dans le contexte mondial actuel, où l'influence française est de toute part et par tout moyen remise en question, une telle volonté de rapprochement avec la France mérite d'être encouragée. Cette relation privilégiée peut constituer un cadre efficient pour des progrès en matière de droits de l'homme, s'agissant notamment de la lutte contre l'impunité, des droits des personnes LGBT+, du droit de l'environnement ou de la grâce des opposants.

Tel est le sens que je souhaite donner à l'approbation de cette convention : une position sans naïveté ni complaisance, fondée sur le choix d'approfondir notre relation bilatérale avec un pays à la croisée des chemins, entre une forte influence chinoise et une volonté de renforcer un partenariat avec la France ancré dans notre histoire commune. En utilisant le levier de cette convention, qui renforcera la lutte contre la criminalité dans nos deux pays, notre diplomatie est dans son rôle. Je vous invite à adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur de nombreuses travées)

Mme Michelle Gréaume .  - Notre groupe, avec le GEST, a demandé qu'un débat se tienne en séance sur cette convention d'extradition, dont l'approbation tarde depuis 2015. Le projet de loi a été trois fois déposé, à chaque fois retiré.

Ces rétropédalages sont liés à la détérioration très préoccupante de la situation des droits de l'homme au Cambodge. Plusieurs rapports, dont celui du Comité des droits humains des Nations unies, font état d'une situation plus que problématique. Le rapporteur spécial sur les droits humains au Cambodge a dénoncé des arrestations et poursuites injustifiées à l'encontre de défenseurs des droits, de journalistes et de dissidents.

Le parti du sauvetage national, principale formation d'opposition, reste interdit, et les actions engagées contre ses membres et ceux du parti de la bougie, qui lui a succédé, se poursuivent. Cette situation a conduit l'Union européenne à retirer, dès 2020, une partie des préférences commerciales accordées au Cambodge en 2001 au titre du régime « Tout sauf les armes ».

En outre, l'augmentation considérable de la population carcérale dans les prisons cambodgiennes est mise en évidence par différents rapports. Le taux d'occupation atteint 300 %, selon le rapporteur spécial des Nations unies.

Plus grave encore, le Comité des droits de l'homme des Nations unies s'est déclaré, dans un rapport de mai 2022, très préoccupé par les allégations de tortures et de mauvais traitements infligés en garde à vue et en détention.

Dans ces conditions, ratifier cette convention reviendrait à signer un « deux poids, deux mesures » en matière de défense des droits humains qui ulcère nos concitoyens et décrédibilise la voix de la France. Nous pensons nécessaire de voter contre ce texte tant que nous n'aurons pas de solides garanties sur la fin des exactions contre les droits humains. (M. Akli Mellouli applaudit.)

M. André Guiol .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La France et le Cambodge sont partenaires dans de nombreux domaines sous l'égide des Nations unies. La convention unique sur les stupéfiants, la convention contre la torture ou celle contre la corruption instaurent déjà des mécanismes de réciprocité entre nos deux pays.

Pour une meilleure sécurisation juridique de l'extradition, cet arsenal mérite d'être complété par une coopération bilatérale directe. Aussi, il faut considérer ce projet de loi avec intérêt, même s'il a été plusieurs fois retiré, ce qui incite à la vigilance.

Malgré le petit nombre de cas concernés, cette convention d'extradition renforcera la lutte commune contre la criminalité. Elle répond aussi à une exigence plus globale d'adaptation de la coopération judiciaire au regard d'enjeux comme les litiges transnationaux ou l'exploitation sexuelle.

Nos débats ne doivent pas occulter la situation très fragile des droits de l'homme au Cambodge, non plus que la dérive autoritaire du régime. Le haut-commissaire aux droits de l'homme de l'ONU a qualifié la situation de très préoccupante. Lors des dernières élections législatives, des syndicats et des étudiants ont été ciblés, parfois physiquement.

Sortir ce texte de la procédure d'examen simplifié sert la vigilance dont la Haute Assemblée doit faire preuve. C'est aussi l'occasion de rappeler aux entreprises françaises de ne pas contribuer au désordre environnemental qu'engendre la stratégie dite du pentagone mise en place par le premier ministre cambodgien. Des militants écologistes sont jetés en prison parce qu'ils défendent des forêts menacées, et le Vietnam s'inquiète du désastre écologique qu'entraînerait un détournement du Mékong.

Toutefois, on ne peut nier la nécessité de maintenir le dialogue avec le pouvoir en place, dans une région en proie aux velléités impérialistes de l'axe sino-russe.

Les récents échanges entre le Président de la République et le roi, puis le premier ministre, du Cambodge illustrent le renforcement de nos relations bilatérales. Le RDSE se réjouit de ce rapprochement, qui s'inscrit dans la stratégie indo-pacifique de la France, sans perdre de vue les efforts que Phnom Penh doit fournir en matière démocratique. Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI)

Mme Nicole Duranton .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur certaines travées du RDSE) Il y a neuf ans, la France et le Cambodge concluaient la présente convention. Mais, depuis, elle a connu un parcours d'approbation difficile, symptôme des remous diplomatiques entre la France et le Cambodge.

Nos relations se stabilisent, ainsi qu'en témoigne la rencontre entre le Président de la République et le premier ministre cambodgien, le 18 janvier dernier. L'approbation de cette convention renforcera la coopération et l'entraide entre nos deux pays en matière pénale.

Président de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean) en 2022, le Cambodge est un acteur de premier plan dans l'Indo-Pacifique. Olivier Becht, lorsqu'il était ministre du commerce extérieur, disait que la relation économique entre nos pays était forte, mais pouvait se renforcer encore.

Nous sommes attachés à la bonne entente avec le Cambodge, avec qui notre pays partage une histoire et des valeurs communes. La France souhaite que le Cambodge soit représenté au plus haut niveau lors du prochain sommet de la francophonie, d'autant qu'il est exemplaire dans la promotion de celle-ci. Dans le domaine environnemental, nous soutenons la volonté du Cambodge d'atteindre la neutralité carbone en 2050. Par ailleurs, nos liens culturels sont inaltérables.

Cette convention comprend des dispositions importantes pour renforcer nos capacités communes à appréhender des malfaiteurs, notamment en matière d'infractions sexuelles. Le Cambodge ne doit pas être un refuge pour des Français auteurs d'infractions à caractère sexuel.

Je respecte ceux de nos collègues qui s'inquiètent des manquements en matière de droits de l'homme, de liberté de l'information et de pluralisme au Cambodge. Ces manquements sont indéniables et les inquiétudes exprimées, légitimes.

Mais l'histoire récente laisse entrevoir une évolution positive. Dans leur déclaration commune, le Président de la République et le premier ministre cambodgien ont exprimé le souhait de coopérer en faveur de la démocratie. La nette amélioration de nos relations s'accompagne d'un témoignage de bonne volonté du Cambodge pour le respect de la démocratie et de ses valeurs.

La majorité des membres du RDPI voteront ce texte ; les autres s'abstiendront.

M. Jean-Marc Vayssouze-Faure .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nos deux pays ont tissé des relations étroites et se portent une amitié réelle, forgée dans une mémoire collective imprégnée de moments souvent insoutenables.

Ce projet de loi s'inscrit dans le long mouvement de rapprochement entre nos deux peuples, qui ont choisi de donner un nouvel élan à leur relation bilatérale depuis deux ans et ont inscrit, au plus haut de leur hiérarchie des normes, la démocratie et la liberté.

En 1993, après des décennies de crises et de régimes autoritaires, la Constitution cambodgienne a proclamé la séparation des pouvoirs et nombre de droits, comme la liberté d'expression. Mais, dans les faits, la situation est bien plus contrastée. Le pays est dirigé depuis 1985 par le parti du peuple cambodgien d'Hun Sen puis de son fils, Hun Manet, qui a récemment pris la tête du Gouvernement.

Au-delà des proclamations, la liberté est trop souvent atrophiée par un régime qui étouffe toute opposition crédible. Le pays a récemment ordonné la fermeture de son dernier titre de presse indépendant, et la corruption s'enkyste.

Ce débat est donc nécessaire - je remercie nos collègues qui ont demandé le retour à la procédure normale.

Le groupe SER dénonce les atteintes aux droits humains. Mais, monsieur le rapporteur, nous vous rejoignons pour constater une nouvelle dynamique dans notre relation bilatérale, dont témoignent les échanges au plus haut niveau entre nos deux pays.

Oui, la France doit aller plus loin avec le Cambodge. Mais ce chemin ne peut être emprunté sans garanties claires et direction commune - celle du confortement de nos démocraties.

Cette convention peut être qualifiée de robuste au regard des garanties qu'elle prévoit, inspirées de la convention européenne d'extradition de 1957. Les infractions de nature politique et militaire sont exclues, de même que les demandes motivées par des considérations ethniques, sexuelles ou politiques. Nous savons par ailleurs que la quasi-totalité des opposants réfugiés en France ont la double nationalité : la convention les préserve de toute demande d'extradition.

Ce texte confortera notre coopération en matière de lutte contre la criminalité tout en préservant les libertés fondamentales. Le dialogue avec d'autres États peut contribuer à faire rayonner nos valeurs universalistes. Le Gouvernement doit faire de cette convention un outil complémentaire au service du rapprochement entre la France et le Cambodge et du resserrement de ces liens un moyen d'encourager l'amélioration des droits humains dans ce pays. Madame la ministre, vous devez continuer de placer à l'ordre du jour de nos échanges avec les autorités cambodgiennes la garantie des libertés publiques.

En votant ce projet de loi, nous faisons le pari de l'avenir, en responsabilité, avec lucidité et vigilance. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Fortes d'un demi-siècle d'histoire, les relations entre la France et le Cambodge sont fondées sur la confiance et l'amitié. Elles ont conduit la France à jouer un rôle de premier plan en 1991 pour le retour de la paix après des décennies de folie khmère rouge.

Les relations entre nos deux pays demeurent étroites. Elles s'inscrivent dans une francophonie dynamique et se traduisent par la présence dans ce pays de nombreux entrepreneurs français. Elles s'appuient aussi sur une aide au développement importante, des contacts fructueux en matière militaire ou des actions pour la sauvegarde du fabuleux site d'Angkor.

Nos deux pays se sont récemment engagés sur la voie du renforcement de leur partenariat. Chacun y trouve un intérêt bien compris. La zone indo-pacifique représentera en 2040 plus de la moitié du PIB mondial : elle attire autant de convoitises qu'elle cristallise de tensions, en particulier entre Chine et États-Unis. Pour la France, riveraine de cette région par ses outre-mer, le Cambodge peut être un point d'appui important. De leur côté, les Cambodgiens voient dans la relation avec la France un moyen de desserrer un peu l'omniprésence économique de la Chine.

Cette convention est un jalon sur le chemin de ce rapprochement stratégique. Signée en 2015, elle enrichit notre relation dans un domaine où la coopération est actuellement menée sur une base ad hoc. Elle ne soulève pas de problème particulier et ne concerne qu'un nombre limité de cas. Conforme aux standards internationaux, elle prévoit les garanties procédurales propres à prévenir tout abus - je pense tout particulièrement aux motifs de refus.

Il faut dire que les droits civils et politiques au Cambodge se sont dégradés ces dernières années. Si ce pays a ratifié la plupart des conventions internationales et a mis formellement sa législation en conformité avec ses engagements, constitutionnalisant l'abolition de la peine de mort en 1993, opposants politiques, responsables syndicaux et journalistes font l'objet de pressions, quand ils ne sont pas incarcérés. Cette situation a conduit l'Union européenne à suspendre en 2020 le traitement préférentiel accordé à Phnom Penh dans le cadre du régime « Tout sauf les armes ».

Le respect des droits de l'homme est une préoccupation centrale. Mais en la matière, le dialogue, certes exigeant, est préférable à l'ostracisme. La volonté de dialogue rencontrera une oreille d'autant plus attentive qu'elle s'exprimera au sein d'une relation bilatérale approfondie. L'arrivée au pouvoir d'Hun Manet peut être une occasion à saisir, même si nous ne pouvons ignorer qu'il s'agit d'une accession au pouvoir dynastique. L'émergence d'une nouvelle génération de dirigeants, déterminés à réformer leur pays et demandeurs d'une relation renouvelée avec le nôtre, crée un contexte favorable.

Nous voterons le projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Pierre Grand .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le Cambodge est volontaire pour se rapprocher de Paris, afin d'équilibrer sa relation avec la Chine. Cette relation est l'occasion de renforcer nos liens avec l'Asean. Au-delà des opportunités commerciales, notre coopération concerne aussi la défense.

La France a tout intérêt à un renforcement de ces liens, mais nous ne pouvons pas transiger sur nos valeurs les plus essentielles.

Nos deux pays sont liés par une longue histoire - je pense au général de Gaulle. La législation du pays a évolué vers un plus grand respect des libertés individuelles, mais elle doit s'appliquer dans les faits.

Les accords et les échanges sont un moyen efficace de faire progresser nos idées, sans attendre que le monde soit conforme à nos idéaux - c'est valable au Cambodge comme ailleurs.

La coopération en matière judiciaire est sensible, car lutter contre la criminalité est essentiel pour l'État de droit. L'accord prévoit des garanties contre d'éventuelles dérives.

Notre groupe votera ce projet de loi, tout en invitant le Gouvernement à la plus grande vigilance sur les droits humains. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Christian Bilhac applaudit également.)

M. Philippe Folliot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les relations franco-cambodgiennes sont singulières. L'histoire a tissé des liens très forts entre nos deux nations. La France a assuré un protectorat sur le Cambodge pendant plus d'un siècle, qui s'est terminé en 1953 par une indépendance elle aussi singulière - sans guerre ni heurts. N'oublions pas non plus que c'est un Français qui a redécouvert cette merveille qu'est Angkor.

Nos destins sont liés : des Français ont vécu au Cambodge et des Cambodgiens se sont réfugiés en France pendant la terrible période qu'a vécue ce pays, avec la mort d'un quart de sa population sous les coups des Khmers rouges et la guerre civile qui a suivi.

Élu du Tarn, je rends hommage à la fondation Pierre Fabre, qui a participé à la refondation de la faculté de pharmacie de Phnom Penh. D'autre part, pas moins de 1,3 milliard d'euros ont été investis par l'Agence française de développement (AFD) dans ce pays.

Il paraît donc naturel qu'une convention d'extradition soit signée. C'est un pas de plus du Cambodge vers l'État de droit et une étape dans le renforcement de nos relations bilatérales. La convention est assortie de garanties pour que les droits politiques soient mieux respectés dans ce pays - je pense aux opposants et aux syndicalistes.

La situation politique n'en est pas moins insatisfaisante. Nous devons être vigilants et réaffirmer notre attachement à l'État de droit ici et là-bas.

Le groupe UC votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Akli Mellouli .  - Des liens indéfectibles unissent la France et le Cambodge, fruit d'une histoire commune empreinte de respect mutuel. Mais aujourd'hui, nous sommes appelés à nous positionner, en tant que défenseurs des droits humains, sur une convention d'extradition. L'amitié entre nos deux peuples nous oblige à tenir un discours de vérité.

Cette convention d'extradition doit être lue à la lumière des révélations de l'ONU ou d'Amnesty International sur des faits de torture, de violences, de mauvais traitements infligés aux détenus, dans le cadre de la campagne antidrogue au Cambodge. Ces faits doivent interroger notre conscience. Comment assurer la protection des droits fondamentaux à des personnes extradées vers des prisons où la torture et les traitements inhumains sont quotidiens ? Certes, le Cambodge a inscrit l'abolition de la peine de mort dans sa Constitution, mais ces engagements sont-ils effectifs ?

La France doit adopter une position ferme et claire. En tant que nation, nous portons la responsabilité de promouvoir les droits humains. Ce n'est qu'en étant cohérents que nous contribuerons à l'édification d'un monde plus juste et plus humain. Les liens d'amitié entre nos deux peuples nous permettent de dire les choses avec franchise. Nous voterons contre cette convention, tout en espérant trouver avec nos amis cambodgiens les voies d'une coopération respectueuse des droits fondamentaux et de la dignité humaine. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Cédric Perrin applaudit également.)

L'article unique est adopté. En conséquence, le projet de loi est adopté.

La séance est suspendue quelques instants.

Nationalisation du groupe Électricité de France (Troisième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion en troisième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en troisième lecture, visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement.

Discussion générale

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie .  - Cette troisième lecture permet d'achever un travail engagé depuis plus d'un an, et qui conduit aujourd'hui à un texte auquel le gouvernement est favorable. Je remercie le député rapporteur Philippe Brun et la rapporteure Christine Lavarde, qui a succédé à Gérard Longuet. J'espère un vote conforme sur ce texte qui, depuis la première lecture, a beaucoup évolué et été considérablement enrichi. (M. Fabien Gay en doute.)

Il s'agit d'inscrire dans la durée la relation entre l'État actionnaire à 100 % et EDF, à travers conclusion d'un accord de dix ans, actualisé tous les trois ans, en cohérence avec l'investissement massif prévu pour les deux prochaines décennies. Il s'agit bien d'un contrat pour dix années courantes ; nous y reviendrons lors de l'examen de l'amendement déposé par la rapporteure.

Il s'agit également d'étendre, à partir du 1er février 2025, les tarifs réglementés de vente d'électricité (TRV) à 3,7 millions de TPE et à 25 000 petites communes. Le Gouvernement s'est rallié à cette mesure simple qui évitera de distinguer en fonction de la puissance des compteurs. C'est une protection pour nos artisans, nos commerçants, nos agriculteurs, nos collectivités locales, qui arrive au bon moment, alors que les prix de l'énergie sont apaisés.

Neuf mois après l'OPA sur EDF réalisée par l'État, pour laquelle tout s'est bien passé, je vous invite à adopter conforme le texte issu de l'Assemblée nationale.

Mme Christine Lavarde, rapporteur de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il est urgent d'accélérer car ce projet de loi a mobilisé beaucoup de temps, et les rendements sont décroissants pour ses initiateurs. Le présent texte est assez éloigné de l'ambition initiale.

J'en propose l'adoption conforme, car le texte issu de la troisième lecture à l'Assemblée nationale correspond à l'esprit qui a prévalu au Sénat lors des précédentes lectures.

D'aucuns affirment que le Gouvernement aurait plié devant le Parlement. Pourtant, le résultat est bien le fruit de la discussion parlementaire. Le Gouvernement était à l'origine hostile à l'article 3 bis, et les députés de la majorité avaient refusé de voter l'extension des TRV.

L'Assemblée nationale s'est ralliée à la sagesse du Sénat, adoptant un dispositif conforme au droit européen ; le Gouvernement, lui, a accepté un texte plus ambitieux que celui qu'il avait soumis au Conseil d'État. En cas de nouvelle crise des prix de l'énergie, nous aurons un système protecteur pour nos TPE et nos collectivités.

Reconnaissons toutefois qu'aujourd'hui, le dispositif n'est pas intéressant. J'ai consulté le comparateur du médiateur de l'énergie : en restant chez le même opérateur, je gagne 15 % par rapport au tarif réglementé ; idem si je choisis une offre d'électricité verte ! Aujourd'hui, les tarifs réglementés ne sont donc pas plus attractifs que les offres de marché. Surtout, nous n'avons pas de visibilité sur leur formule de calcul, avec la disparition de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) au 31 décembre 2025.

Le contrat décennal permettra à l'État actionnaire et à l'entreprise d'exposer sur la longue durée leur politique pour assurer une énergie compétitive, tant pour les citoyens que pour les entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) EDF est stratégique pour l'indépendance énergétique de la France, pour la maîtrise des infrastructures et pour leur sécurité.

Le projet de nationalisation a été abandonné au profit d'un statut de société anonyme au capital détenu à 100 % par l'État, ce qui protège l'opérateur de toute tentative de privatisation : toute ouverture du capital supposera de passer par le Parlement. Ce texte, s'il n'est pas parfait, est une garantie, et le spectre du démembrement, incarné par le projet Hercule, s'éloigne.

La signature d'un accord décennal, les tarifs réglementés - même insuffisants - sont des avancées. L'actionnariat salarié serait un atout.

Je ne peux passer sous silence la hausse vertigineuse des tarifs de l'électricité, qui ont bondi de 49 % entre janvier 2022 et février 2024, quand les prix des denrées alimentaires croissaient de 23 %. Quand s'arrêtera cette spirale infernale ?

La hausse des taxes sur l'électricité n'est-elle pas une entorse au sacro-saint principe de « pas de hausse de la fiscalité » ?

Les prix pour le consommateur français sont indexés sur le gaz, pas sur les coûts de production, alors que l'électricité consommée en France est produite à 94 % en France. L'harmonisation des politiques nationales en matière de production énergétique doit se faire vers le haut : ceux qui ont choisi les énergies fossiles, comme l'Allemagne, n'ont pas à faire payer l'addition aux autres.

Sans enthousiasme, mais avec raison, le RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Saïd Omar Oili .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce texte a largement évolué au fil des trois lectures. Le Gouvernement a promptement agi pour protéger le groupe : l'OPA simplifiée lancée en 2022 a été un succès, et le capital d'EDF est désormais détenu à 100 % par l'État. Dès lors, les articles 1er et 3 n'avaient plus de raison d'être, et ont été supprimés.

La navette a été cruciale pour élaborer un texte proportionné aux enjeux de la politique énergétique.

Le RDPI est favorable à l'actionnariat salarié, mais, au vu de la situation financière du groupe, l'ouverture du capital dès à présent n'aurait pas grand intérêt pour les salariés et anciens salariés. Aussi souscrivons-nous à la proposition de Luc Rémont d'encourager plutôt l'intéressement, tout en laissant la possibilité d'ouvrir ultérieurement le capital d'EDF aux salariés et anciens salariés.

Nous nous réjouissons que l'Assemblée nationale ait validé la version sénatoriale de l'article 3 bis. L'accès aux TRVE des boulangers, restaurateurs ou fleuristes, qui en étaient exclus, renforcera les tissus économiques locaux et protégera en cas de nouvelle crise énergétique.

L'ouverture ciblée du périmètre d'éligibilité des TRVE assure la conformité avec le droit européen ; c'est aussi une marque de responsabilité budgétaire.

L'effort a été transpartisan et devrait aboutir à un vote conforme.

L'action du Gouvernement en amont, combinée aux dispositions de cette proposition de loi, est une garantie pour l'avenir. Le RDPI votera conforme ce texte raisonnable, réaliste et utile aussi bien pour les TPE que pour les petites communes.

Un mot, pour finir, sur l'article 3 ter, qui a été voté conforme. En tant que sénateur de Mayotte, je n'en vois pas l'intérêt, car je ne pense pas que ce qui est fait au niveau métropolitain soit transposable pour Électricité de Mayotte. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Victorin Lurel .  - Nous espérons que cette troisième lecture sera conclusive. Si d'aucuns regretteront le redimensionnement du texte, nous pouvons collectivement être fiers du travail parlementaire. Les socialistes ont convaincu de la nécessité de sanctuariser le fleuron EDF, d'assurer la souveraineté énergétique et de protéger les Français face à la précarité énergétique.

Ces enjeux d'intérêt supérieur commandaient de trouver des compromis. Nous nous sommes donc concentrés sur l'essentiel : la consécration de la détention publique du capital à 100 % et la notion de société d'intérêt national.

Les auditions de la commission d'enquête sénatoriale montrent qu'il est urgent de réarmer le service public de l'électricité. Nous demandons au Gouvernement de définir une stratégie claire pour le pays et de présenter rapidement un projet de loi de programmation énergie-climat.

Seconde avancée : l'élargissement des TRVE, sans condition de puissance, pour les TPE et les petites collectivités - bouclier vital pour des millions d'artisans, commerçants, restaurateurs ou agriculteurs.

La discussion sur ce texte ne tranchera pas nos débats philosophiques, mais nous transcendons les divergences pour s'accorder sur l'essentiel, bel exemple de parlementarisme abouti. Le groupe SER votera ce texte (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Bruno Belin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Merci à Christine Lavarde, qui a pris le relais de Gérard Longuet comme rapporteur. Nous avons enfin une solution et espérons un vote conforme sur ce texte.

En matière de capital, de démembrement, de participation, il y a de vrais progrès. Mais je me félicite surtout du volet TRVE, qui bénéficiera à nos communes rurales - celles qui ont moins de dix ETP ou un budget de fonctionnement inférieur à 2 millions d'euros. Alors qu'elles sont en souffrance, nous leur envoyons un message de soutien. Nous l'adressons aussi aux artisans, notamment aux boulangers, qui ont subi la hausse des tarifs à l'automne 2022, alors qu'ils font face à la concurrence de la grande distribution.

Je conclus en ayant une pensée pour le boulanger de Buxeuil, dans mon département de la Vienne, confronté aux inondations ce week-end. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Christopher Szczurek .  - Il y a quelques semaines, j'exprimais la perplexité des sénateurs du Rassemblement national sur ce texte dépourvu d'ambition.

Certes, le principe d'une détention publique à 100 % et la mention d'entreprise d'intérêt national protègent d'un démembrement futur, mais je m'étonne que la majorité sénatoriale, qu'on pensait attachée au gaullisme, ait été l'allié zélé du Gouvernement pour limiter l'actionnariat salarié au sein d'EDF ! Le renvoi au pouvoir réglementaire est un mépris du Parlement.

La participation demeure une idée profondément moderne, alliant engagement des salariés, pouvoir d'achat, protection de notre souveraineté, et gouvernance plus coopérative des grands groupes. Ce texte aurait pu être l'occasion d'inscrire ce modèle dans la loi pour l'étendre à d'autres entreprises. Mais la droite sénatoriale et le Gouvernement ont choisi le conservatisme le plus obtus.

Je ne crois pas à la bonne foi d'un gouvernement qui a sciemment organisé le démantèlement de notre système énergétique, endetté EDF et enrichi les traders de l'énergie et le charbon allemand.

Par pragmatisme, nous voterons ce texte, mais appelons le Parlement à la plus grande vigilance. En 2027, il nous faudra reconstruire notre indépendance énergétique. Les Français attendent qu'on allège leur fardeau. Si l'actuelle majorité ne l'a pas souhaité, une majorité nouvelle le fera.

M. Mickaël Vallet.  - Avec Gazprom !

M. Pierre-Jean Verzelen .  - À l'hiver 2022, quelques mois après l'invasion de l'Ukraine qui avait généré des tensions sur le marché du gaz, les prix de l'énergie explosaient, on parlait de coupures d'électricité et on importait de l'énergie des centrales à charbon de nos voisins. Était-ce le résultat de mauvais choix d'EDF ?

M. Thomas Dossus.  - Oui !

M. Pierre-Jean Verzelen.  - Non, mais d'un mécanisme européen de fixation des prix aberrant, de la situation géopolitique, et surtout, des décisions découlant de l'accord électoral passé entre Martine Aubry et EELV visant à fermer plusieurs centrales nucléaires.

M. Thomas Dossus.  - Vingt-deux réacteurs à l'arrêt !

M. Pierre-Jean Verzelen.  - François Hollande qualifiait le nucléaire d'énergie du passé. Belle vision, beau résultat.

La proposition de loi pose la question du lien entre l'État et les grandes entreprises nationales. L'État est-il un bon capitaine d'industrie ? On a toujours constaté le contraire. Les gouvernements Chirac mais aussi Jospin sont ceux qui ont le plus privatisé...

Nous sommes de ceux qui pensent que l'État ne doit pas administrer d'entreprises, mais qu'il doit être stratège. En matière nucléaire, il faut relancer la filière, réinvestir dans la recherche, la formation des ingénieurs et retrouver de la main-d'oeuvre. Nous soutenons pleinement le choix de relancer la construction de nouvelles centrales.

Le mécanisme de fixation du prix européen est peu compréhensible. Chacun doit payer son électricité en lien avec les coûts de production de l'énergie nationale.

Les tarifs réglementés sont étendus aux collectivités territoriales et petites communes : c'est une bonne chose. Nous saluons l'extension des TRVE aux TPE et aux communes, afin de leur garantir un prix raisonnable face à l'explosion des tarifs. Nous voterons ce texte, qui doit beaucoup au Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Michel Canévet .  - Nous avons le plaisir de vous retrouver, monsieur le ministre.

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Plaisir partagé !

M. Michel Canévet.  - Ce texte ne révolutionnera pas la situation d'EDF, mais il apporte des précisions, notamment sur l'accès aux tarifs réglementés. Certes, l'offre de marché est peut-être plus avantageuse aujourd'hui, comme l'a montré la rapporteure, mais le groupe UC est attaché à la protection des consommateurs.

Nous regrettons que le Gouvernement ne promeuve pas l'actionnariat salarié, alors que la loi Pacte, dont vous étiez rapporteur, monsieur le ministre, avait fixé comme objectif d'atteindre 10 % du capital des entreprises cotées. Nous en sommes très loin, à seulement 4,23 %. L'État doit être exemplaire. Il serait regrettable qu'EDF, principal producteur d'électricité, ne fasse pas aussi bien que Total ou Engie en la matière ! Pour redresser le groupe, il convient de mobiliser les salariés. Nous comptons sur le Gouvernement pour prendre un décret autorisant l'actionnariat salarié - sujet cher au groupe UC.

Le groupe UC est également attaché à l'adoption d'une loi pluriannuelle de l'énergie - sujet qui relève de vos attributions, monsieur le ministre. Il faut aller au-delà des contrats décennaux, fixer un cap ; il y va de la compétitivité de nos entreprises.

Nous avons aussi besoin de développer les initiatives en faveur de la diversification des productions d'énergie renouvelable. (M. Thomas Dossus approuve.) Cela exige une réelle volonté politique, que ce soit pour la méthanisation ou les énergies marines autres que le vent. Le Gouvernement doit encourager les acteurs de terrain à explorer de nouvelles technologies, afin de parvenir à des coûts de production des énergies renouvelables satisfaisants.

Décarboner, diversifier, produire : voilà ce qui est en jeu avec cette proposition de loi que le groupe UC appelle de ses voeux. (M. Christian Bilhac applaudit.)

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) La part de l'électricité dans le budget des ménages ne cesse d'augmenter, de 7 % en 1970 à 12 % en 2010 et 15 % en 2021.

Il y a du cynisme dans la décision d'augmenter les tarifs réglementés de 9,8 % en janvier - la promesse étant une hausse de moins de 10 %. Court-termiste, le Gouvernement invoque la guerre en Ukraine.

L'explication de long terme, c'est le gouffre financier de l'atome. Dire que c'est l'énergie la moins chère est factuellement faux. Flamanville a coûté 19,1 milliards d'euros au lieu des 9 milliards prévus ; Hinkley Point, 40 milliards au lieu de 21 milliards ; le grand carénage : 49,4 milliards. Tous ces coûts seront payés par EDF et le contribuable.

Le texte examiné aujourd'hui va dans le bon sens, malgré les nombreux lissages qu'il a subis pendant la navette - initialement, il prévoyait la nationalisation d'EDF, pour empêcher tout projet de démantèlement, comme le projet Hercule.

Après le coup de rabot du Sénat, le texte prévoit la contractualisation avec EDF. Je souligne toutefois une avancée notable : l'élargissement des TRVE.

Mais la révolution à opérer, c'est celle de notre mix énergétique, avec la sortie de l'impasse nucléaire -  curieux entêtement de la France alors que l'atome perd du terrain à l'échelle planétaire. Ainsi, 495 milliards de dollars d'investissements sont allés aux énergies renouvelables en 2022, contre 35 milliards pour le nucléaire, quatorze fois moins. Mais qu'attendre d'un Gouvernement nostalgique de Pompidou ?

Nous avons besoin d'une loi de programmation de l'énergie.

Le GEST s'abstiendra pour parvenir à un vote conforme. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Fabien Gay .  - Enfin, la troisième lecture d'un texte imaginé il y a presque deux ans. Je salue la ténacité de Philippe Brun, présent en tribune aujourd'hui.

Ce texte a été déposé au lendemain de l'avortement du projet Hercule, défaite politique du Gouvernement, grâce à la mobilisation des salariés et de quelques élus de gauche, opposés au détricotage de l'oeuvre du ministre communiste Marcel Paul.

Même si ce texte a été affaibli, il a deux atouts. Le premier est le contrat de dix ans, passé entre EDF et l'État, qui empêche toute privatisation. Le second est le retour des tarifs réglementés.

À ce propos, monsieur Lescure, vous et Bruno Le Maire êtes de formidables danseurs de claquettes - ou de flamenco : vous vous gargarisez de cette extension, alors que vous vous y opposiez depuis le premier jour ! Depuis 2017, à chaque examen du budget, nous présentons un amendement à ce sujet : le Gouvernement y est toujours défavorable. On nous traitait de ringards avant la crise énergétique, et nous nous sentions bien seuls.

Ainsi, ce texte est une victoire du Parlement et des oppositions de gauche contre le Gouvernement.

Il faut reconstruire un grand service public de l'énergie, pour décarboner notre mix énergétique et sortir 12 millions de personnes de la précarité énergétique. Dans quelques jours, nous déposerons une grande proposition de loi pour nationaliser tout le secteur énergétique, Engie, EDF et TotalEnergies, et créer GEDF, Groupe Énergie de France.

Pour préparer le post-Arenh, il faut une loi pluriannuelle de programmation de l'énergie.

Je veux dénoncer le terrible scandale du bouclier tarifaire. Il a coûté 40 milliards d'euros, quand les marges nettes des fournisseurs, notamment alternatifs, ont été de 30 milliards d'euros, alors que la taxe sur les rentes inframarginales a rapporté 300 millions d'euros sur les 12 milliards attendus. Ainsi, l'augmentation des tarifs de l'électricité atteint 36 % en deux ans.

Nous voterons ce texte. Félicitations à Philippe Brun et à tous ses soutiens ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST ; M. Christian Bilhac applaudit également.)

M. Franck Montaugé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je remercie nos collègues de l'Assemblée nationale et particulièrement Philippe Brun.

L'État détient désormais tout le capital d'EDF, qui fait face à un mur d'investissements. Or les coûts d'emprunt auront un très fort impact sur les coûts de production, donc les tarifs de l'énergie pour les ménages, les entreprises, les collectivités.

Comment l'État s'impliquera-t-il pour que le coût pondéré moyen du capital soit le plus faible possible ? Sans l'État, le coût pour les Français sera très élevé. La question est exclusivement financière. (M. Victorin Lurel renchérit.) Elle conditionne la compétitivité de la production nationale.

Qu'en est-il du souhait du Gouvernement de prélever des dividendes à EDF pour contribuer au redressement des comptes publics ? Est-ce le moment, alors que de lourds investissements se profilent ?

Nous voterons cette proposition de loi. Le Gouvernement doit maintenant en tirer les conséquences, en tant qu'actionnaire unique et garant de l'intérêt général.

Nous saluons l'action des syndicats auprès de Bercy sur la participation des salariés au développement d'EDF. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)

M. Jean-Claude Anglars .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Une troisième lecture est assez rare pour être soulignée, alors qu'il s'agit de la procédure normale. En effet, les procédures accélérées sont récurrentes. Or les navettes parlementaires assurent une certaine maturité législative, comme avec cette proposition de loi.

Nous avons constaté un profond changement des votes de l'Assemblée nationale au fil des navettes, pour aboutir à une adoption à l'unanimité.

Le contexte du dépôt du texte en décembre 2022 est différent de celui d'aujourd'hui : le projet Hercule a été abandonné et il s'agit désormais de soutenir les TPE et les petites communes.

Je salue le travail de la commission des finances et de Christine Lavarde.

M. Jean-François Husson.  - Très bien !

M. Jean-Claude Anglars.  - La version du Sénat adoptée en deuxième lecture a été conservée, avec par exemple la possibilité pour EDF de céder certaines activités si besoin et le rétablissement, au 1er février 2025, des TRVE pour les petites communes et les TPE.

Le texte fixe dans la loi la détention par l'État de 100 % du capital d'EDF. Le Gouvernement devrait donc repasser par le Parlement pour toute cession.

La qualification d'entreprise d'intérêt national est essentielle à la souveraineté et à la transition.

Rappelons la situation juridique des concessions hydrauliques, dans l'impasse. Les exploitants actuels, dans l'Aveyron sur la Truyère et le site de Montézic, sont prêts à faire démarrer une centrale de 430 MW. Mais la concrétisation dépendra du cadre juridique et de la résolution du contentieux européen. Qu'en est-il de la réponse du Gouvernement, du transfert des concessions et du régime d'autorisation ?

Le groupe Les Républicains votera ce texte, tout en restant vigilant vis-à-vis du prochain projet de loi relatif à la souveraineté énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Discussion des articles

Article 2

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Lavarde, au nom de la commission.

Alinéa 4, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

pour une durée de dix ans

Mme Christine Lavarde.  - Je le retire, car le ministre a répondu dans la discussion générale au problème résolu par cet amendement, de correction d'une erreur rédactionnelle issue de l'Assemblée nationale. Il serait dommage de faire redémarrer la navette, alors que le ministre a été clair : tous les trois ans, le contrat sera réactualisé pour dix ans.

L'amendement n°5 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart.

Alinéa 6

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

« L'entreprise Électricité de France propose une opération permettant à ses salariés et à ses anciens salariés d'accéder à son capital. Cette opération porte au minimum sur 2 % du capital de l'entreprise. Elle a lieu dans les quatre mois suivant la date de publication de la loi.

« Un rabais est octroyé aux salariés et aux anciens salariés éligibles si les titres acquis ne peuvent être cédés avant une période de cinq ans.

« Un arrêté du ministre chargé de l'économie précise les critères d'éligibilité des anciens salariés, le nombre de titres proposés aux personnes éligibles et le prix de souscription ainsi que, le cas échéant, la durée de l'offre, les modalités d'ajustement de l'offre si la demande est supérieure à l'offre, le rabais, les mécanismes assurant la liquidité des titres et la partie des coûts prise en charge par l'État.

« Pour assurer le partage de la valeur au sein de l'entreprise Électricité de France, la part de la détention par l'État est minorée, jusqu'à 10 % du capital social de l'entreprise, par le capital détenu par les salariés et les anciens salariés de l'entreprise. »

M. Christopher Szczurek.  - Le but de cet amendement, que je pourrais retirer, est de graver dans le marbre de la loi l'actionnariat salarié. Le Gouvernement peut-il s'engager en la matière ?

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par MM. Canévet, Cambier, Courtial et Mizzon, Mme Loisier, MM. Hingray et Parigi, Mme Devésa, M. Folliot, Mmes Florennes et Sollogoub et M. Henno.

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Pour assurer le partage de la valeur au sein de l'entreprise Électricité de France, la part de la détention par l'État est minorée, jusqu'à 10 % du capital social de l'entreprise, par le capital détenu par les salariés et les anciens salariés de l'entreprise. »

M. Michel Canévet.  - Cet amendement va dans le même sens, en inscrivant dans le texte que l'actionnariat salarié puisse monter jusqu'à 10 %. Les salariés doivent être mobilisés le plus possible pour la réussite de l'entreprise. Je souhaite entendre le Gouvernement à ce sujet.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par MM. Canévet, Cambier, Courtial et Mizzon, Mme Loisier, MM. Hingray et Parigi, Mme Devésa, M. Folliot, Mmes Florennes et Sollogoub et M. Henno.

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

... - Dans un délai de trois mois suivant la date de publication de la loi n°  du visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement, l'entreprise Électricité de France propose une opération permettant à ses salariés et à ses anciens salariés d'accéder à son capital. Cette opération porte au minimum sur 2 % du capital de l'entreprise, pour un prix de souscription hors rabais qui ne peut être supérieur à 12 euros.

Un rabais est octroyé aux salariés et aux anciens salariés éligibles si les titres acquis ne peuvent être cédés avant une période de cinq ans.

Un arrêté du ministre chargé de l'économie précise les critères d'éligibilité des anciens salariés, le nombre de titres proposés aux personnes éligibles et le prix de souscription ainsi que, le cas échéant, la durée de l'offre, les modalités d'ajustement de l'offre si la demande est supérieure à l'offre, le rabais, les mécanismes assurant la liquidité des titres et la partie des coûts prise en charge par l'État.

... - L'entreprise Électricité de France peut s'exonérer de son obligation de mettre en place l'opération d'actionnariat salarié prévue au II en versant une prime de sortie à tous les actionnaires salariés et anciens salariés détenteurs de titre de l'entreprise au 8 juin 2023.

Un arrêté ministériel fixe le montant de la prime par action détenue.

M. Michel Canévet.  - Nous rappelons que les salariés ont reçu 12 euros pour des actions qu'ils avaient parfois payées 25 ou 66 euros. Quelle perte pour ces 80 000 salariés !

Vu l'importance du partage de valeur, l'État doit être exemplaire.

Une prime de sortie éviterait aux salariés concernés d'être encore plus spoliés.

Mme Christine Lavarde, rapporteur.  - Triple avis défavorable. La commission a pris acte du « deal » entre le rapporteur de l'Assemblée nationale et le Gouvernement et propose un vote conforme, d'autant que le texte revient à la version adoptée par la commission en deuxième lecture.

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Demande de retrait, pour obtenir un vote conforme.

L'État a acquis 100 % du capital d'EDF. Le rouvrir n'est pas d'actualité alors que des investissements sont prévus.

Le débat du partage de la valeur ajoutée, essentiel, aura lieu.

Le texte actuel lève toute ambiguïté, précisant le caractère facultatif de l'ouverture du capital, au bénéfice des seuls anciens salariés conservant un lien avec l'entreprise au titre de son système collectif d'épargne.

La prime de sortie n'est pas acceptable. L'OPA a été validée par la justice, à une valeur expertisée. EDF n'étant pas l'initiatrice de l'OPA, elle n'a pas à être sollicitée.

M. Christopher Szczurek.  - Je retire l'amendement, mais la réponse du ministre n'est pas satisfaisante.

L'amendement n°3 est retiré.

M. Fabien Gay.  - M. Michel Canévet continue à promouvoir l'actionnariat salarié, ce qu'il fait depuis la loi Pacte : nous apprécions sa constance.

Pour nous, c'est plus mitigé... (Sourires) Mais je voterai son amendement. Les salariés qui ont acheté à 36 ou 66 euros l'action subissent une démarche qui n'est pas la leur. L'indemnisation à 12 euros est très basse.

Marcel Paul a unifié 1 300 entreprises électriques et gazières : sa nationalisation n'était pas une mince affaire ! Il avait prévu que, si la situation évoluait sous trois mois, un réajustement était possible par décret.

Les salariés actionnaires ont payé les mauvais chiffres d'EDF, pourtant aujourd'hui la situation a totalement évolué. Il faut trouver un compromis avec les représentants des actionnaires salariés.

M. Victorin Lurel.  - Nous comprenons l'amendement de Michel Canévet, mais nous nous abstiendrons.

En revanche, nous souhaitons une réponse beaucoup plus claire du ministre. Il semblait qu'un accord avait été conclu, que l'intersyndicale devait être reçue.

Je relève le caractère optionnel de l'ouverture du capital. Le Gouvernement devrait faire des efforts à l'égard des salariés et anciens salariés.

L'amendement n°1 rectifié bis est retiré, ainsi que l'amendement n°4 rectifié bis.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

 « Le capital de la société gestionnaire des réseaux publics de distribution mentionnée au 1° de l'article L. 111-52 du présent code est détenu en totalité par l'entreprise Électricité de France. »

M. Fabien Gay.  - Je m'interroge : Enedis a été exclu du texte, après un compromis. Pourtant Enedis est une filiale d'EDF à 100 %. La réalité, c'est que vous n'avez pas abandonné le projet Hercule : vous n'avez acquis 100 % d'EDF que pour avoir les mains libres ! (M. Roland Lescure s'en émeut.)

Cela vous fait peut-être sourire, monsieur le ministre (l'intéressé s'en défend), mais les réponses d'Agnès Pannier-Runacher et de Bruno Le Maire n'ont jamais été très claires. Pour éponger les 60 milliards de dettes, il faudra vendre des actifs ou ouvrir le capital des filiales, dont Enedis, la poule aux oeufs d'or.

C'est pourquoi nous voulons rendre les titres d'Enedis incessibles.

J'attends un engagement fort du Gouvernement en ce sens.

Mme Christine Lavarde, rapporteur.  - Avis défavorable. Regardez le plan pluriannuel d'investissements d'Enedis avant de la qualifier de poule aux oeufs d'or...

MM. Fabien Gay et Franck Montaugé. - Au contraire !

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Avis défavorable. Nous avons des besoins d'investissement énormes dans les prochaines années, pour construire des EPR et investir dans les énergies renouvelables et les réseaux.

Premièrement, Hercule est mort. Deuxièmement, un actionnaire public comme l'État doit pouvoir aider Enedis à investir. Troisièmement, cet amendement risque l'inconstitutionnalité, car vous formulez des injonctions à l'actionnaire d'Enedis, c'est-à-dire EDF.

M. Franck Montaugé.  - Je crois le contraire de ce qui vient d'être dit : une entreprise qui doit investir beaucoup va attirer des convoitises. Ce raisonnement ne tient pas la route.

Le groupe communiste pose une question de souveraineté nationale : comment protégeons-nous l'énergéticien central français ?

M. Fabien Gay.  - Monsieur le ministre, vous ne me rassurez pas, bien au contraire !

Pourquoi intégrer la production, le transport et la distribution ? Parce que cela permet d'investir dans l'une des activités grâce au financement des autres.

Vous, les libéraux, avez fait le choix de les séparer au profit d'acteurs alternatifs qui sont, en réalité, tous des requins.

L'an dernier, Enedis a versé 1,25 milliard d'euros de dividendes... Et vous n'appelez pas cela une poule aux oeufs d'or ? Il faut le rendre incessible.

Nous retirerons l'amendement, pour obtenir un vote conforme. Mais nous avons besoin d'un grand débat sur le sujet. (Mme Cathy Apourceau-Poly renchérit.)

L'amendement n°2 est retiré.

M. le président.  - Le vote sur l'article 2 vaut pour l'ensemble de la proposition de loi.

L'article 2 est adopté et la proposition de loi est définitivement adoptée.

(Mme Corinne Narassiguin et M. Jean-Claude Tissot félicitent M. Philippe Brun, présent en tribune.)

Prochaine séance, mardi 9 avril 2024, à 9 h 30.

La séance est levée à 19 h 35.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 9 avril 2024

Séance publique

À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir

1. Questions orales

2. Proposition de loi visant à concilier la continuité du service public de transports avec l'exercice du droit de grève, présentée par M. Hervé Marseille et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°493, 2023-2024) (demande du groupe UC)

3. Débat sur la fermeture des classes et la mise en place de la carte scolaire dans les départements (demande du groupe Les Républicains)

4. Proposition de loi visant à proroger la loi n°2017-285 du 6 mars 2017 relative à l'assainissement cadastral et à la résorption du désordre de la propriété, présentée par M. Jean-Jacques Panunzi et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°495, 2023-2024) (demande du groupe Les Républicains)

5. Sous réserve de leur dépôt, conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire et sur le projet de loi organique modifiant la loi organique n°2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution (demande du Gouvernement)

6. Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole (demande du Gouvernement)